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La Fée électricité

La Fée électricité

Date de création : 1937-1938

Date représentée : 1937

H. : 100 cm

L. : 600 cm

Commande de la Compagnie parisienne de distribution d’électricité pour le hall du Palais de la Lumière et de l’Électricité, édifié par Robert Mallet-Stevens sur le Champ-de-Mars. 

Ensemble de 250 panneaux de 200 cm x 120 cm.

Huile sur contreplaqué.

Domaine : Peintures

CC0 Paris Musées / Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris

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La Fée Électricité à l’Exposition internationale de 1937

Date de publication : Septembre 2024

Auteur : Lucie NICCOLI

L’Exposition internationale de 1937, le palais de l’Électricité et la fresque de Dufy

À l’occasion de l’Exposition internationale des arts et des techniques appliqués à la vie moderne, qui se tient à Paris du 25 mai au 25 novembre 1937, le peintre Raoul Dufy reçoit, de la part de la Compagnie parisienne de distribution d’électricité (C.P.D.E.)(1), la commande d’une fresque monumentale pour le mur courbe du hall du palais de la Lumière et de l’Électricité. Ce pavillon phare de l’exposition, qui avait pour pendant le nouveau palais de la Découverte (2), était destiné à mettre en scène la modernisation de la France par son équipement électrique. Il s’inscrivait en cela dans une succession de célébrations de l’électricité lors de grandes expositions : celle de 1881, à Paris, lui était consacrée, et celle de 1900 lui avait édifié un palais en face de la tour Eiffel.

Œuvre de l’architecte Robert Mallet-Stevens, avec la collaboration de l’ingénieur électricien Georges-Henri Pingusson, le palais de la Lumière était implanté face à l’École militaire, au fond du Champ-de-Mars, dont il fermait la perspective par une façade aveugle concave de 60 mètres de long sur 10 de haut, sorte d’écran panoramique sur lequel étaient projetés la nuit des chromotypes (3) et des films documentaires visibles depuis le nouveau palais de Chaillot (4).

C’est sur le mur intérieur de 600 mètres carrés parallèle à cette façade que Raoul Dufy était invité à « traduire la grandeur de l’Électricité » et à « exalter sa valeur humaine ». L’artiste, né au Havre soixante ans plus tôt dans une famille modeste et formé à l’École des beaux-arts de Paris, était alors un dessinateur et peintre reconnu. Après s’être essayé à divers styles jusqu’aux années 1920 – impressionnisme, fauvisme, cubisme –, il avait développé le sien propre, alliant stylisation du dessin et larges aplats de couleurs vives.

La fresque de la Fée électricité est considérée comme son chef-d’œuvre. Elle est d’abord une prouesse technique, car Dufy parvint à réaliser ce qui était alors le plus grand tableau du monde en seulement dix mois, n’ayant reçu la commande qu’en juillet 1936. Pour ce faire, il peignit séparément puis assembla 250 panneaux en contreplaqué, un matériau léger et souple, utilisé à partir des années 1930. Il fit des photographies de ses dessins qu’il projeta à l’aide d’une lanterne sur les panneaux pour les agrandir. S’appuyant sur les récentes découvertes du chimiste et restaurateur Jacques Maroger sur les primitifs flamands, Dufy fit aussi élaborer un médium spécial à base d’huile, de colle et de vernis pour obtenir une peinture fluide et transparente qui, en outre, séchait rapidement. Pour concevoir son épopée du progrès, il s’inspira du De rerum natura (Ier siècle av. J.-C.), long poème dans lequel le philosophe Lucrèce s’efforce d’expliquer aux hommes la nature physique des éléments et les phénomènes naturels afin de les libérer de leurs craintes et de leurs croyances irrationnelles

Un programme ambitieux : toute l’histoire de l’électricité et de ses applications

La fresque raconte toute l’histoire de l’énergie électrique depuis sa découverte jusqu’à sa maîtrise. Elle se lit, de manière inhabituelle, de droite à gauche et selon deux registres, inférieur et supérieur.

