Vue du Bourg de la Guadeloupe
Auteur : PLUMIER Charles
Lieu de conservation : Bibliothèque nationale de France (BnF, Paris)
site web
Date de création : 1689
Dans : Plantes de la Martinique et de la Guadeloupe (?) dessinés, coloriés et décrits par le Père Plumier.
Domaine : Dessins
Bibliothèque nationale de France
JD-18-FOL - Plantes de la Martinique et de la Guadeloupe
La Guadeloupe, une image au service de la colonisation
Date de publication : Février 2018
Auteur : Séverine LABORIE
La colonisation de la Guadeloupe
L'histoire de la colonisation de la Guadeloupe par les européens débute avec le second voyage de Christophe Colomb aux Amériques, entrepris de 1493 à 1496 et qui permet l'exploration de tout l'archipel. Cependant, l'occupation réelle de l'île n'intervient qu'en 1635, avec l'expédition conduite par le seigneur de L'Olive. Ce dernier est accompagné d'un missionnaire dominicain, le père Breton, qui consacre les vingt années de son séjour à donner les premières descriptions physiques ainsi qu'à établir un contact avec les populations amérindiennes dont il apprend la langue.
Après lui, d'autres religieux missionnaires poursuivent ce travail descriptif, de plus en plus détaillé à mesure que progresse la colonisation. Le père Charles Plumier (1646-1704) s'inscrit dans ce parcours. Après des études de physique et de mathématiques, le père minime découvre la botanique. Nommé botaniste du roi, Louis XIV le désigne pour aller visiter les possessions françaises aux Antilles. Lors de ses voyages, le premier en 1689, le second de 1693 à 1695, il s'attache à la description physique de toute la richesse de la faune et de la flore des îles et à la collecte d'objets d’histoire naturelle. Ses planches de botanique sont d’une grande précision et s'accompagnent de la création d'une centaine de genres nouveaux. En effet, loin d’être un simple descripteur, Plumier distribue en genres les plantes et les animaux qu’il observe et sa classification tout à fait originale sera reprise en partie par Linné. Son intérêt le porte également à s'intéresser aux « naturels » et à leur connaissance des usages des plantes, mais aussi à la cartographie et au paysage, comme dans cette Vue du bourg de la Guadeloupe réalisée en 1689.
Naissance du paysage urbain
Le dessin de Plumier est un compromis entre le paysage et la représentation cartographique. Par la déformation de la perspective l'auteur parvient à positionner comme sur un plan les principales constructions du bourg de Basse-Terre, identifiées par une légende dans un cartouche. La précision du dessin est particulièrement significative dans les descriptions architecturales et plus schématique dans les descriptions végétales, tout en permettant l'identification de zones de culture. Les lignes verticales ou horizontales correspondent vraisemblablement aux cultures vivrières, les traits curvilignes à des plantations de cannes. On identifie également des zones plus ou moins densément boisées, essentiellement des feuillus mais aussi quelques palmiers ou cocotiers. L'arrière-plan est traité en perspective atmosphérique mais les reliefs sont peu significatifs et même la silhouette de la Soufrière est difficile à reconnaître.
L'objectif de cette représentation n'est pas de représenter la nature sauvage mais au contraire de montrer une nature domestiquée, avec ses délimitations de parcelles, ses champs, ses arbres au planté régulier et l'esquisse de ce qui constitue l'urbanisation de la principale ville de la colonie constituée en bourg vers 1650. L'autorité administrative est représentée par le fort (S) et la maison du gouverneur (Z) ; l'autorité spirituelle symbolisée par plusieurs églises (carmes, capucins, jésuites) ; tandis que l'activité commerciale et domestique est signifiée par des entrepôts et des maisons.
Une description au service de la colonisation
La précision cartographique du dessin du père Plumier illustre la progression de la colonie dans la deuxième moitié du XVIIe siècle, quasiment exclusivement dans le sud de l'île, et l'importance du bourg de Basse-Terre autour duquel se développent d'autres centres urbains, notamment à Baillif et à Vieux-Habitants. Toutefois la qualité des bâtiments, la lisibilité de l'organisation de l'espace urbain, l'ordre régulier des plantations donnent le sentiment d'une nature maîtrisée, domestiquée, qui est loin d'être l'exact reflet de la réalité.
