Berlin 1936. Jeux olympiques
Ouverture de la XIe Olympiade le 1er août 1936 à Berlin
Cérémonie d'ouverture des XIe Jeux olympiques au stade olympique de Berlin
Berlin 1936. Jeux olympiques
Auteur : WUERBEL Franz Theodor
Lieu de conservation : Kunstbibliothek (Berlin)
site web
Date de création : 1936
Date représentée : 1936
H. : 102 cm
L. : 63,5 cm
Impression offset
Domaine : Affiches
© BPK, Berlin, Dist. RMN-Grand Palais / image BPK
15-591941
Les J.O. font Führer. Berlin, 1936
Date de publication : Janvier 2023
Auteur : Alexandre SUMPF
Le triomphe de la volonté
L’affiche composée par Franz Theodor Würbel (1858-1941) pour la XIe olympiade d’été de l’ère moderne en appelle très classiquement à la référence antique – comme si Adolf Hitler n’était pas arrivé au pouvoir plus de trois ans auparavant, comme s’il ne tirait pas parti de cet événement mondial à des fins de propagande extérieure et intérieure. L’artiste autrichien a déménagé tardivement à Berlin, en 1928, et il est alors âgé de 78 ans.
Hans Liska (1907-1983) est également autrichien, il vit à Berlin entre 1933 et 1940, date à laquelle il sera mobilisé dans la section de propagande de la Wehrmacht. Travaillant beaucoup pour la Berliner Illustrierte Zeitung (1), il participe au numéro spécial pour les jeux olympiques organisés dans la capitale du Troisième Reich lors de la première quinzaine d’août 1936. Moins expérimenté que Würbel mais presque aussi classique, Liska est un professionnel reconnu.
Il n’en va pas de même de Hermann Baumann, qui n’a guère laissé de traces par la suite, mais s’est trouvé au bon endroit et au bon moment ce 1er août 1936. Les membres du comité international olympique, qui ont accordé l’organisation à la république de Weimar en 1931, assistent au triomphe du nouvel empereur salué par une foule extatique.
Le dieu du stade
L’affiche de Würbel prouve une maîtrise certaine des proportions et des contrastes. L’axe horizontal est réservé aux anneaux olympiques et au lettrage précisant l’événement. La diagonale formée par le bras de l’athlète – ou plutôt de sa statue dorée – croise celle obtenue par la subtile contre-plongée de côté adoptée pour représenter le quadrige au sommet de la Porte de Brandebourg, à Berlin. Si ce char est conduit par Athéna Nikè, déesse de la victoire, elle brandit depuis la chute de Napoléon en 1815 une croix de fer et un aigle prussien, deux symboles repris par le régime national-socialiste.
L’allusion au contexte politique est plus évidente dans l’œuvre de Liska, puisque la swastika hitlérienne en noir sur fond blanc et rouge ressort plus fortement que le drapeau olympique sur les couleurs grises de la moitié supérieure. Seuls percent ce ciel d’orage où est ballotté le zeppelin Hindenburg trois rayons de soleil qui, tels des projecteurs, inondent de lumière le stade olympique. De facture néoclassique, imposant par sa taille, il domine les « terrains de sport du Reich » où l’on distingue le stade de natation à l’air libre, le clocher olympique et le champ de mai où se déroulèrent les épreuves hippiques de polo et de dressage.
La photo en noir et blanc de Baumann permet de constater que la cohabitation de l’emblème nazi et de l’étendard olympique est la règle. Si la tribune officielle se laisse deviner au centre de l’image, elle paraît écrasée par la taille des gradins et la foule qui dresse le bras dans un unisson parfait, debout, tendant le regard vers Hitler. Au premier plan, on distingue nettement des femmes élégantes et des hommes en chapeau : la cérémonie d’ouverture qui fait stade comble a sans doute été réservée à une élite politique et sociale.
Du pain et des jeux
Hitler n’a pas besoin d’apparaître en majesté dans ce type d’images : depuis les congrès de Nuremberg et leur cérémonial rodé, les Allemands savent qu’il est le cœur du dispositif. Il existe bien une affiche de promotion olympique représentant le Führer, mais elle est réservée au public national et unique en son genre. Quant aux athlètes aryens dont le chancelier attend des miracles, ils ne sauraient prétendre à plus d’un quart d’heure de gloire. Le style neutre adopté par Würbel résout l’équation posée par le régime : exalter la vertu guerrière et l’histoire victorieuse de la nation sans effaroucher les diplomates et les visiteurs étrangers. L’Homme nouveau avance une mâchoire martiale, mais son sourire respire plutôt la sérénité. L’affiche a d’ailleurs été éditée par la banque centrale du Reich pour les transports allemands du Reich, un organisme qui a tout intérêt à faire de l’événement une juteuse opération touristique. Peu importe qu’une olympiade socialiste ait été prévue à Barcelone (et annulée du fait du putsch des nationalistes espagnols, le 18 juillet) : le monde est invité à constater de visu la puissance tranquille du « Reich de mille ans », magnifié par Liska avec sa vue aérienne. Le pays qui a été ruiné deux fois en une décennie (inflation de 1923, crise de 1929) a su se redresser, le pacte social national-socialiste fondé sur la spoliation des Juifs et la proscription de toute opposition commence à porter ses fruits. L’olympisme et ses valeurs pacifistes vient donner sa caution à celui qui vient de remilitariser la Rhénanie et son peuple, restauré dans sa fierté nationale, n’a plus qu’à profiter du spectacle.
Pierre Ayçoberry, La Société allemande sous le Troisième Reich : 1933-1945, Paris, Seuil, 1998.
Daphné Bolz, Les Arènes totalitaires. Fascisme, nazisme et propagande sportive, Paris, CNRS Éditions, 2007.
Jean-Marie Brohm, 1936, Les Jeux olympiques à Berlin, André Versaille éditeur, 2008.
1 - Berliner Illustrierte Zeitung (BIZ) : journal hebdomadaire allemande qui paraît de 1892 à 1945.
Niké :
Alexandre SUMPF, « Les J.O. font Führer. Berlin, 1936 », Histoire par l'image [en ligne], consulté le 31/10/2024. URL : https://histoire-image.org/etudes/j-o-font-fuhrer-berlin-1936
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