Aller au contenu principal
Intérieur de l'atelier de David au Collège des Quatre-Nations

Intérieur de l'atelier de David au Collège des Quatre-Nations

Etude d'homme nu d'après le modèle

Etude d'homme nu d'après le modèle

Une classe de l'Académie Julian

Une classe de l'Académie Julian

Intérieur de l'atelier de David au Collège des Quatre-Nations

Intérieur de l'atelier de David au Collège des Quatre-Nations

Date de création : 1813

H. : 90 cm

L. : 105 cm

Le Collège des Quatre Nations est aujourd'hui l'Institut de France.

Elèves représentés : Victor Schnetz, Auguste Couder, Léopold Robert, Amable-Louis-Claude Pagnest.

Huile sur toile.

Domaine : Peintures

© RMN-Grand Palais (musée du Louvre) / Franck Raux

Lien vers l'image

INV 3280 - 18-514438

Le travail en atelier devant le modèle vivant

Date de publication : Février 2008

Auteur : Claire MAINGON

La formation académique de l’artiste

Depuis l’Antiquité, la connaissance du corps humain a représenté la base de l’apprentissage du métier d’artiste. Dans les académies modernes, elle était enseignée de plusieurs façons, à la fois par des cours théoriques et des leçons pratiques. Celles-ci étaient de deux sortes : d’après les sculptures antiques, présentant le nu idéalisé, puis d’après le modèle vivant. Les trois documents réunis ici révèlent cette part essentielle du dessin d’après le modèle en chair et en os dans des ateliers du début à la fin du XIXe siècle. Que ce soit dans l’atelier d’un maître prestigieux comme Jacques Louis David au Collège des Quatre Nations, ou dans les classes de l’Académie Julian fondée en 1873, l’étude du nu masculin et féminin représentait l’un des exercices fondamentaux de l’apprentissage des peintres et des sculpteurs. Longtemps, cette connaissance a été réservée à un public masculin. Les femmes n’ont pu faire que leur apparition officielle sur les bancs des ateliers des Beaux-Arts qu’à partir de 1897, tandis qu’elles étaient déjà reçues dans les écoles libres telles que l’Académie Julian. Les modèles employés pour ces exercices étaient des professionnels, souvent d’origine étrangère comme le jeune polonais qu’employait David. Le professeur désignait la pose qui était conservée pendant plusieurs semaines et faisait l’objet d’une correction générale par le maître

La place du modèle dans les ateliers

La figure du modèle occupait une place centrale dans les ateliers. Sujet d’étude et de connaissance anatomique, le corps est au centre de l’apprentissage des artistes. L’œuvre représentant l’intérieur de l’atelier de David met en scène plusieurs élèves affairés à l’étude de l’anatomie du modèle masculin figé dans sa pose contemplative. Tous sont occupés, qui en peignant, qui en dessinant, à saisir cette musculature. De ces travaux ressortiront des études qui ressemblaient peut-être à celle de Gustave Moreau quelques décennies plus tard. L’enseignement académique a perpétué une retranscription très idéalisée du corps, dans l’héritage de la tradition gréco-romaine. Dessinée par Gustave Moreau, cette académie – terminologie employée pour qualifier les travaux d’école – est typique des exercices imposés aux jeunes artistes à l’Ecole des Beaux-Arts au XIXe siècle. La pose n’était pas naturelle mais entendait former les élèves à la maîtrise des postures nécessaires à la réalisation de la peinture d’histoire et au passage du Concours de Rome, le plus prestigieux des concours de l’Académie. Par opposition, l’enseignement dispensé dans les académies libres du XIXe siècle, comme Julian, prônait un rapport plus réaliste au corps. La photographie prise dans les années 1890 révèle la présence d’un modèle féminin, nue parmi une assemblée d’élèves réunis autour du professeur. Autour des chevalets, la palette à la main, ils ont interrompu la séance de pose. Le modèle ici n’apparaît comme cette beauté classique que l’on retrouve dans les dessins des étudiants de l’Ecole des Beaux-Arts. Avec son chignon ramassé, la jeune femme évoque la physionomie des danseuses de cabaret dans les toiles des artistes indépendants de la seconde moitié du XIXe siècle, comme Toulouse-Lautrec, Edouard Manet ou Edgar Degas. La vie des femmes modèles n’était pas simple à cette époque. Souvent considérées comme des femmes de petite vertu, elles ne bénéficiaient pas de la même respectabilité que les modèles masculins. La supériorité attribuée traditionnellement à l’anatomie masculine sur le corps de la femme resta l’une des constantes de la peinture académique durant tout le XIXe siècle.

