Aller au contenu principal
Poussin, arrivant de Rome, est présenté à Louis XIII par le cardinal de Richelieu (1640)

Poussin, arrivant de Rome, est présenté à Louis XIII par le cardinal de Richelieu (1640)

Date de création : 1832

Date représentée : 1640

H. : 407 cm

L. : 1140 cm

Domaine : Peintures

© RMN - Grand Palais (musée du Louvre) / Hervé Lewandowski

lien vers l'image

08-503488 / INV 2232

Louis XIII et Poussin

Date de publication : Décembre 2019

Auteur : Jean HUBAC

Un grand décor historique

Initialement commandée en 1828 pour le musée Charles-X, qui accueillait les antiquités égyptiennes et gréco-romaines dans l’aile sud de la Cour carrée du Louvre, la toile de Jean Alaux ne fut achevée qu’en 1832, alors que Louis-Philippe était devenu roi des Français. L’État s’en porta acquéreur au titre du service d’achat aux artistes vivants et la fit placer au plafond de la galerie Campana du musée du Louvre, flanquée de part et d’autre de deux allégories – La Vérité et La Philosophie.

La toile témoigne de la notoriété de Jean Alaux, premier grand prix de Rome en 1815 et peintre d’histoire marqué par l’académisme, qui accéda au statut de peintre officiel sous la monarchie de Juillet. Louis-Philippe en fit un membre de l’establishment artistique (directeur de l’Académie de France à Rome à la fin des années 1840), sollicité pour décorer les résidences royales (Versailles, Louvre, actuel palais du Sénat, château de Saint-Cloud…).

Ainsi tendue au premier étage de l’aile Sully, l’œuvre de Jean Alaux se donne à voir comme une nouvelle manifestation de l’attachement de la monarchie restaurée au premier absolutisme et comme un témoignage du rapprochement nécessaire de l’art et du pouvoir. Elle représente la première rencontre du peintre Nicolas Poussin avec le roi Louis XIII en décembre 1640.

Poussin, Louis XIII et l’entremise de Richelieu

La scène se déroule à l’extérieur. À droite, un vaste portique, constitué de tentures portées par des colonnes de marbre, s’ouvre sur une large terrasse déployée vers la gauche. Il abrite les dignitaires de la cour, deux hallebardiers et quelques pages. En justaucorps rose, le marquis de Cinq-Mars campe fièrement, en semblant peu s’intéresser à l’événement.

Au centre, le groupe comprend indissociablement le roi Louis XIII – debout, de trois quarts, vêtu d’une cape, d’un large chapeau empanaché et portant l’épée au côté, l’index pointé vers Poussin –, et le cardinal de Richelieu – de face, en soutane cardinalice, l’air fatigué et appuyé sur un jeune page. Juste derrière Richelieu, comme inséparable de sa propre figure, le père Joseph est symboliquement associé par le peintre aux arcanes du pouvoir. Le contraste entre le roi et le cardinal est saisissant ; à l’un la force de la volonté, l’élégance de la mise et le mouvement souverain, à l’autre le poids des ans et la nécessité d’être soutenu.

À gauche, le peintre Nicolas Poussin s’avance en tête d’un groupe de quelques hommes, chapeau à la main en signe de déférence. Il apparaît en costume sombre et se tient à l’orée d’une zone d’ombre (bien visible sur le sol de la terrasse) ; tourné vers le roi, il s’apprête à tirer profit de la lumière que ce dernier irradie.

Les quelques marches du premier plan accentuent le caractère théâtral de la scène, comme si le spectateur assistait à un événement emblématique d’une période de l’histoire alors particulièrement prisée du grand public – Alfred de Vigny publie Cinq-Mars en 1826, Alexandre Dumas entame sa saga des Trois Mousquetaires en 1844.

