Aller au contenu principal
Vue de la Sorbonne prise de la cour.

Vue de la Sorbonne prise de la cour.

L'Université de Frédéric Guillaume dans l'ancien palais du prince Henri

L'Université de Frédéric Guillaume dans l'ancien palais du prince Henri

Vue de la Sorbonne prise de la cour.

Vue de la Sorbonne prise de la cour.

Date représentée :

H. : 25,6 cm

L. : 38,1 cm

Estampe coloriée, taille douce, vergé.

Domaine : Estampes-Gravures

© Photo RMN - Grand Palais - J.-G. Berizzi

http://www.photo.rmn.fr

03-011403 / inv.55.158.9C

France, Allemagne, deux modèles universitaires

Date de publication : Septembre 2008

Auteur : Marie-Bénédicte VINCENT

Le « moment Napoléon » et la création de deux modèles universitaires

Dans la première décennie du XIXe siècle, deux modèles universitaires divergents sont fondés en France et en Prusse. Si tous deux sont des réactions aux universités médiévales jugées archaïques, ils sont surtout élaborés l’un contre l’autre dans le contexte d’hostilité des guerres napoléoniennes.
En France, le modèle universitaire napoléonien correspond à la refondation de l’université après la Révolution. La loi du 10 mai 1806 (complétée par décret du 17 mars 1808) définit l’université impériale comme « un corps chargé exclusivement de l’enseignement et de l’éducation publique dans tout l’Empire » : l’État veut donner un cadre à la société postrévolutionnaire et contrôler la formation des élites. L’université suit le modèle de l’école, d’où l’importance des concours, la réglementation des programmes et la séparation des fonctions d’enseignement et de recherche (celle-ci étant laissée au Collège de France et aux sociétés savantes).
En Prusse, après la défaite d’Iéna en 1806 et l’occupation française de Berlin en 1808-1810, la création de l’université de Berlin en 1810 répond au besoin de contrebalancer la perte de plusieurs universités et de doter l’État d’une culture propre, voire « nationale ». Sous l’influence de Wilhelm von Humboldt, directeur du Cabinet pour l’enseignement au ministère de l’Intérieur, influencé par le courant néohumaniste, naît une université d’un nouveau type, où les professeurs pratiquent en parallèle l’enseignement et la recherche et où la réflexion personnelle des étudiants est encouragée. Berlin devient rapidement un modèle pour les autres universités allemandes et une référence à l’échelle européenne, sinon mondiale.

Le prestige de deux universités centrales

Les estampes mettent en scène la monumentalité des deux universités au détriment de leur public. Ce choix renvoie à la méfiance que suscitent les étudiants dans la première moitié du XIXe siècle : ils sont 16 000 en Allemagne en 1830, dont 6 000 en Prusse, et 7 400 en France. Dans les deux pays, ils ont pris part aux mouvements libéraux des années 1820 et 1830 et se joignent au printemps des peuples en 1848.
Les représentations veulent plutôt suggérer le prestige de ces deux universités très liées à l’État. L’installation en Sorbonne des facultés de théologie, de lettres et de sciences (facultés dites « académiques » par opposition aux facultés « professionnelles » de droit et de médecine) date de 1821. La période qui leur est la plus favorable est celle de la monarchie de Juillet (1830-1848), quand les gouvernements libéraux protègent désormais l’université et ses professeurs (Jules Michelet, Victor Cousin) de la réaction ecclésiastique. L’historien libéral Guizot est d’ailleurs ministre de l’Instruction publique de 1832 à 1837. La tutelle de l’État est réelle (l’université perd son autonomie financière en 1835), mais bienveillante.
À Berlin, ce n’est pas un hasard si l’université est installée dans le palais du prince Henri (frère de Frédéric II) sur l’avenue Unter den Linden, tout près du palais royal. D’après la formule attribuée à Frédéric-Guillaume III, « l’État doit remplacer par des forces spirituelles ce qu’il a perdu en forces physiques » : l’université reçoit alors une mission de politique intérieure et extérieure. Appelée « université Frédéric-Guillaume » en 1828 dans un contexte de renaissance de la Prusse, il s’agit d’une institution d’État modernisée, sécularisée comme en France, où les professeurs ont un statut de fonctionnaires.

Paris et Berlin : deux universités en miroir au XIXe siècle

Les deux universités peuvent être comparées car chacune se situe au sommet d’une hiérarchie nationale et joue un rôle dans la structuration des élites du pays, malgré les différences de contexte. En France, la centralisation scientifique extrême n’est pas remise en cause par la monarchie de Juillet, et les facultés parisiennes conservent leur suprématie jusque vers 1860 (à cette date, elles regroupent encore plus de la moitié des étudiants français). À Berlin, le recrutement de l’université est déjà national avant l’unité de 1871 : elle concentre en moyenne 15 % des étudiants allemands au XIXe siècle malgré le polycentrisme universitaire. Fichte, l’auteur des Discours à la nation allemande (1810), a d’ailleurs été son premier recteur.
Mais la comparaison ne doit pas masquer la position inégale des deux universités à l’échelle européenne. Le XIXe siècle est caractérisé par le rayonnement et la diffusion du modèle humboldtien, jugé le plus novateur et le plus fécond au plan scientifique. La liberté académique, qui recoupe liberté d’enseigner, de chercher et d’apprendre, et la nouvelle forme d’enseignement du « séminaire » sont observées, sinon enviées par les Français, surtout après 1860 et la crise de l’université française. Cette vision idéalisée est aujourd’hui nuancée par l’historiographie, qui pointe les écarts dans l’adaptation du modèle berlinois en Allemagne.

Christophe CHARLE, La République des universitaires 1870-1940, Paris, Le Seuil, 1994.