L’évolution de la représentation du corps au XIXe siècle

L’image du corps idéalisé, telle que la pratiquèrent les élèves de Jacques-Louis David ou de l’Ecole des Beaux-Arts, a été mise au point durant l’Antiquité. Tout au long de la période moderne, elle avait été encouragée par des théoriciens tels que Winckelmann (1) et entretenue par le primat donné à la grande peinture d’histoire, genre littéraire et religieux qui occupait la première place dans la hiérarchie des genres codifiée par Félibien au XVIIe siècle. Perpétuant cet héritage, le nu idéal occupait toujours une place essentielle dans la tradition picturale au XIXe siècle. David, dont l’atelier fut prolifique, avait placé l’étude d’après le nu au cœur de ses réflexions théoriques. Dans une déclamation célèbre sur l’une de ses toiles majeures, Les Sabines (Paris, Musée du Louvre), il prônait encore la nécessité d’imiter les anciens et d’apprendre d’eux la mise en valeur du corps par la nudité, une nudité héroïsée et enjolivée par l’esprit de l’artiste. Cette idéalisation néoclassique a été largement perpétuée dans les travaux académiques tout au long du siècle. La référence aux canons de la plastique gréco-romaine demeurait la règle dans un processus d’apprentissage que devait conduire au Prix de Rome. Cependant, le XIXe siècle fut aussi celui d’un changement historique dans la représentation du corps humain. En parallèle de la démocratisation du statut de l’artiste, et de l’émergence de nouvelles tendances comme le réalisme et l’impressionnisme, la représentation du corps par les artistes indépendants s’est défaite des principes de l’idéalisation néoclassique, en favorisant le dépassement du clivage judéo-chrétien entre le beau – expression de la perfection divine – et laid – expression la déchéance morale.

Alain CORBIN (dir.) Histoire du corps, De la Révolution à la Grande Guerre Vol. 2, Paris, Le Seuil, 2005.

Annie JACQUES et Emmanuel SCHWARTZ Les Beaux-Arts, de l’Académie aux Quat’z’arts Collections Beaux-Arts Histoire, Ecole Nationale Supérieure des beaux-Arts, 2001.

Nadeije LANEYRIE-DAGEN L’invention du corps Flammarion, coll.Tout l’Art, 2006.

Anne MARTIN-FUGIER La Vie d’artiste au XIXe siècle Paris, Audibert, 2007.

 1 - Johann Joachim Winckelman (1717-1768) : théoricien de l'histoire de l'art, il a une importance capitale au XVIIIe siècle sur l'évolution des arts vers le néoclassicisme. Il diffuse sa connaissance l'art grec à travers un ouvrage L’Histoire de l’art de l’antiquité dans lequel il fait l'éloge de la beauté des œuvres antiques et convainc les artistes de son époque de revenir à la source de l'art grec.

Académie des beaux-arts : Créée en 1816 par la réunion de l’Académie royale de peinture et de sculpture, fondée en 1648, de l’Académie royale de musique, fondée en 1669, et de l’Académie royale d’architecture, fondée en 1671. Institution qui rassemble les artistes distingués par une assemblée de pairs et travaillant le plus souvent pour la couronne. Elle définit les règles de l’art et du bon goût, forme les artistes, organise des expositions.

Néoclassicisme : Mouvement artistique qui se développe du milieu du XVIIIe au milieu du XIXe siècle. Renouant avec le classicisme du XVIIe siècle, il entend revenir aux modèles hérités de l’Antiquité, redécouverts par l’archéologie naissante. Il se caractérise par une représentation idéalisée des formes mises en valeur par le dessin.

Claire MAINGON, « Le travail en atelier devant le modèle vivant », Histoire par l'image [en ligne], consulté le 21/11/2024. URL : https://histoire-image.org/etudes/travail-atelier-devant-modele-vivant

Anonyme (non vérifié)

Bonjour,
J'adore votre site. Ce serait bien d'avoir plus d'études sur Gustave Moreau.
R.

mar 28/01/2014 - 09:24 Permalien

Ajouter un commentaire

HTML restreint

  • Balises HTML autorisées : <a href hreflang> <em> <strong> <cite> <blockquote cite> <code> <ul type> <ol start type> <li> <dl> <dt> <dd> <h2 id> <h3 id> <h4 id> <h5 id> <h6 id>
  • Les lignes et les paragraphes vont à la ligne automatiquement.
  • Les adresses de pages web et les adresses courriel se transforment en liens automatiquement.
CAPTCHA
Cette question sert à vérifier si vous êtes un visiteur humain ou non afin d'éviter les soumissions de pourriel (spam) automatisées.