La mise en scène de la rencontre de l’art et du pouvoir

L’œuvre de Jean Alaux s’inscrit dans la peinture d’histoire en vogue durant le premier XIXe siècle, au cours de la Restauration et de la monarchie de Juillet. Il s’agit alors de relégitimer le pouvoir royal en le ressourçant et d’alimenter le projet de musée d’Histoire de France conçu par Louis-Philippe au sein du château de Versailles. Une autre toile, plus ancienne d’une quinzaine d’années, mettait déjà en scène Louis XIII, Richelieu et Poussin. Réalisée par Jean Joseph Ansiaux, elle représente Louis XIII remettant au peintre le brevet de premier peintre du roi en 1640, peu de temps après la rencontre entre le peintre et le prince. Les trois acteurs y sont disposés selon le même ordre, mais campés dans un intérieur curial. Richelieu y tient déjà le centre et y apparaît comme un intermédiaire entre l’art et le pouvoir.

La spécificité de la toile d’Alaux est la manière de figurer Richelieu en homme usé, à contre-emploi des représentations traditionnelles du cardinal au cours du premier XIXe siècle, qui exaltent plus la grandeur, la fierté et la puissance de l’Homme Rouge, ainsi que l’emprise exercée par celui-ci sur un Louis XIII campé en malheureuse figure – historiquement contestable – du drame romantique. Ici, si le roi incarne un certain panache, il n’en reste pas moins que la présence forte du cardinal détourne d’une certaine manière l’attention du spectateur des deux principaux personnages théoriques de l’événement (le roi et le peintre) et valorise l’action du prélat comme truchement nécessaire de la rencontre.

Vouloir saisir pour la postérité le moment de la première rencontre entre Louis XIII et Poussin est à la fois un acte visant à renforcer la grandeur d’un règne par celle d’un artiste à l’immense renom – les deux hommes paraissent d’ailleurs sur un pied d’égalité en dépit de la déférence de l’un vis-à-vis de la souveraineté de l’autre – et une manière de conjurer l’échec de l’issue du séjour de Poussin à Paris, que ni le roi ni le cardinal ne réussirent à convaincre le peintre de poursuivre au-delà du mois de novembre 1642. Cette scène est ainsi une manière de mieux rattacher Poussin à la France, lui qui passa la plus longue partie de sa vie à Rome et qui refusa de rester à Paris, lui qui exerça cependant une influence déterminante sur la peinture française.

AUGER-BOURDÉZEAU Stéphanie, ROYAUX Anne (dir.), La légende de Richelieu, cat. exp. (Les Lucs-sur-Boulogne, 2008), Paris, Somogy, 2008.

BAJOU Valérie (dir.), Louis-Philippe et Versailles, cat. exp. (Versailles, 2018-2019), Paris, Somogy / Versailles, musée national du Château de Versailles et de Trianon, 2018.

MÉROT Alain, Poussin, Paris, Hazan, 1994 (éd. revue, corrigée et augmentée 2011).

THUILLIER Jacques, Nicolas Poussin, Paris, Flammarion, coll. « Grandes monographies », 1994.

Jean HUBAC, « Louis XIII et Poussin », Histoire par l'image [en ligne], consulté le 13/12/2024. URL : https://histoire-image.org/etudes/louis-xiii-poussin

Ajouter un commentaire

HTML restreint

  • Balises HTML autorisées : <a href hreflang> <em> <strong> <cite> <blockquote cite> <code> <ul type> <ol start type> <li> <dl> <dt> <dd> <h2 id> <h3 id> <h4 id> <h5 id> <h6 id>
  • Les lignes et les paragraphes vont à la ligne automatiquement.
  • Les adresses de pages web et les adresses courriel se transforment en liens automatiquement.
CAPTCHA
Cette question sert à vérifier si vous êtes un visiteur humain ou non afin d'éviter les soumissions de pourriel (spam) automatisées.

