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Leni Riefenstahl récompensée pour <i>Le Triomphe de la volonté</i>

Leni Riefenstahl récompensée pour Le Triomphe de la volonté

Leni Riefenstahl pendant le tournage du film <i>Tiefland</i>

Leni Riefenstahl pendant le tournage du film Tiefland

Leni Riefenstahl récompensée pour <i>Le Triomphe de la volonté</i>

Leni Riefenstahl récompensée pour Le Triomphe de la volonté

Date de création : 1940

Date représentée : 1940

Domaine : Photographies

© BPK, Berlin, Dist. GrandPalaisRmn / image BPK

Lien vers l'image

11-564659

  • Leni Riefenstahl récompensée pour <i>Le Triomphe de la volonté</i>

Leni Riefenstahl

Date de publication : Octobre 2024

Reconnaissance nationale et internationale pour un cinéma de propagande

Dès son arrivée au pouvoir début 1933, Adolf Hitler commande à l’architecte Albert Speer l’aménagement d’un vaste complexe où tenir le Congrès annuel du Parti. Le « terrain du congrès du parti du Reich » (Reichsparteitagsgelände) est ainsi achevé en septembre 1933 à Nuremberg, à date pour y accueillir le premier rassemblement qui s’y tint chaque année jusqu’en 1938.

Leni Riefenstahl filme l’événement dans son premier film de propagande, La Victoire de la foi dès 1933. Mais c’est à l’occasion du deuxième congrès, en 1934, que Hitler lui commande un film commémorant ces journées qui doivent symboliser en Allemagne comme à l’étranger l’avènement d’une Allemagne nouvelle, renouant avec son passé glorieux et se tournant résolument vers l’avenir. Aussi Riefenstahl suit-elle le parcours du convoi du Führer arrivé en avion à travers la vieille cité médiévale jusqu’au site conçu pour célébrer les forces nouvelles d’une Allemagne prétendument régénérée. À sa sortie sur les écrans en 1935, le succès de ce film, intitulé Triomphe de la volonté, fait de Riefenstahl non seulement la réalisatrice favorite des autorités nazies, mais une figure du cinéma européen.

Récipiendaire du prix du Film allemand dès 1934, elle obtient un diplôme de Grand Prix à Paris en 1937 avant de remporter la Coupe Mussolini à la Mostra de Venise l’année suivante. Cette année 1938 lui apporte d’ailleurs une forme de consécration avec la sortie des Dieux du stade (Olympia en allemand), tourné deux ans auparavant à l’occasion des Jeux olympiques de Berlin, qui remporte de nouveau la Coupe Mussolini. C’est dans ce contexte qu’un photographe anonyme réalise le portrait de la réalisatrice en 1940 avec son « Diplôme de Grand Prix » obtenu en 1937 lors de l’exposition universelle de Paris, la dernière avant la seconde guerre mondiale.

La même année, un autre portrait d’elle est pris par sa photographe de plateau, Erika Groth-Schmachtenberger, cette fois dans les conditions du tournage de son film suivant, Tiefland, tourné de 1940 à 1944 d’après l’opéra éponyme d’Eugen d’Albert, créé en 1903. Cette fiction ne sort en Allemagne qu’en 1954. Le film est cependant présenté à Cannes hors compétition et Jean Cocteau en loue les qualités. Mais cette première tentative de la réalisatrice dans le domaine de la fiction n’obtient pas de prix. « L’âge d’or » qu’a été pour sa réalisatrice la période nazie est révolue, et des critiques rappellent qu’une partie de la distribution du film avait été recrutée parmi des détenus roms internés par les autorités nationales-socialistes.

Iconographie d’une cinéaste à succès

Le premier portrait montre Riefenstahl en légère plongée, probablement chez elle, à genoux devant un bahut ouvert d’où elle a tiré, parmi d’autres, semble-t-il, son « Diplôme de Grand Prix ». Les circonstances dans lesquelles ce portrait à la fois intimiste et destiné à peaufiner son image publique a été réalisé ne sont pas spécifiées, mais celui-ci contribue indéniablement à propager l’iconographie d’une cinéaste à succès, y compris à l’étranger. Le fait de présenter au photographe cette récompense que la France lui a remise trois ans plus tôt l’année même où le pays est envahi et occupé par l’Allemagne nazie teinte cette démonstration de reconnaissance d’une note étrange, pour ne pas dire amère.

