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Portrait de Germaine de Staël en Corinne au cap Misène

Portrait de Germaine de Staël en Corinne au cap Misène

Date représentée : 1809

H. : 139,80 cm

L. : 125 cm

Huile sur toile.

Domaine : Peintures

Domaine public © CC0 Musée d'art et d'histoire (MAH)

Lien vers l'image

1841-0003

  • Portrait de Germaine de Staël en Corinne au cap Misène

Madame de Staël

Date de publication : Mars 2023

Auteur : Lucie NICCOLI

Germaine de Staël (1766-1817), femme de lettres en exil sous l’Empire

Germaine de Staël, fille du ministre des Finances de Louis XVI Jacques Necker, fut très tôt initiée à la politique par son père et à la littérature par sa mère, qui tenait un salon. Épouse du baron de Staël, elle ouvre à son tour un salon et se fait remarquer par ses essais philosophiques et ses romans, notamment Delphine (1802) et Corinne (1807). Exilée en Suisse lors de la Terreur puis, à nouveau, à partir de 1803, sur ordre de Napoléon Ier, qui craint ses idées libérales, elle invite dans son château de Coppet, au bord du lac Léman, des intellectuels européens, parmi lesquels Benjamin Constant, Châteaubriand ou Juliette Récamier. C’est à Coppet qu’elle reçoit Élisabeth Vigée Le Brun – académicienne, peintre de Marie-Antoinette et de l’aristocratie européenne, elle aussi en butte à l’hostilité de l’empereur et en exil – pour la réalisation de son portrait. L’artiste la figure en héroïne de son roman Corinne ou l’Italie, qui vient de paraître et connaît un grand succès. À la fois roman sentimental et guide de voyage, il décrit les tribulations de la poétesse italienne dans la péninsule et les tourments de son amour contrarié pour Oswald, le lord anglais qui l’accompagne. Vigée Le Brun choisit la scène dans laquelle Corinne, lors d'une improvisation au Cap Misène, prend conscience du désespoir auquel la condamne l’impossibilité de son amour pour Oswald.

Un portrait expressif dans un paysage de convention

Germaine-Corinne est représentée en poétesse inspirée, les yeux tournés vers le ciel, comme si elle y puisait une inspiration divine, la bouche entrouverte, la chevelure en désordre, s’apprêtant à pincer les cordes de sa lyre et à déclamer des vers. Elle est vêtue, à l’antique, d’une élégante tunique de mousseline blanche et d’une ample toge rouge. Il s’agit bien cependant d’un portrait, sans doute ressemblant, de Germaine de Staël à cette époque : une femme de quarante ans, un peu corpulente, mais vigoureuse, aux traits ni délicats ni réguliers, mais expressifs ; faute de pouvoir flatter sa beauté, l’artiste s’est efforcée de peindre le tempérament et l’aura de la femme de lettres. Cette image semble maladroitement collée sur un paysage italien, peint sans doute en atelier. Censé représenter le cap Misène, sur la baie de Naples, il évoque plutôt, à droite de la toile, le site de Tivoli près de Rome, bien connu des peintres depuis le XVIe siècle : de la petite ville dressée sur un piton rocheux sont visibles les temples de Vesta et de la Sibylle et, en contrebas, dans l’ombre, les dernières cascades de ses célèbres chutes d’eau. Sur la gauche, c’est un paysage vallonné plus doux avec ses lointains bleutés, qui rappelle les peintres de la Renaissance. Alors que l’artiste avait sillonné l’Italie les premières années de son exil (de 1789 à 1792), elle place son personnage dans un panorama de convention destiné à illustrer la beauté de l’Italie et la nécessaire communion de la poétesse avec la nature.

Un portrait romantique, fruit de la rencontre de deux femmes de caractère

Mme de Staël ne fut probablement pas satisfaite de cette toile puisque, même si elle remercia poliment son auteur, elle en commanda la même année une copie plus idéalisée au Genévois Firmin Massot. Deux ans après sa mort, à la demande de Juliette Récamier et Auguste de Prusse, le baron Gérard en livra une nouvelle version – une scène plus vaste, cette fois, incluant Oswald et des spectateurs –, dans laquelle les traits de Germaine sont à nouveau embellis. Le portrait exécuté d’après nature par Mme Vigée Le Brun a pourtant l’intérêt de rendre toute la vivacité et la force de caractère de cette femme indépendante qui, dans cette époque de recul des droits des femmes, avait su briller non par sa beauté, mais par son esprit et son travail. Ces deux personnalités célèbres et controversées, féministes avant l’heure, contraintes à l’exil et devenues cosmopolites, furent sans doute liées par une sympathie et une admiration réciproque. Ce portrait sincère, qui exprime les espoirs et les tourments propres au début du XIXe siècle et au mouvement romantique, en témoigne.

Anne Louise Germaine de STAËL, Corinne ou de l’Italie, Librairie stéréotipe H. Nicolle, Paris, 1807.

Yvonne BEZARD, Madame de Staël d'après ses portraits, Société des études staëliennes, Victor Attinger, Paris/Neuchâtel, 1938.

Gita MAY, « Germaine de Staël et Élisabeth Vigée Le Brun devant la postérité » dans : Jacques Neefs éd., Le Bonheur de la littérature. Variations critiques pour Béatrice Didier, Presses Universitaires de France, « Hors collection », Paris, 2005, p. 367-374.

Joseph BAILLIO, Paul LANG, Katharine BAETJER, Elisabeth Louise Vigée Le Brun, catalogue de l’exposition présentée au Grand Palais, à Paris, au Metropolitan Museum of Art de New York, puis au Musée des Beaux-Arts du Canada, Musée des beaux-arts du Canada, Ottawa, 2016.

Romantisme : Le mot est introduit dans la langue française par Rousseau à la fin du XVIIIe siècle. Il désigne par la suite un élan culturel qui traverse la littérature européenne au début du XIXe siècle, puis tous les arts. Rompant avec les règles classiques, la génération romantique explore toutes les émotions données par de nouveaux sujets, en privilégiant souvent la couleur et le mouvement.

Lucie NICCOLI, « Madame de Staël », Histoire par l'image [en ligne], consulté le 19/04/2024. URL : histoire-image.org/etudes/madame-stael

Ecoutez un podcast de France Culture, Portrait de Madame de Stael par Michel Winock

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