Mentions d’information prioritaires RGPD

Vos données sont sont destinées à la RmnGP, qui en est le responsable de traitement. Elles sont recueillies pour traiter votre demande. Les données obligatoires vous sont signalées sur le formulaire par astérisque. L’accès aux données est strictement limité aux collaborateurs de la RmnGP en charge du traitement de votre demande. Conformément au Règlement européen n°2016/679/UE du 27 avril 2016 sur la protection des données personnelles et à la loi « informatique et libertés » du 6 janvier 1978 modifiée, vous bénéficiez d’un droit d’accès, de rectification, d’effacement, de portabilité et de limitation du traitement des donnés vous concernant ainsi que du droit de communiquer des directives sur le sort de vos données après votre mort. Vous avez également la possibilité de vous opposer au traitement des données vous concernant. Vous pouvez, exercer vos droits en contactant notre Délégué à la protection des données (DPO) au moyen de notre formulaire en ligne ( https://www.grandpalais.fr/fr/form/rgpd) ou par e-mail à l’adresse suivante : dpo@rmngp.fr. Pour en savoir plus, nous vous invitons à consulter notre politique de protection des données disponible ici en copiant et en collant ce lien : https://www.grandpalais.fr/fr/politique-de-protection-des-donnees-caractere-personnel

Partager sur

Découvrez nos études

Vue de la Seine au XVIII<sup>e</sup> siècle

Vue de la Seine au XVIIIe siècle

L’œil de Paris

La vue de la Seine en aval du pont neuf est datée et signée par l’artiste, avec une mention inscrite sur le quai Malaquais ou des…

La France, […], reçoit de Louis XVIII la Charte constitutionnelle

La France, […], reçoit de Louis XVIII la Charte constitutionnelle

A la mort de Louis XVIII en 1824, son frère le comte d'Artois (1757-1836) accède au trône et porte jusqu’aux Trois Glorieuses le nom de Charles X…

Vivant Denon (1745-1825), du Museum central des Arts au Musée Napoléon

Vivant Denon (1745-1825), du Museum central des Arts au Musée Napoléon

Forteresse édifiée à partir de 1190 sur l’ordre de Philippe Auguste pour protéger la capitale, le Louvre ne devient une résidence royale à part…

L’assassinat de Concini

L’assassinat de Concini

Dire l’événement en vignettes

Le 24 avril 1617, Concini, maréchal d’Ancre, est assassiné à l’entrée du Louvre par des fidèles serviteurs du jeune…

L'ancêtre des Expositions universelles

L'ancêtre des Expositions universelles

L’industrie exposée pour relancer l’économie française

La première exposition des produits de l’industrie française eut lieu en 1798 à l’…

L'ancêtre des Expositions universelles
L'ancêtre des Expositions universelles
"Tanagra" par Jean-Léon Gérôme

"Tanagra" par Jean-Léon Gérôme

Une œuvre inspirée par la mode des « Tanagra »

A la fin des années 1860, les habitants de plusieurs villages de Béotie proches de l’antique cité…

L'appartement du comte de Nieuwerkerke au Louvre

L'appartement du comte de Nieuwerkerke au Louvre

La carrière politique et administrative du comte Émilien de Nieuwerkerke coïncide exactement avec la période de la IIe République et du…

L'appartement du comte de Nieuwerkerke au Louvre
L'appartement du comte de Nieuwerkerke au Louvre
Louis XIV et Apollon

Louis XIV et Apollon

La thématique propagandiste du Roi-Soleil

Cette gouache sur papier crème de Joseph Werner, peintre bernois appelé à la cour de Louis XIV pour son…

Les fouilles de Khorsabad

Les fouilles de Khorsabad

Paul-Émile Botta, l’inventeur de l’assyriologie

En 1842, lorsque Louis-Philippe ouvre une nouvelle agence consulaire à Mossoul, le poste de…

Les fouilles de Khorsabad
Les fouilles de Khorsabad
Une soirée au Louvre chez le comte de Nieuwerkerke

Une soirée au Louvre chez le comte de Nieuwerkerke

Personnalité éminente sous le Second Empire, le comte Émilien O’Hara de Nieuwerkerke (1811-1892) a une origine doublement royale et doublement…