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Alexandre Dumas

Alexandre Dumas

Alexandre Dumas

Alexandre Dumas

<i>Les Trois mousquetaires</i> par Alexandre Dumas

Les Trois mousquetaires par Alexandre Dumas

Alexandre Dumas

Alexandre Dumas

Date de création : 2 décembre 1866

Une de La Lune du 2 décembre 1866

Domaine : Presse

Bibliothèque Nationale de France - Domaine public © Gallica

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Réserve des livres rares, Z AUDEOUD-152

  • Alexandre Dumas

La Fortune des Trois Mousquetaires d’Alexandre Dumas père

Date de publication : Avril 2024

Auteur : Lucie NICCOLI

Genèse et fortune des Trois Mousquetaires

Au début des années 1840, Alexandre Dumas (père), né en 1802, règne déjà sur la scène littéraire parisienne : il fréquente les écrivains et les artistes romantiques, vit de sa plume depuis le succès de son drame historique Henri III et sa cour (1829) et produit de très nombreux textes dans divers genres littéraires, principalement des pièces de théâtre, mais aussi des chroniques historiques et des récits de voyages, ainsi que des critiques littéraires pour La Presse, l’un des deux premiers quotidiens bon marché et à gros tirage fondés en 1836. Il publie en 1842 dans Le Siècle, le quotidien concurrent, un premier roman historique en format feuilleton, Le Chevalier d’Harmental, fruit d’une collaboration avec le romancier Auguste Maquet, mais c’est deux ans plus tard qu’il connaît un immense succès avec la parution dans Le Siècle, entre mars et juillet 1844, des 66 chapitres des Trois Mousquetaires, également rédigés à partir des ébauches livrées par Maquet.

L’œuvre complète est éditée la même année en huit volumes chez Baudry, adaptée au théâtre par son auteur dès 1845 et traduite en anglais l’année suivante. Ce roman, qui inaugure le genre « de cape et d’épée », raconte les aventures de d’Artagnan, jeune Gascon venu à Paris en 1625 pour entrer dans la compagnie des mousquetaires du roi Louis XIII (1), et de ses trois fidèles amis, Athos, Porthos et Aramis. Dumas s’inspire pour son héros d’un personnage historique dont la vie a fait l’objet de mémoires apocryphes (2). Il ajoute bientôt à ce premier volet deux nouveaux opus : Vingt ans après (1845) et Le Vicomte de Bragelonne (1847), qui suivent les quatre amis sous le règne de Louis XIV, en 1648-1649 puis de 1660 à 1673.

La popularité du roman est telle que Dumas est désormais indissociable des mousquetaires : en 1866, l’illustrateur satirique Louis-Alexandre Gosset de Guines, dit André Gill, caricature Dumas en mousquetaire en Une de La Lune à l’occasion de la relance éphémère de son journal, baptisé Le Mousquetaire ; en avril 1872, La Chronique illustrée relate les obsèques publiques du grand homme, mort un an et demi auparavant, pendant le Siège de Paris, et c’est encore un mousquetaire que dessine en une Henri Demare, désignant à l’admiration du public le portrait de l’écrivain. En 1887, la parution d’une nouvelle édition illustrée du roman aux éditions Jules Rouff & Cie fait l’objet d’une campagne d’affichage avec, en particulier, une lithographie en couleurs de Jules Chéret, le premier à appliquer aux affiches de grand format la technique de la chromolithographie. L’énergie dégagée par cette affiche aux couleurs vives reflète l’engouement, jamais démenti depuis, pour ce roman.