Dans le registre supérieur de la partie droite sont représentés les temps anciens préindustriels, avec un calme paysage baigné de couleurs chaudes où l’homme cultive la terre avec sa seule énergie et celle du cheval, suivant le cycle des saisons (détail 1).

Dans la partie gauche aux tons plus froids et contrastés, l’espace est saturé par les infrastructures industrielles des temps modernes : gare Saint-Lazare, hauts-fourneaux du Creusot (détail 3), chantier naval de Brest avec le paquebot Normandie (détail 2), forge, ponts transbordeurs, viaduc de Tolbiac … et, dans le coin inférieur gauche, l’aérodrome du Bourget, encore inachevé (détail 4).

Serrés contre ces ouvrages d’art se dressent quelques-uns des bâtiments caractéristiques de la ville nocturne et festive, avec ses éclairages artificiels : cinéma et autres enseignes publicitaires, lampions et feux d’artifices du 14 juillet (détail 5).

De manière parallèle, le registre inférieur est peuplé des plus de cent principaux hommes scientifiques (et une seule femme, Marie Curie (détail 6)) qui découvrirent les phénomènes électriques et la constitution de la matière, depuis l’Antiquité grecque, à droite, avec Thalès de Millet (détail 7), qui baptisa elektron l’énergie dégagée par le frottement de l’ambre jaune, jusqu’aux années 1930, à gauche. Ils sont vêtus selon leur époque et parfois accompagnés de leur invention : sont figurés notamment, pour le XIXe siècle, la pile de Volta (détail 8), la bobine à induction de Faraday (détail 9), l’accumulateur de Gaston Planté (détail 10), la machine dynamo-électrique de Gramme (détail 11), le télégraphe de Baudot (détail 12), ou encore la lampe à incandescence d’Edison (détail 13). Pierre et Marie Curie, devant la grande machine électrostatique du palais de la Découverte (détail 6), et Gustave Ferrié, pionnier de la radiodiffusion, ferment la marche (détail 13).

Au centre de la fresque, esquissée en traits blancs sur un fond bleu électrique, se déploie majestueusement, tel le temple de la déesse Électricité, la salle des turboalternateurs de la centrale thermo-électrique Arrhigi, à Vitry-sur-Seine, conçue par Pingusson et la plus puissante du moment (détail 14).

Au-dessus de celle-ci trônent les dieux de l’Olympe, parmi lesquels Zeus, au centre, un bras levé, qui semble concourir à la production de l’énorme étincelle d’électricité jaillissant entre la centrale et lui. Le dieu messager Hermès, traversé par la lumière bleue, se tient en suspension devant l’étincelle, sa corne d’abondance comme tendue pour recevoir l’énergie qu’il va transmettre aux hommes (détail 15).

L’extrémité gauche de la fresque est occupée par un orchestre qui semble jouer pour les principales capitales du monde, symbolisées chacune par un monument emblématique, tandis qu’une gigantesque figure féminine nimbée de voiles transparents – Iris, messagère des dieux ou « fée électricité » –, le corps blanchi par un puissant rayon de lumière, prend son envol (détail 16).

La foi dans le progrès, à la veille de la Seconde Guerre mondiale

En intégrant à sa grande fresque historique des allégories et des dieux antiques, en faisant poser des modèles nus pour dessiner chacun de ses personnages, l’œuvre de Dufy s’inscrit dans la tradition classique dont étaient encore imprégnés les artistes jusqu’à la Seconde Guerre mondiale.

Dans le palais de la Lumière et de l’Électricité où étaient exposées certaines des inventions évoquées par la Fée, se dressait d’ailleurs aussi un Zeus en bronze de 2,50 mètres, par Robert Wlerick. Sans s’orienter vers l’abstraction, comme Robert et Sonia Delaunay, qui réalisèrent les décorations murales du palais des Chemins de fer, l’œuvre foisonnante, à la fois précise et poétique de Dufy, est également très moderne par les thèmes traités (la ville et les fleurons de l’industrie) et par ses innovations techniques.

