Brancusi travaillant à la colonne sans fin.
Auteur : BRANCUSI Constantin
Lieu de conservation : Centre Pompidou – musée national d’Art moderne – Centre de création industrielle (Paris)
site web
H. : 23,7 cm
L. : 29,6 cm
Épreuve aux sels d'argent.
Domaine : Photographies
© ADAGP, © Photo RMN - Grand Palais - G.Blot
47-000185-01 / AM4002-966
Constantin Brancusi, un sculpteur au travail dans son atelier
Date de publication : Février 2008
Auteur : Claire MAINGON
Une œuvre de la mémoire en Roumanie
Pendant l’entre-deux-guerres, pour honorer la mémoire et le sacrifice des 9 millions de disparus de la Grande Guerre, des monuments commémoratifs furent élevés sur le territoire des nations participantes. La Roumanie, qui avait subi une invasion dramatique de son territoire en 1916, vivait une période d’intense effervescence politique marquée par l’agitation de la Garde de fer, mouvement nationaliste, fasciste et antisémite. Dans le cadre des commémorations liées aux pertes de la Grande Guerre, la ville de Tirgu Jiu décida en 1934 de consacrer un mémorial dédié aux soldats tombés près de la rivière Jiu alors qu’ils défendaient leur ville contre les Allemands. La municipalité chargea Constantin Brancusi, enfant du pays, de réaliser ce parcours de la mémoire. Brancusi, qui avait été formé à l’Ecole des Beaux-Arts de Bucarest, avait quitté son pays à pied pour rejoindre Paris, capitale culturelle internationale, en 1904. Installé dans le quartier de Montparnasse, il travailla dans son atelier à la conception de trois œuvres destinées à la ville roumaine : La Table du silence, La Porte du baiser et La Colonne sans fin. Ce dernier élément clôturait un parcours développé sur un axe est-ouest dans l’un des grands espaces verts de la ville. La structure de cette colonne fut achevée en 1937, et recouverte de bronze, elle atteignait une hauteur de plus de 30 mètres. La Colonne sans fin matérialise le souvenir des âmes défuntes et l’accès à une vérité supérieure.
Brancusi au travail
Cette photographie prise au début des années 30 montre Constantin Brancusi au travail dans son atelier parisien, en pleine réalisation de La Colonne sans fin. Armé d’une scie, l’artiste en bleu de travail et le cheveu hirsute s’active dans un environnement encombré de matériaux bruts qui apparaissent comme des décombres. Cette posture contraste avec les représentations des statuaires, tels qu’ils se trouvaient encore à la même époque dans les ateliers de l’Ecole des Beaux-Arts. Brancusi opère une rupture avec la technique traditionnelle du modelage. Préférant un travail artisanal de la matière, il privilégie la taille du marbre et le travail du bois, comme un ébéniste pourrait le faire. Le sculpteur roumain ne travaillait pas devant le modèle vivant mais réfléchissait à la création de formes autonomes et organiques, flirtant avec l’abstraction. Ce genre de clichés n’est pas rare car l’artiste a beaucoup fait usage de la photographie pour se donner à voir sa propre œuvre. Son legs à l’Etat français comporte d’ailleurs un nombre très important de clichés, près de 1700 négatifs et tirages, qui attestent de son goût pour la pratique de l’image.
L’atelier : l’antre de la création
L’atelier de Brancusi apparaît sur ce cliché comme l’antre de sa création, le lieu où l’artiste met en place son processus créatif et donne forme à son idée. Cet espace vaste et clair semble habité d’une énergie vitale nécessaire à la gestation d’œuvres souvent monumentales. Brancusi était très attentif au dialogue des formes dans son atelier. Il avait besoin que ce lieu soit entièrement dédié à son art. Ce rôle d’incubateur nous révèle la profonde dimension symbolique de la nature du rapport entre l’artiste et son lieu. L’atelier apparaît comme la métaphore d’un monde utérin, où la vie des formes serait en devenir et préparée à naître au grand jour. Cette appréhension de l’atelier, qui est la maison de la création formelle, n’est pas éloignée de la démarche qu’opérera le sculpteur Etienne Martin dans ses Demeures quelques décennies plus tard. L’atelier de Brancusi fut reconstitué à plusieurs reprises suite au legs fait par le sculpteur à l’Etat Français dans les années 1950. La dernière en date, confiée à l’architecte Renzo Piano, jouxte le Centre Pompidou où elle est ouverte au public depuis 1997.
Carnet de l’atelier Brancusi, La Colonne sans fin, Paris, Centre Georges Pompidou, 1998.
Anne-Françoise PENDERS, Brancusi, la photographie ou l’atelier comme « groupe mobile », Bruxelles, La Lettre volée, 1994.
Marielle TABART, L’atelier Brancusi, Paris, Centre Georges Pompidou, 1998.
Claire MAINGON, « Constantin Brancusi, un sculpteur au travail dans son atelier », Histoire par l'image [en ligne], consulté le 03/12/2024. URL : https://histoire-image.org/etudes/constantin-brancusi-sculpteur-travail-son-atelier
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