Les Lutteurs
Deux chevaux
La Gamme jaune
Les Lutteurs
Auteur : GONTCHAROVA Natalia
Lieu de conservation : Centre Pompidou – musée national d’Art moderne – Centre de création industrielle (Paris)
site web
H. : 118,5 cm
L. : 103,5 cm
Huile sur toile.
Domaine : Peintures
© ADAGP © Centre Pompidou, MNAM-CCI, Dist. RMN-Grand Palais / Philippe Migeat
AM 1988 878 - 45-000208-01
Le Fauvisme, un phénomène européen ?
Date de publication : Décembre 2007
Auteur : Cécile PICHON-BONIN
L’Europe avant la Grande Guerre
Si les années 1900 sont, a posteriori, qualifiées de « Belle époque » en France, il n’en est pas de même dans le reste de l’Europe, et notamment dans l’Empire allemand de Guillaume II. La vie sociale y est extrêmement rigide, sévèrement contrainte et hiérarchisée. Bien que le parti socialiste remporte un succès aux élections de janvier 1912 au Reichstag, le gouvernement reste entre les mains des partis conservateurs, soutenus par le clergé catholique et très dépendants des faveurs du Kaiser.
La fin du XIXe marque aussi des changements au sein de l’Empire austro-hongrois, qui vit une période tourmentée. La contestation du régime pèse lourdement sur les provinces et les émeutes se multiplient. La Bohême et la Moldavie se mobilisent. Elles s’insurgent contre la censure, contre l’oppression mais aussi contre l’usage obligatoire de la langue allemande, et se battent pour l’indépendance de leur culture. Ainsi, la France, pays phare au niveau culturel sur le plan européen, apparaît comme une alternative aux cultures austro-hongroise et germanique. De nombreux artistes se tournent donc vers elle, dès les années 1880, tenant également d’échapper à la pression locale d’un milieu fermé et petit-bourgeois.
En Russie, le régime tsariste est en crise. D’une succession de grèves, de luttes, d’insurrections, nous retenons notamment la révolution avortée de 1905. La politique de Nicolas II évolue entre concessions et reprises en mains vigoureuses.
En ces temps de crises sociales, apparaissent simultanément des mouvements artistiques européens qui libèrent la couleur du motif. Leur acte sonne comme un cri de révolte (chez les expressionnistes allemands de Dresde qui fondent le groupe Die Brücke - Le pont en français), une fuite vers une dimension spirituelle (du côté des expressionnistes munichois réunis autour du Cavalier bleu), un éclat de joie provocateur et carnavalesque (chez les néo-primitivistes russes membres du Valet de carreau).
Primitivisme, expressionnisme, fauvisme
Dans Les Lutteurs, peints par Natalia Gontcharova, les couleurs vives se bagarrent entre elles, les coups de pinceaux heurtés, irréguliers, rendent une expression dynamique et violente, une matière rugueuse. Par son sujet, l’artiste emprunte au populaire et traduit l’engouement général pour le sport, et pour la boxe en particulier, qui marque les années 1910-1914. Comme l’expliquent J.-C. Marcadé ou E. Petrova, l’art n’est plus un art de Salon mais s’apparente à l’exercice physique, et au-delà, à un véritable combat.
A Munich, Franz Marc s’intéresse à l’animal (notamment au cheval) dans le paysage, comme exprimant une émotivité mystique et un sentiment panthéiste. La simplification du dessin, à l’œuvre dans cette aquarelle intitulée Deux chevaux, entraîne l’image vers l’abstraction. La couleur se libère de l’emprise du motif, la peinture s’affirme comme un langage spécifique composé de signes. Pour Marc comme pour les autres artistes membres du Cavalier bleu, l’art se conçoit comme une activité spirituelle.
Enfin, Kupka, fait parti des artistes tchèques, qui fascinés par Paris, finissent par s’y installer définitivement. Dans La Gamme jaune, le jaune envahit tout, unifiant fond et portrait. N’émerge de cette couleur stridente que les yeux vert-bleu, cernés de noir, conférant au personnage une allure étrange et inquiétante.
Les réseaux internationaux
En ce début de XXe siècle, l’art et les idées circulent. La peinture des Fauves français voyage et interpelle les artistes allemands, tchèques ou russes, réceptifs à cette révolution colorée. Des réseaux d’amitié se créent et des voyages s’organisent. Les artistes tchèques visitent ainsi la France et l’Allemagne, avec un désir de s’informer sur la création contemporaine et de multiplier les échanges. La Société Manes, fondée en 1896, organise ainsi des expositions Rodin, en 1902, et Munch, en 1905.
Les Salons parisiens se révèlent très ouverts aux artistes étrangers. Ainsi, Alexej von Jawlensky expose au Salon d’automne de 1905 et y rencontre Matisse. Par son intermédiaire, les peintres du Cavalier bleu assimilent la position des Fauves (exacerbation des couleurs complémentaires, réduction du paysage à des surfaces colorées qui génèrent une réalité picturale autonome, l’idée de peindre non ce que l’on voit mais ce que l’on sent).
Par ailleurs, les œuvres fauves sont aussi régulièrement exposées à Bruxelles, Dresde, Munich, Berlin, Moscou, Amsterdam, Prague ou Budapest. En Russie, l’ouverture au public des collections privées Chtchoukine et Morozov, dont la première surtout est riche en œuvres fauves, sera déterminante pour les artistes moscovites. Expositions et revues joueront également un rôle fondamental dans la diffusion des principes de cette avant-garde française, de même que la traduction instantanée en allemand et en russe des Notes d’un peintre de Matisse (1908).
Le Fauvisme ou l’épreuve du feu Catalogue de l’exposition, Paris, Musée d’art moderne de la ville de Paris, du 29 octobre 1999 au 27 février 2000.
Jean-Claude MARCADE, L’avant-garde russe Paris, Flammarion, 1995.
Fauves : Les Fauves sont les artistes qui, à leurs débuts, dans les dix premières années du XXe siècle, explorent dans leur peinture le potentiel expressif des couleurs pures sans se soucier d’imiter la nature. L’expression « Fauves » est apparue en 1905 sous la plume d’un critique, exaspéré par la liberté que ces artistes prennent quant aux conventions : l’association sauvage des couleurs, leur tonalité criarde, évoquent pour lui le rugissement d’un fauve. Les représentants les plus célèbres de ce courant baptisé aussi le fauvisme sont Henri Matisse, André Derain et Maurice de Vlaminck.
Cécile PICHON-BONIN, « Le Fauvisme, un phénomène européen ? », Histoire par l'image [en ligne], consulté le 11/12/2024. URL : https://histoire-image.org/etudes/fauvisme-phenomene-europeen
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