La représentation des mousquetaires dans l’illustration

Le portrait-charge de Dumas par Gill qui croque, entre 1866 et 1868, toutes les personnalités du Second Empire, en fait un mousquetaire d’opérette, la tête énorme comme collée sur un petit corps replet et ridicule. L’illustrateur exagère l’embonpoint du romancier, connu pour ses excès de bonne chère, et lui fait une face boursouflée. Il accentue aussi dans son visage les traits qu’il doit à son ascendance noire : une carnation légèrement brune, une abondante chevelure crêpue et une lèvre inférieure plus charnue. L’écrivain, qui fixe le lecteur avec assurance, comme dans un grand nombre de ses portraits peints ou photographiques, revêt le costume que l’on prête au mousquetaire : par-dessus son pourpoint et ses hauts-de-chausse, il porte une casaque rouge ornée d’une croix celtique laissant apparaître le large rabat à dentelles du col de sa chemise, typique du costume sous Louis XIII. Ses toutes petites jambes chaussées de bottes à entonnoir, il se tient en position de garde, sa main gauche empoignant un critique minuscule, la droite transperçant de l’énorme plume qui lui sert de rapière un feuillet titré « Le Remousquetaire ». Sous sa caricature est écrite une phrase signée de Dumas lui-même, significative du goût assumé de l’écrivain pour la démesure et l’exubérance : « J’autorise le Journal La Lune à publier ma charge, les caricatures étant les seuls portraits ressemblans (sic) qu’on ait fait de moi jusqu’à aujourd’hui ».

En avril 1872, le corps de Dumas, inhumé à Dieppe lors de son décès, est rapatrié à Villers-Cotterêts et ses obsèques sont célébrées par une foule d’admirateurs. Un petit article dans La Chronique illustrée évoque la « joyeuse humeur » de l’assemblée, à l’image de celle qu’avait toujours cultivée le maître, et un poème du journaliste Alexandre Ducros fait office d’épitaphe, sous le dessin d’Henri Demare, célébrant la « verve rutilante et féconde » et la « puissante imagination » du « grand charmeur ». L’illustration représente son portrait en buste, enchâssé dans un cadre ovale, tenu à la verticale sur sa pierre tombale par un fier mousquetaire. Cette fois, ce dernier est reconnaissable à son chapeau de feutre garni de plumes d’autruche, à sa moustache à bords relevés, à sa longue cape rouge et à son épée au côté, qu’il semble prêt à saisir. Derrière lui, trois silhouettes esquissées évoquent ses trois compagnons, le visage dissimulé par les bords de leur chapeau et le col de leur manteau ; ils passent à côté d’ossements humains gisant au sol – reliques des morts violentes qui parsèment leurs équipées – près d’un édifice qui, avec sa tour ronde et sa baie grillagée, est peut-être une allusion à la Bastille, à la tour de Nesle ou encore à la forteresse de Belle-Île. Le portrait de Dumas, posthume, est sans doute inspiré d’une photographie d’Étienne Carjat ou de Félix Tournachon, dit Nadar. L’homme de lettres, les traits marqués par la fatigue d’une vie de labeur et vêtu d’un élégant costume noir, arbore là un air tout à fait respectable ; le buste de face et le visage de trois-quarts, il regarde au loin et semble avancer les lèvres pour parler, raconter encore, depuis l’au-delà.

Quinze années après les funérailles de son auteur, le succès du roman ne faiblit pas, comme en témoigne l’ampleur de la campagne publicitaire annonçant une seconde édition illustrée par livrets. Pour promouvoir ces livraisons, Jules Chéret, le père de l’affiche moderne et artistique, figure trois mousquetaires croisant le fer – illustration de la devise « Un pour tous, tous pour un » – et ajoute sur cette image les quelques mots essentiels à sa compréhension. Premier affichiste à accorder plus d’importance à la partie figurative qu’au texte, il invente la formule consistant à intégrer dans une image aux couleurs vives une typographie très visible et expressive. Les trois personnages ont des visages presque identiques, ornés d’une moustache à bords relevés et d’une barbiche fournie, à la mode du XVIIe siècle, et sont coiffés du fameux chapeau à plumes d’autruche. Mais tandis que deux d’entre eux sont encore plongés dans l’ombre, leur profil seulement ébauché, celui qui est au premier plan s’en détache nettement, comme s’il prenait vie et sortait de l’image, un pied hors du bandeau sombre qui fait office de décor. Les couleurs vives de ses vêtements – rouge du pourpoint et des hauts-de-chausse, jaune de la large écharpe nouée autour de sa taille –, présentes également dans les plumes du chapeau, font écho à celles des lettres. Le mot « Mousquetaires », en haut, à gauche, est mis en valeur par des caractères en relief et une inflexion qui suit le mouvement des épées, orientant le regard de la pointe de l’une à celle des deux autres, puis aux informations commerciales, notamment au mot « gratis », dans le coin inférieur droit.