La seconde photographie est d’une tout autre nature, mais elle participe d’une même ambition. Erika Groth-Schmachtenberger montre cette fois Riefenstahl en plein tournage. À l’expression passablement émerveillée de la cinéaste dans le cliché précédent se substitue à présent une figure d’elle concentrée derrière la caméra. La réalisatrice a troqué son ensemble veste-pantalon pour une tout autre mise : elle est légèrement décoiffée, ses oreilles arborent d’imposantes créoles à double anneau, et ses mains deux bracelets à médaillons. Ajoutés à la robe à fleurs qu’on devine sous son manteau porté en cape, ces bijoux indiquent que Riefenstahl s’est déguisée en « tsigane » pour les besoins de son nouveau film, Tiefland. Celui-ci conte en effet la rencontre dans les Pyrénées catalanes d’un jeune berger et de la « gitane » Marta, qu’incarne la réalisatrice, qui s’était faite connaître dès la fin des années 1920 comme actrice vedette d’un sous-genre alors très prisé : le film alpin.

La cinéaste officielle du Troisième Reich

Cinq années après ces deux portraits, la célébrité de Riefenstahl s’est passablement étiolée, ou plus exactement elle apparaît désormais entachée par ses compromissions avec le régime nazi, comme si, à l’instar de ses films, les photographies d’elle faisaient désormais fonction de preuves à charge là où elles avaient pour objet d’exalter ses succès. Cependant, si, en 1945, la pellicule de Tiefland est mise sous séquestre par l’armée française en Allemagne occupée après que son autrice y a été interrogée par les autorités états-uniennes, le tribunal allemand chargé de la juger trois ans plus tard ne retient finalement aucune charge contre elle.

Riefenstahl peut ensuite poursuivre sa carrière comme photographe, couvrant notamment les Jeux olympiques de Munich en 1972 et de Montréal quatre ans plus tard.

La décennie 1990 marque même une forme de réhabilitation critique de son œuvre cinématographique. Ce revirement est d’autant moins compréhensible que Riefenstahl n’a jamais caché la fascination qu’exerça sur elle Hitler depuis leur première rencontre en 1932, pas plus qu’elle n’a renié son œuvre de cinéaste officielle du Troisième Reich. L’insistance qu’elle mit sur la dimension artistique de celle-ci ne saurait effacer son rôle comme véhicule de l’idéologie nazie.

En 2002, alors centenaire, Riefenstahl continuait de réfuter contre l’évidence que son art avait bel et bien servi et structuré une vision politique totalitaire dont l’esthétisation des corps « sains » n’y était que le revers de l’extermination des corps « dégénérés », parmi lesquels ceux des Roms qu’elle recruta comme figurants pour Tiefland. Cette année-là, la cinéaste est d’ailleurs assignée en justice par une association romni pour négation du génocide les ayant visés. Si elle finit par reconnaître qu’ils ont effectivement été assassinés, elle maintient qu’elle ignorait que la soixantaine de figurants roms qu’elle avait sélectionnés dans le camp de Maxglan-Leopoldskron en 1940 puis dans celui de Berlin-Marzahn deux ans plus tard avaient été exterminés à Auschwitz-Birkenau après la fin du tournage.

Quelles qu’en aient été les motivations profondes, Riefenstahl fut et est restée jusqu’à sa mort en 2003 une « artiste asservie au nazisme », ainsi que le titrait Le Monde dans la nécrologie que le journal lui consacra à cette occasion.

Le Monde, « Leni Riefenstahl, artiste asservie au nazisme », 10 septembre 2003. Claire AUZIAS, Samudaripen.

Le génocide des Tsiganes, Paris, L’Esprit frappeur, 2004.

Jérôme BIMBENET, Leni Riefenstahl. La cinéaste d’Hitler, Paris, Tallandier, 2015.

Pierre CHOPINAUD, « La nuit de Walpurgis », in Anina CIUCIU, Pierre CHOPINAUD, Lise FOINEAU, Valentin MERLIN, Saimir MILE, Avava Ovava, Marseille, Al Dante, 2014, p. 9-49.

Susan SONTAG, « Fascinant fascisme (Leni Riefensthal) », 1974, in Sous le signe de Saturne Paris, Christian Bourgois, 2013.

Leni Riefenstahl, « Leni Riefenstahl », Histoire par l'image [en ligne], consulté le 05/10/2024. URL : https://histoire-image.org/etudes/leni-riefenstahl

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