Totalement habité par son sujet, le peintre mime en outre par sa touche rapide et légère et par l’utilisation du « médium Maroger » les propriétés de l’électricité : luminosité, fluidité, transparence. Les savants figurés ne sont pas figés mais semblent s’animer et dialoguer entre eux, les corps d’Hermès et Iris laissent passer la lumière, et toute la fresque semble vibrer du mouvement de ces ondes, qui diffusent aussi vers les capitales des nations les sons du concert donné pour elles.

Dufy, peintre de la joie de vivre, exprime dans cette ode au progrès technologique un profond optimisme, depuis la sérénité des temps anciens jusqu’à la joyeuse ébullition de l’époque contemporaine, en passant par l’apogée que représente la centrale électrique, source de cette énergie et sommet de la civilisation. Cet optimisme est emblématique des grands projets du Front populaire entre 1936 et 1938 – l’électrification de l’ensemble du territoire, les loisirs à la portée de tous –, mais aussi de l’aveuglement de la France sur les perspectives de paix à la veille de la Seconde Guerre mondiale.

La Fée Électricité, hymne électrisant de Raoul Dufy, une vidéo RFI, Culture Prime

Sophie KREBS (sous la dir.), Raoul Dufy. L’ivresse de la couleur, catalogue de l’exposition présentée à l’hôtel de Caumont-Centre d’art d’Aix-en-Provence de mai à septembre 2022, Hazan, Paris, 2022.

Martine CONTENSOU, La Fée électricité, Paris-Musées, 2008.

Cécile BUFFAT, « La Fée Électricité de Dufy et le mécénat électrique dans l’entre-deux-guerres », dans Annales historiques de l’électricité 2006/1 (N° 4), pages 49 à 74, Victoires éditions.

Alain BLETRAM et Patrice CARRÉ, La fée et la servante. La société française face à l’électricité, XIXe-XXe siècle, Belin, coll. « Histoire et société », Paris, 2000.

1 - Compagnie parisienne de distribution d’électricité (C.P.D.E.) :  devenue le Centre de Distribution de Paris Électricité en 1946, lors de la nationalisation de la production d’électricité et de la création d’E.D.F.

2 - Palais de la Découverte : l’exposition du palais de la Découverte a été installée en 1937 dans l’aile ouest du Grand Palais, qui datait de l’Exposition universelle de 1900.

3 - Chromotype : plaque de verre colorées.

4 - Palais de Chaillot : il remplace celui du Trocadéro, qui datait de l’Exposition universelle de 1878.

Fauves : Les Fauves sont les artistes qui, à leurs débuts, dans les dix premières années du XXe siècle, explorent dans leur peinture le potentiel expressif des couleurs pures sans se soucier d’imiter la nature. L’expression « Fauves » est apparue en 1905 sous la plume d’un critique, exaspéré par la liberté que ces artistes prennent quant aux conventions : l’association sauvage des couleurs, leur tonalité criarde, évoquent pour lui le rugissement d’un fauve. Les représentants les plus célèbres de ce courant baptisé aussi le fauvisme sont Henri Matisse, André Derain et Maurice de Vlaminck.

Impressionnisme : Courant artistique regroupant l’ensemble des artistes indépendants qui ont exposé collectivement entre 1874 et 1886. Le terme a été lancé par un critique pour tourner en dérision le tableau de Monet "Impression soleil levant" (1872). Les impressionnistes privilégient les sujets tirés de la vie moderne et la peinture de plein air.

Cubisme : Courant artistique, né peu avant la guerre de 1914, dont les pionniers furent Pablo Picasso et Georges Braque. Il porte un nouveau regard sur l’objet, dont les volumes et les plans peuvent être représentés de manière stylisée et vus simultanément sous plusieurs angles. Il s’inspire à la fois des recherches formelles de Paul Cézanne et des arts premiers.

Lucie NICCOLI, « La Fée Électricité à l’Exposition internationale de 1937 », Histoire par l'image [en ligne], consulté le 20/09/2024. URL : https://histoire-image.org/etudes/fee-electricite-exposition-internationale-1937

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