Christophe CHARLE, Jacques VERGER, Histoire des universités, coll. « Que sais-je ? », Paris, P.U.F., 1994, 2e édition mise à jour, 2007.

Thomas NIPPERDEY, « La Prusse et l’université », Réflexions sur l’histoire allemande, chapitre VIII, Gallimard 1992 pour la trad. française.

André TUILIER, Histoire de l’Université de Paris et de la Sorbonne, Band 2, De Louis XIV à la crise de 1968, Paris, Nouvelle Librairie de France, 1994.

Marie-Bénédicte VINCENT, « France, Allemagne, deux modèles universitaires », Histoire par l'image [en ligne], consulté le 21/11/2024. URL : https://histoire-image.org/etudes/france-allemagne-deux-modeles-universitaires

Ajouter un commentaire

HTML restreint

  • Balises HTML autorisées : <a href hreflang> <em> <strong> <cite> <blockquote cite> <code> <ul type> <ol start type> <li> <dl> <dt> <dd> <h2 id> <h3 id> <h4 id> <h5 id> <h6 id>
  • Les lignes et les paragraphes vont à la ligne automatiquement.
  • Les adresses de pages web et les adresses courriel se transforment en liens automatiquement.
CAPTCHA
Cette question sert à vérifier si vous êtes un visiteur humain ou non afin d'éviter les soumissions de pourriel (spam) automatisées.

Mentions d’information prioritaires RGPD

Vos données sont sont destinées à la RmnGP, qui en est le responsable de traitement. Elles sont recueillies pour traiter votre demande. Les données obligatoires vous sont signalées sur le formulaire par astérisque. L’accès aux données est strictement limité aux collaborateurs de la RmnGP en charge du traitement de votre demande. Conformément au Règlement européen n°2016/679/UE du 27 avril 2016 sur la protection des données personnelles et à la loi « informatique et libertés » du 6 janvier 1978 modifiée, vous bénéficiez d’un droit d’accès, de rectification, d’effacement, de portabilité et de limitation du traitement des donnés vous concernant ainsi que du droit de communiquer des directives sur le sort de vos données après votre mort. Vous avez également la possibilité de vous opposer au traitement des données vous concernant. Vous pouvez, exercer vos droits en contactant notre Délégué à la protection des données (DPO) au moyen de notre formulaire en ligne ( https://www.grandpalais.fr/fr/form/rgpd) ou par e-mail à l’adresse suivante : dpo@rmngp.fr. Pour en savoir plus, nous vous invitons à consulter notre politique de protection des données disponible ici en copiant et en collant ce lien : https://www.grandpalais.fr/fr/politique-de-protection-des-donnees-caractere-personnel

Partager sur

Albums liés

Découvrez nos études

L'entrée de Napoléon à Berlin

L'entrée de Napoléon à Berlin

La campagne de Prusse - 1806

Alors que la quatrième coalition, rassemblant l’Angleterre, la Russie et la Prusse, s’est organisée durant l’année…

Le dessous des cartes

Le dessous des cartes

La guerre pour de rire, ou l’optimisme illusoire de 1914

Au cours de l’été 1914, la mécanique des alliances croisées s’emballe et conduit en…

Le dessous des cartes
Le dessous des cartes
Le dessous des cartes
Le renouveau médiéval

Le renouveau médiéval

Conscience nationale et guerres antinapoléoniennes

Dans une Allemagne dépourvue d’unité politique mais unie dans sa volonté de se soustraire à la…

Bismarck, le chancelier de fer

Bismarck, le chancelier de fer

Chauvinisme

« Sous le Second Empire, le Kladderadatsch[1] voyait partout Napoléon III ; à tort ou à raison, nous sommes atteints de la même…

La force d’un mythe : les « atrocités allemandes »

La force d’un mythe : les « atrocités allemandes »

La guerre des artistes et des éditeurs

La production iconographique explose lors de la Grande Guerre : le public, abreuvé de photographies et de…

La force d’un mythe : les « atrocités allemandes »
La force d’un mythe : les « atrocités allemandes »
La force d’un mythe : les « atrocités allemandes »
La force d’un mythe : les « atrocités allemandes »
France, Allemagne, deux modèles universitaires

France, Allemagne, deux modèles universitaires

Le « moment Napoléon » et la création de deux modèles universitaires

Dans la première décennie du XIXe siècle, deux modèles…

France, Allemagne, deux modèles universitaires
France, Allemagne, deux modèles universitaires
La Révolte des tisserands

La Révolte des tisserands

Tensions sociales et création du SPD en Allemagne

L’Allemagne de la fin du XIXe siècle est marquée par un climat social et politique…

La Révolte des tisserands
La Révolte des tisserands
Berlin dans les années 30 : entre frénésie et chaos

Berlin dans les années 30 : entre frénésie et chaos

L’Allemagne en plein chaos

La Première Guerre mondiale et la défaite allemande ont eu d’importantes conséquences politiques et économiques. D’une…

Déportation de prisonniers civils pendant la première guerre mondiale : le camp de Holzminden

Déportation de prisonniers civils pendant la première guerre mondiale : le camp de Holzminden

A Holzminden, déportation de civils des territoires occupés

À leur arrivée en Alsace en 1914, les troupes françaises ont emmené les…

Déportation de prisonniers civils pendant la première guerre mondiale : le camp de Holzminden
Déportation de prisonniers civils pendant la première guerre mondiale : le camp de Holzminden
Déportation de prisonniers civils pendant la première guerre mondiale : le camp de Holzminden
L'exposition d'art dégénéré en 1937

L'exposition d'art dégénéré en 1937

La condamnation de l’art moderne par les nazis

Pris lors de l’exposition Entartete Kunst organisée en 1937 à Munich par les nazis, ce cliché du…