Gandhi prélève une poignée de sel des marais salants de Dandi
Lieu de conservation : Agence AKG Images
site web
Date de création : 6 avril 1930
Date représentée : 6 avril 1930
Domaine : Photographies
© AKG - Images / GandhiServe India
AKG458343
Gandhi, statue de sel
Date de publication : Décembre 2024
Auteur : Alexandre SUMPF
La note salée du colonialisme
Le 6 avril 1930, Mohandas Gandhi et ses compagnons parviennent au but de leur Marche du Sel, le petit village côtier de Dandi. Depuis son départ le 12 mars, cette protestation pacifique trouve un écho de plus en plus puissant dans le sous-continent indien, où les colons anglais ont débarqué en 1757.
Plusieurs photographes anonymes ont réalisé des clichés aux différentes étapes, sans doute à des fins de publication dans la presse indépendantiste ou étrangère. La Marche du Sel, dite aussi Marche de Dandi, a été lancée en réponse à l’interdiction par les autorités de la production artisanale du sel de mer à Dandi, et à l’intervention répétée des forces de police pour faire respecter le monopole impérial sur le sel. Le gouvernement des Indes n'entend pas renoncer aux profits tirés de la taxation de ce minéral central pour la conservation des aliments, et surtout ne tolère pas la moindre désobéissance de la part des indigènes.
Totalement non violente (ahimsa), comme le théorise alors Gandhi (1869-1948), cette résistance fiscale sert de véhicule à une lutte d’ensemble pour les droits civiques, la réduction de la pauvreté, et bien entendu l’indépendance (Swaraj) de l’Inde.
Le sel de la terre
Alors que la plupart des clichés relatifs à la Marche du sel montrent Gandhi entouré de ses partisans en train de marcher, cette photographie le saisit dans un moment capital. Un homme, qu’on devine être le Mahatma (Grande âme) à ses petites lunettes rondes et son crâne rasé de fervent hindou, se trouve entouré d’une foule assez dense. Tout le monde est vêtu de blanc, couleur de la pureté et de l’innocence, et tenue de ralliement du mouvement qui prône la frugalité, l’universalité et le boycott des produits britanniques. Juste derrière Gandhi, quatre hommes et une femme l’observent en penchant la tête, l’air grave et concentré. Lui-même est vêtu plus simplement encore, d’un châle en coton et de la dhoti indienne traditionnelle, tissés la main au rouet, et de sandales en cuir. Il accomplit un geste banal, ancestral à Dandi : ramasser des cristaux de sel laissés par la mer qui s’est retirée d’une longue bande de terre et rendus solides par le soleil. Les autochtones n’ont plus le droit de le faire, mais lui engage le bras de fer avec cette nouvelle désobéissance civile pacifique, qui se conclut par l’occupation des dépôts de sel impériaux.
Le sel de l’Histoire
Pour arriver à ce jour historique, Gandhi a fait parcourir à pied 400 kilomètres à des milliers de partisans. Si dans un premier temps la répression s’abat lourdement sur son mouvement, qui voit 60 000 personnes emprisonnées, le gouvernement décide de négocier en mars 1931 avec Gandhi la fin de la crise en échangeant la libération des prisonniers contre la fin du mouvement. Cette reconnaissance officielle intervient après des années de surveillance policière exercée sur celui qui milite à titre d’avocat et d’homme politique (dirigeant du Parti du Congrès en 1921).
Si sa silhouette est largement connue en 1930, c’est la première grande réussite du Satyagraha, la révolution non-violente par la désobéissance massive. Gandhi ne veut plus revivre les violences croisées du massacre d’Amritsar qui ont vu la police du Raj tuer plusieurs centaines de civils (10-13 avril 1919).
Il pense pouvoir parvenir à l’indépendance en faisant sentir jour après jour aux Britanniques qu’ils n’ont plus ou pas leur place aux Indes, que les indigènes peuvent et veulent vivre à leur manière, en paix. Une paix civile (égalité hommes-femmes), religieuse (cohabitation des hindous, des musulmans et des chrétiens) et sociale (promotion des Intouchables), dont il cherche à donner l’exemple à titre individuel et en entraînant derrière lui le peuple. Il se sert donc de sa notoriété et de son statut d’icône en encourageant les photographes à diffuser son portrait et les moments symboliques de son action.
Gandhi : pourquoi a-t-il fait la marche du sel ?, une vidéo de Lumni, 4mn29
Geneviève Bouchon et alii (dir.), Histoire de l'inde moderne 1480-1950, Paris, Fayard, 1994.
Robert Deliège, Gandhi, Paris, PUF, coll. Que sais-je ? no 3501, 1999.
Henri Grimal, De l'Empire britannique au Commonwealth, Paris, Armand Colin, 1999.
Alexandre SUMPF, « Gandhi, statue de sel », Histoire par l'image [en ligne], consulté le 16/01/2025. URL : https://histoire-image.org/etudes/gandhi-statue-sel
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