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 Cour de ferme

Cour de ferme

Date de création : 1784

Date représentée : 1784

H. : 64 cm

L. : 77 cm

Huile sur toile

Domaine : Peintures

© Photo RMN - Grand Palais (Musée du Louvre) / Jean-Gilles Berizzi

http://www.photo.rmn.fr

06-503589 / INV6209

Une cour de ferme au XVIIIe siècle

Date de publication : Avril 2014

Auteur : Stéphane BLOND

La crise morale d’un artiste

Le tableau intitulé Cour de ferme de Nicolas-Bernard Lépicié (1735-1784) est réalisé à un moment délicat dans la vie de l’artiste. Né en 1735, il est le fils de François-Bernard Lépicié, secrétaire et historiographe de l’Académie royale de peinture et de sculpture. Celui-ci est connu pour son Catalogue des tableaux du roi et sa Vie des premiers peintres du roi, deux ouvrages publiés en 1752.

Élève de Carle Van Loo et deuxième du prix de Rome en 1759, Nicolas-Bernard Lépicié est agréé en 1764, puis reçu à l’Académie de peinture du roi en 1769. Il y forme de nombreux artistes et réalise des peintures religieuses et historiques. Une dizaine d’années plus tard, il traverse une période tourmentée, avec une crise morale empreinte de mysticisme qui se traduit par des phases de repli à la campagne et une peinture davantage centrée sur la vie des individus et le goût des choses simples.

L’artiste a daté et signé son œuvre : « N. B. Lépicié, 1784. » Achevé peu de temps avant la mort de l’artiste, ce tableau fait suite à une commande du duc de La Rochefoucauld-Liancourt (1747-1827), fondateur d’une ferme modèle sur ses terres. Pendant la Révolution française, le duc passe en Angleterre, et ses biens sont saisis. En 1794, le tableau intègre le fonds du nouveau Muséum central des arts de la République, ancêtre du musée du Louvre où l’œuvre est toujours conservée.

Le chantre de la ruralité

Alors que des artistes comme les frères Le Nain ou Jean-Baptiste Greuze s’intéressent au quotidien des paysans, Lépicié privilégie quant à lui, à la fin de sa vie, la représentation du travail à la ferme. En peignant une famille occupée à différentes activités dans une cour de ferme, il donne à sa peinture un caractère intimiste que l’on retrouve dans plusieurs de ses œuvres (Les Halles, L’Intérieur d’une douane, etc.). Il s’agit d’une vision traditionnelle de la vie rurale, avec des scènes rustiques qui rappellent par certains aspects les œuvres flamandes, comme les tableaux des frères Bruegel.

Lépicié représente la cour d’une ferme typique du Bassin parisien. Les bâtiments visibles sur cette toile sont la grange aux foins au fond et le corps de ferme à droite. Ils sont en pierre calcaire et couverts de tuiles. La lumière jaune chatoyante et les jeux d’ombre suggèrent un après-midi d’automne. L’artiste agrémente ce petit tableau de multiples saynètes qui l’animent et le rendent réaliste. Huit personnages s’affairent à des tâches diverses : tirer de l’eau au puits, laver le linge, tisser de l’osier, s’occuper du fourrage. Une femme distribue du grain à des poules, aidée par un petit garçon, le seul personnage tourné vers l’observateur, en forme de clin d’œil. L’artiste révèle toute sa virtuosité dans la représentation d’une foule d’animaux de toutes espèces : bœufs, poules, dindons, pigeons, chevaux, chiens, chats, etc. Un chien sagement assis regarde lui aussi le spectateur et participe à la mise en scène de l’ensemble.

Le goût de la nature

Le tableau Cour d’une ferme manifeste l’attirance de Lépicié pour la nature. Il incarne la sensibilité artistique du XVIIIe siècle, qui fait de ce thème l’une des sources privilégiées de l’inspiration des peintres. Il s’inscrit aussi dans la lignée des nombreux artistes qui mettent en scène les activités agricoles, la diversité des paysages, ou encore les animaux, comme Watteau, François Boucher ou Chardin.

Dès le milieu du siècle, cet intérêt pour la nature trouve son expression dans les cercles du pouvoir avec la diffusion des idées physiocratiques. Cette doctrine du « gouvernement par la nature » fait de l’agriculture la base de la richesse du royaume, contrairement au commerce et aux manufactures. À sa manière, Lépicié salue l’action des paysans pour la pérennité du royaume. Sur la droite du tableau, une charrette débordante de sacs de blé évoque l’abondance des récoltes. Ce retour à la terre devient une mode pour beaucoup. La réalisation de ce tableau coïncide également avec l’inauguration du Hameau de la reine Marie-Antoinette à Versailles.

GASTON-DREYFUS Philippe, Catalogue raisonné de l’œuvre peint et dessiné de Nicolas-Bernard Lépicié (1735-1784), Paris, Armand Colin, 1923.

LE ROY LADURIE Emmanuel, Paysages, paysans : l’art et la terre en Europe du Moyen Âge au XXe siècle, Paris, Bibliothèque nationale de France, 1994.

MORICEAU Jean-Marc, Les fermiers de l’Île-de-France : l’ascension d’un patronat agricole (XVe-XVIIIe siècle), Paris, Fayard, 1994.

MORICEAU Jean-Marc, L’élevage sous l’Ancien Régime : les fondements agraires de la France moderne (XVIe-XVIIIe siècle), Paris, Sedes, 1999.

TROCHET Jean-René, Les maisons paysannes en France et leur environnement (XVe-XXe siècle), Paris, Créaphis, 2006. 

Stéphane BLOND, « Une cour de ferme au XVIIIe siècle », Histoire par l'image [en ligne], consulté le 23/11/2024. URL : https://histoire-image.org/etudes/cour-ferme-xviiie-siecle

Anonyme (non vérifié)

Bonjour. Je trouve aussi que la lumière est plutôt automnale, mais... depuis quand fait-on les foins en automne? Ça se fait en juin ou plutôt juillet (sauf en Norvège et en Écosse, peut-être), quand l'herbe qui a bien poussé au printemps est sêchée par le soleil d'été: elle servira pour nourrir le bétail: vaches, moutons et chèvres. Idem pour la paille, qui sert d'aliment et aussi de litière.
J'aurais bien aimé un zoom pour voir en détailles animaux que vous énumérez. Mais avec Google Chrome je n'ai accès qu'à un agrandissement. C'est déjà ça! Merci et au plaisir de recevoir la prochaine édition.

jeu 03/04/2014 - 15:19 Permalien
Anonyme (non vérifié)

Nous sommes juste après les moissons, les blés ont été battus , les grains mis en sacs sont chargés sur la charrette pour être apportés au moulin, et l'homme au fond de la cour lie (avec un brin de paille , comme dans la chanson) les bottes qui seront engrangées...(Il me semble que le foin serait plus vert...)
Ce tableau est superbe (et pour en voir les détails , il suffit de cliquer sur l'image et non sur le zoom)
Merci pour cette visite de cour de ferme ...comme on n'en voit plus

mer 16/04/2014 - 10:45 Permalien
Anonyme (non vérifié)

Je viens de découvrir chez un bouquiniste un des deux volumes de la Nouvelle Maison Rustique 8e edition de 1763. Superbe ouvrage expliquant parfaitement la vie et toute l'organisation de la vie à la campagne. Je recherche le Tome deux de cette même édition.
Merci pour votre article.

lun 28/10/2019 - 05:40 Permalien

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