Mentions d’information prioritaires RGPD

Vos données sont sont destinées à la RmnGP, qui en est le responsable de traitement. Elles sont recueillies pour traiter votre demande. Les données obligatoires vous sont signalées sur le formulaire par astérisque. L’accès aux données est strictement limité aux collaborateurs de la RmnGP en charge du traitement de votre demande. Conformément au Règlement européen n°2016/679/UE du 27 avril 2016 sur la protection des données personnelles et à la loi « informatique et libertés » du 6 janvier 1978 modifiée, vous bénéficiez d’un droit d’accès, de rectification, d’effacement, de portabilité et de limitation du traitement des donnés vous concernant ainsi que du droit de communiquer des directives sur le sort de vos données après votre mort. Vous avez également la possibilité de vous opposer au traitement des données vous concernant. Vous pouvez, exercer vos droits en contactant notre Délégué à la protection des données (DPO) au moyen de notre formulaire en ligne ( https://www.grandpalais.fr/fr/form/rgpd) ou par e-mail à l’adresse suivante : dpo@rmngp.fr. Pour en savoir plus, nous vous invitons à consulter notre politique de protection des données disponible ici en copiant et en collant ce lien : https://www.grandpalais.fr/fr/politique-de-protection-des-donnees-caractere-personnel

Partager sur

Découvrez nos études

L'Art pompier, un art officiel

L'Art pompier, un art officiel

Le système des beaux-arts

Au XIXe siècle, le système académique en place depuis le règne de Louis XIV continue à régenter la vie…

L'Art pompier, un art officiel
L'Art pompier, un art officiel
L'Art pompier, un art officiel
L'Art pompier, un art officiel
La comtesse de La Fayette

La comtesse de La Fayette

Le portrait perdu d’une précieuse

Fils du peintre flamand Ferdinand Elle, célèbre portraitiste naturalisé sous le règne de Louis XIII, Louis Elle…

Frontispice pour le Dictionnaire de l’Académie française

Frontispice pour le Dictionnaire de l’Académie française

Un dessin pour la langue française

Le dessin exécuté par Jean-Baptiste Corneille et représentant la gloire de Louis XIV était destiné à orner le…

Agar chassée par Abraham

Agar chassée par Abraham

Vernet exerçait en 1833 les fonctions de directeur de l’Académie de France à Rome lorsqu’il découvrit l’Algérie, dont la France amorçait la…

Louis XIII sous la figure d’Hercule

Louis XIII sous la figure d’Hercule

Commémorer une victoire contre l’Espagne

Cette œuvre est un portrait du roi Louis XIII en héros mythologique Héraclès-Hercule triomphant. Il s’…

L’École des beaux-arts et ses bâtiments au XIX<sup>e</sup> siècle

L’École des beaux-arts et ses bâtiments au XIXe siècle

La fondation de l’École des beaux-arts

Officiellement instituée par une ordonnance de Louis-Philippe en date du 4 août 1819, l’École des beaux-…

L’École des beaux-arts et ses bâtiments au XIX<sup>e</sup> siècle
L’École des beaux-arts et ses bâtiments au XIX<sup>e</sup> siècle
L’École des beaux-arts et ses bâtiments au XIX<sup>e</sup> siècle
L’École des beaux-arts et ses bâtiments au XIX<sup>e</sup> siècle
La conduite des filles de joie à la Salpêtrière : le passage près de la porte Saint-Bernard

La conduite des filles de joie à la Salpêtrière : le passage près de la porte Saint-Bernard

Le peintre des scènes populaires

Grâce à la signature présente en bas à gauche, ce tableau est attribué à « Stephanus Jeaurat Pinxit ».

Né…

Le travail en atelier devant le modèle vivant

Le travail en atelier devant le modèle vivant

La formation académique de l’artiste

Depuis l’Antiquité, la connaissance du corps humain a représenté la base de l’apprentissage du métier d’…

Le travail en atelier devant le modèle vivant
Le travail en atelier devant le modèle vivant
Le travail en atelier devant le modèle vivant
Le concours du Prix de Rome

Le concours du Prix de Rome

L’histoire du prix de Rome de peinture

Institué en 1663 afin de sélectionner les artistes qui seraient admis à séjourner à l’Académie de France à…

Le concours du Prix de Rome
Le concours du Prix de Rome
Le concours du Prix de Rome
Le concours du Prix de Rome
Colbert présente à Louis XIV les membres de l’Académie royale des sciences

Colbert présente à Louis XIV les membres de l’Académie royale des sciences

Le règne de Louis XIV est marqué par une centralisation de toutes les formes de création artistique et intellectuelle au service du prince. Cette…