Les descriptions physiques, littéraires et illustrées de ce type, comme celle du père Labat (publiée en 1722) célèbre contemporain de Plumier, sont essentielles au développement de la colonisation. Elles constituent des éléments incitatifs pour les futurs colons et mettent nécessairement l'accent sur les potentiels d'exploitation offerts par la nature. Elles doivent rassurer et promettre pour garantir un avenir à ces terres régies par le principe de l'Exclusif. Ce système colonial mercantile liant strictement la métropole à ses colonies, impose progressivement la monoculture de la canne et privilégie les grandes exploitations familiales, les « habitations-sucreries », où le travail, peu mécanisé, repose sur une main d’œuvre servile, nombreuse et maltraitée.
Jean-Baptiste LABAT, Voyage aux Isles, Chronique aventureuse des Caraïbes 1693-1705. Paris, Phébus Libretto, 1993, 463 p. Réedition de Labat, Nouveaux voyages aux isles françoises d'Amérique, 1722.
Desmoulins (M.-E.), Bonnissent (D.), Peiré (J.-F.) .- Basse-Terre, patrimoine d'une ville antillaise. Pointe-à-Pitre : Éditions Jasor, 2006, 251 p.
Perotin-Dumont (A.), La ville aux îles. La ville dans l'île. Basse-Terre et Pointe-à-Pitre, Guadeloupe, 1650-1820. Paris, Karthala, 2000, 990 p.
Séverine LABORIE, « La Guadeloupe, une image au service de la colonisation », Histoire par l'image [en ligne], consulté le 31/10/2024. URL : https://histoire-image.org/etudes/guadeloupe-image-service-colonisation
Lien à été copié
Découvrez nos études
La Guadeloupe, une image au service de la colonisation
L'histoire de la colonisation de la Guadeloupe par les européens débute avec le second voyage de Christophe…
La case, ancrage symbolique du Cahier d'un retour au pays natal d'Aimé Césaire
Cette petite construction, précaire, au bord de l’océan, est typique de l’habitat des « 50 pas géométriques ». Cette zone est une bande de…
Le cachet de la Societé des Amis des Noirs
Le système esclavagiste pratiqué dans les colonies des Antilles et en Amérique est au XVIIIe siècle une…
Jean-Baptiste Belley, député de Saint-Domingue à la Convention
A l’aube de la Révolution, Belley, ancien esclave à Saint-Domingue, affranchi grâce à son service…
L'abolition aux Antilles
A Saint-Domingue l’esclavage est caractérisé par l’arrivée constante de nouveaux esclaves du fait de l’ampleur de la traite. On évalue entre 500…
La représentation d'une société coloniale complexe
Rares sont les exemples aux Antilles d’œuvres peintes aussi anciennes que ce pastel représentant Quatre femmes…
Les esclaves et la danse
Une main d’œuvre servile peuple en nombre considérable les Antilles et les Amériques proches de celles-ci. Les propriétaires des plantations de…
Images de l’habitation-sucrerie aux Antilles françaises du XVIIe au XIXe siècle
Depuis les débuts de la colonisation française en Amérique et dans l'océan Indien au XVIIe…
La première abolition de l'esclavage en 1794
Si les théories humanitaires des philosophes sont largement diffusées, notamment par la Société des Amis des…
Ajouter un commentaire
Mentions d’information prioritaires RGPD
Vos données sont sont destinées à la RmnGP, qui en est le responsable de traitement. Elles sont recueillies pour traiter votre demande. Les données obligatoires vous sont signalées sur le formulaire par astérisque. L’accès aux données est strictement limité aux collaborateurs de la RmnGP en charge du traitement de votre demande. Conformément au Règlement européen n°2016/679/UE du 27 avril 2016 sur la protection des données personnelles et à la loi « informatique et libertés » du 6 janvier 1978 modifiée, vous bénéficiez d’un droit d’accès, de rectification, d’effacement, de portabilité et de limitation du traitement des donnés vous concernant ainsi que du droit de communiquer des directives sur le sort de vos données après votre mort. Vous avez également la possibilité de vous opposer au traitement des données vous concernant. Vous pouvez, exercer vos droits en contactant notre Délégué à la protection des données (DPO) au moyen de notre formulaire en ligne ( https://www.grandpalais.fr/fr/form/rgpd) ou par e-mail à l’adresse suivante : dpo@rmngp.fr. Pour en savoir plus, nous vous invitons à consulter notre politique de protection des données disponible ici en copiant et en collant ce lien : https://www.grandpalais.fr/fr/politique-de-protection-des-donnees-caractere-personnel