L’invention du type du mousquetaire

La trilogie des Trois Mousquetaires, qui éclipse les autres œuvres de Dumas, a donné lieu, au fil de ses illustrations successives, à un modèle aux caractéristiques immédiatement reconnaissables : chapeau à plumes, moustache et barbiche, rapière, ample manteau ou casaque, silhouette triple et devise. Dumas décrivant très peu le costume de ses personnages dans le roman, et étant peu soucieux d’exactitude historique, chaque illustrateur a pu librement représenter ces éléments.

Si la couleur rouge domine dans les trois images, c’est certainement pour son éclat. La casaque de Dumas en mousquetaire est ainsi rouge, alors que celle du régiment était historiquement bleue, ornée d’une croix fleurdelysée. Ces illustrations qui ont contribué à la fortune du roman reflètent par ailleurs les qualités qui ont fait son succès : un style très vivant, le texte étant essentiellement composé de dialogues et de scènes d’action, de multiples rebondissements et un art du suspense, destinés à l’origine à retenir l’attention du lecteur entre chaque livraison, enfin des personnages attachants porteurs de valeurs fortes, telles que le sens de l’honneur et l’amitié indéfectible.

Gill figure son mousquetaire brandissant son épée-plume, au milieu d’un combat, tandis qu’Henri Demare campe un personnage altier, défendant l’honneur du maître, avec, à l’arrière-plan, une forteresse et des ossements promettant de délicieux frissons au lecteur. L’affiche de Chéret évoque à la fois le mouvement énergique des personnages, le décor sombre et inquiétant dans lequel ils évoluent et leur solidarité sans faille, avec cette impression que les deux hommes dans l’ombre sont les reflets du premier. En communicant avisé, il compose sa page en tenant compte du sens naturel de la lecture, de haut en bas et de gauche à droite, pour guider l’œil du lecteur d’un mot clé à l’autre – une formule universellement adoptée depuis.

La fortune du roman de Dumas, réédité plus de vingt fois dès la seconde moitié du XIXe siècle est ainsi prolongée par les innovations successives de l’édition et de la communication, ainsi que, quelques années plus tard, par celle du cinéma naissant, auquel il inspire en 1912 l’un de ses premiers longs métrages.

Comment Alexandre Dumas a écrit Les Trois Mousquetaires, une vidéo de France Culture

Collectif, Alexandre Dumas à l’écran. De l’aventure à la démesure, catalogue de l’exposition présentée à la Fondation Jérôme Seydoux-Pathé, Éditions de la Fondation Jérôme Seydoux-Pathé, Paris, 2023.

Olivier RENAUDEAU, Mousquetaires !, catalogue de l’exposition présentée au musée de l’Armée, Gallimard, Paris, 2014.

Simone BERTIÈRE, Dumas et les Mousquetaires. Histoire d’un chef-d’œuvre, Éditions de Fallois, Paris, 2009.

1 - Compagnie des mousquetaires : régiment d’élite spécial créé en 1622 par Louis XIII en vue d’une expédition contre les Huguenots puis dont la principale mission consista à escorter le cortège royal et à participer aux campagnes et sièges en temps de guerre ; à l’origine cavalerie légère armée d’arquebuses qui furent remplacées par des fusils moins encombrants, les « mousquets ».

2- Mémoires de Monsieur d’Artagnan : mémoires apocryphes (dont l'authenticité est douteuse ou contesté)par Gatien de Courtilz de Sandras, parues en 1700.

 

Romantisme : Le mot est introduit dans la langue française par Rousseau à la fin du XVIIIe siècle. Il désigne par la suite un élan culturel qui traverse la littérature européenne au début du XIXe siècle, puis tous les arts. Rompant avec les règles classiques, la génération romantique explore toutes les émotions données par de nouveaux sujets, en privilégiant souvent la couleur et le mouvement.

Roman : Style qui se développe dans l’Occident chrétien à partir du Xe siècle. Vers le milieu du XIIe siècle, l’art gothique le remplace progressivement au nord de la Loire.

Lucie NICCOLI, « La Fortune des Trois Mousquetaires d’Alexandre Dumas père », Histoire par l'image [en ligne], consulté le 21/11/2024. URL : https://histoire-image.org/etudes/fortune-trois-mousquetaires-alexandre-dumas-pere

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