Une fête de village en Normandie
Lieu de conservation : musée des Civilisations de l’Europe et de la Méditerranée (Mucem, Marseille)
site web
Date de création : Vers 1830
H. : 36 cm
L. : 45 cm
Peintre : Jouhaux.
Huile sur toile.
Domaine : Peintures
© RMN-Grand Palais (MuCEM) / Jean-Gilles Berizzi
1938.163.2 - 99-018247
Une fête de village en Normandie
Date de publication : Juillet 2007
Auteur : Valérie RANSON-ENGUIALE
Moment de liberté au village
La notion de foire, incluant l’idée de fête, recouvre aussi bien l’idée de kermesse que de marché commercial temporaire. La kermesse, fête patronale, commémore à l’origine un saint et possède un caractère religieux (Noël, Pâques…), tout en s’accompagnant d’activités ludiques organisées par les villageois eux-mêmes. La foire, du Moyen Âge au milieu du XVIIIe siècle, est un marché important où les échanges dépassent le cadre local. Elle participe pleinement au développement économique du commerce intérieur et international des pays en assurant la circulation de l’argent et des marchandises. Banquiers, changeurs, émissaires de firmes sont réunis pour l’occasion. En favorisant un certain brassage des différentes catégories de la population, en diffusant des idées, des marchandises et des inventions nouvelles, elle assure également un rôle social et culturel. Les commerçants ambulants approvisionnent en produits courants, flanqués de charlatans et d’arracheurs de dents qui s’imposent face à la Faculté de médecine. Suivent également comédiens et artistes ambulants – saltimbanques, bateleurs, acrobates, musiciens, belluaires et montreur de « phénomènes ». Cette réunion devient ainsi un avantage pour le pays, une occasion de plaisir et d’abondance et une ressource pour le commerce et l’industrie. Les foires de Leipsick ou de Beaucaire ont alors une notoriété internationale ; cependant que chaque village possède sa foire et représente un moment de gaîté pour les habitants.
Le temps libre
Le tableau du peintre Jouhaux représente une foule massée devant de nombreuses attractions foraines venues dans leur village. En dépit du titre, il doit s’agir d’un village important ou d’une fête de dimension régionale. Les spectateurs arborent la tenue traditionnelle, adultes comme enfants. Plusieurs baraques foraines sont présentes pour l’occasion, constituées d’assemblage de planches recouvertes par une bâche. Le métier comporte une entrée, placée sous le panneau d’enseigne et un second accès situé de l’autre côté de l’estrade. Il s’agit d’un entresort qui assure un spectacle permanent.
Au premier plan, un banquiste, perché sur son estrade, en plein boniment, fait retentir une grosse caisse, retenant ainsi la foule pour l’inviter à entrer dans l’entresort. Normalement, une personne assure la parade : le tambour, l’aboyeur, le trompette, le clown, la danseuse ou l’acrobate. Parfois Pierrot est un faire-valoir naïf et maladroit. Derrière les artistes, il y a une toile peinte qui représente les attractions, ici un volcan en éruption, certainement le Vésuve. A l’intérieur, le spectateur assiste à des dioramas de catastrophes naturelles. Au second plan, sur le même modèle, un numéro de funambule et plus loin l’exhibition d’une femme géante. A l'arrière-plan, les baraques sont nombreuses et peuvent présenter des phénomènes, des musées de cire, des acrobates… Face aux banquistes, les cabarets sont alors nombreux et nous voyons ici un estaminet avec une bouteille comme enseigne.
L’histoire des attractions de foires se divise ainsi : le palque correspond aux numéros effectués au sol par les acrobates ou avaleurs de sabres ; il est antérieur au spectacle présenté sur des planches par les banquistes ou paradistes, dépeint ici. Ensuite se développe la fête foraine, avec les forains actuels et leurs manèges.
Un champ d’espoir
L’attrait pour les foires tient du fait qu’elles sont une nécessité pour les échanges et un temps libre qui laisse place au loisir individuel. Les foires se maintiennent malgré les restrictions imposées par les autorités, soucieuses de canaliser tous les rassemblements. La fête reste nécessaire pour soulager des peurs et misères de la vie quotidienne et représente un moment privilégié pour savourer le temps libre. La foire introduit la rupture avec la vie du travail dont elle est la récompense, où l’on dépense plus aisément, loin de la communauté : spectacles extraordinaires, artistes ambulants, jeux de chance, consommation aux cabarets...
Les gravures, les cartes postales et tout support populaire susceptible de rappeler ce moment exceptionnel que symbolise la fête foraine sont nombreux, mais les peintres ou les écrivains ont aussi étaient inspirés par cet univers. Les costumes colorés des saltimbanques, les jeux d’expressions, les contorsions du corps, le mode de vie de l’artiste errant… vont se retrouver dans le tableau La fête à saint Cloud de Fragonard, ou dans le texte Le vieux saltimbanque de Charles Baudelaire.
Charles BAUDELAIRE Le vieux saltimbanque, in Le Spleen de Paris, XIV, Œuvres complètes, Bibliothèque de La Pléiade.Paris, Gallimard, 1975.
Alain CORBIN L’avènement des loisirs 1850-1960 Paris, Flammarion 2001.
Un spectacle forain vers 1830 Article dans la "Revue du Louvre", n°5-6.Paris, RMN, 1989.
Valérie RANSON-ENGUIALE, « Une fête de village en Normandie », Histoire par l'image [en ligne], consulté le 24/11/2024. URL : https://histoire-image.org/etudes/fete-village-normandie
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