
Rémouleur

Marchand de paniers

Un Chiffonnier, le matin dans Paris, avenue des Gobelins

Fleuriste

Rémouleur
Auteur : ATGET Eugène
Lieu de conservation : Bibliothèque nationale de France (BnF, Paris)
site web
Date de création : 1898-1900
Date représentée : 1898-1900
H. : 17,4 cm
L. : 21,7 cm
Série : Vie et métiers à Paris.
Photographie positive sur papier albuminé.
Domaine : Photographies
Bibliothèque Nationale de France - Domaine public © Gallica
PET FOL-OA-615 (1)
Les Petits métiers de Paris dans les albums d'Eugène Atget
Date de publication : Décembre 2007
Auteur : Claire LE THOMAS
Des métiers en voie de disparition
Au tournant du XXe siècle, les petits métiers de Paris disparaissent progressivement sous l’effet de l’industrialisation et de la diffusion des grands magasins. Atget qui s’intéresse aux aspects du Vieux Paris, s’attache alors à photographier les marchands ambulants de la capitale. Il poursuit ainsi une longue tradition iconographique née au XVIe siècle et qui se développa au cours du XIXe siècle en réponse au déclin de cette profession.
Face aux changements rapides engendrés par le passage à la modernité, les petits métiers apparaissent comme l’image rassurante d’une certaine continuité ; ils sont intimement liés à la morphologie de la capitale avant les travaux urbanistiques du Second Empire.
Portraits de métiers
Atget photographie les marchands ambulants sur leur lieu de travail, entourés de leurs marchandises : le rémouleur, ou affûteur de couteau, s’est installé, avec son établi au coin d’une rue ou au milieu d’une place ; la fleuriste a déposé sa corbeille de fleurs devant un bâtiment ; le vannier déambule, chargé de paniers, dans la ville ; le chiffonnier s’apprête à repartir, sa charrette pleine de sacs de détritus. Parfois, il leur demande de mettre en scène leur activité, de poser en mimant l’achat et la vente pour montrer les interactions qui s’établissent avec les habitants du quartier ou les passants.
La plupart des clichés mettent cependant en avant la mobilité intrinsèque aux petits métiers : si, lorsqu’ils sont arrêtés, attendant ou hélant le client, leur environnement se distingue assez bien, l’arrière plan est le plus souvent flou, notamment pour les emplois contraints à des déplacements constants, comme le vannier ou le chiffonnier. Les éléments architecturaux se brouillent, la figure du marchand est disjointe de ce qui l’entoure – la netteté de l’un contrastant avec l’effacement de l’autre – comme pour signifier la stratégie ambulatoire qui les caractérise : ne restant jamais au même endroit, ils n’intègrent pas le quartier qu’ils parcourent. La pose du chiffonnier, les bras tendus, la jambe en avant, le corps penché souligne bien le mouvement inhérent à ces professions.
À travers ces images, Atget dresse en quelque sorte le portrait de chacun de ces métiers de rue : photographiés en pied, les marchands ambulants ne sont pas tant individualisés par leurs traits que par leurs marchandises. Celles-ci les définissent et semblent parfois faire corps avec leur propriétaire. Le rémouleur est comme encastré dans son atelier roulant ; le chiffonnier se maintient en équilibre en tirant sa charrette, tel un prolongement de lui-même ; le vannier est enveloppé de paniers où s’évanouissent ses bras, comme autant d’appendices constituant de nouveaux membres… Seule la fleuriste, ayant posé sa corbeille, ne se trouve pas physiquement unie à son chargement. Elle tient cependant des fleurs à la main et sa posture cambrée signale son habitude de transporter ses produits : son corps est emprunt du poids de son panier.
Un regard documentaire
Les photographies des petits métiers de Paris d’Atget, portent un regard bien plus documentaire que nostalgique sur ces professions. Tout en s’inscrivant dans le regain d’intérêt pour la figure des marchands ambulants, tradition vouée à disparaître, elles témoignent d’une compréhension accrue du rôle social tenu par ces professions, acteurs de la vie quotidienne du quartier, et de leurs manières de travailler.
Chaque cliché est pris de façon à rendre visible, par le cadrage, la mise au point, la pose, les traits distinctifs de cette activité, en particulier son rapport interactif et mobile avec la ville et son lien presque corporel à sa marchandise. Il poursuivait ainsi, sur le même mode typologique, son étude des aspects du vieux Paris : la série des métiers de rue forme un contrepoint vivant à ses clichés des arrondissements et des quartiers parisiens où les habitants sont le plus souvent absents.
Lorsqu’il reprend ce thème une dizaine d’années plus tard, vers 1912, il enregistre le recul définitif des marchands ambulants au profit des kiosques, des petites boutiques et autres étalages de rue. Les ordonnances sur l’occupation des espaces et des voies publiques ont imposé la fixité aux petits commerces et réglementé ce secteur d’activité, accélérant un déclin déjà ancien. Il trouvera malgré tout des équivalences sociales et formelles entre les anciens et les nouveaux petits métiers : ils participent encore à l’animation du quartier et débordent malgré tout sur la rue, avec leurs étals composites aux formes parfois surprenantes, brouillant toujours les frontières entre espace public et privé.
Laure BEAUMONT-MAILLET, Atget, Paris, Paris, Hazan, 2000.
Guillaume LE GALL, Atget, Paris pittoresque, Paris, Editions Hazan, 1998.
Gérard NOIRIEL, Les ouvriers dans la société française, XIXe-XXe siècles, Paris, éditions du Seuil, 1986.
Claire LE THOMAS, « Les Petits métiers de Paris dans les albums d'Eugène Atget », Histoire par l'image [en ligne], consulté le 16/05/2025. URL : https://histoire-image.org/etudes/petits-metiers-paris-albums-eugene-atget
Pour aller plus loin : Exposition Eugène Atget, BNF
Lien à été copié
Albums liés
Découvrez nos études

L'arrestation du gouverneur de la Bastille, le 14 juillet 1789
A Paris, la nouvelle du renvoi de Necker le 11 juillet 1789 provoque de nombreuses manifestations. Le 14, à la suite du refus du gouverneur des…

Le défilé de la victoire sur les Champs-Élysées en 1944
À mesure qu’ils libèrent le territoire métropolitain, les Alliés reconquièrent aussi la possibilité de produire les…

Le Louvre au XIXe siècle
Depuis le XVIe siècle, l’achèvement du Grand Louvre est un leitmotiv de la politique culturelle…



Le Défilé du 11 novembre 1944 sur les Champs-Élysées
À partir de 1944, la reconquête du territoire national s’accompagne de la production et de l’émission d’images des succès…

Les Petits métiers et la musique populaire
Dans son opéra naturaliste Louise, créé en 1900, le compositeur Gustave Charpentier rendait…



L’assassinat de Concini
Le 24 avril 1617, Concini, maréchal d’Ancre, est assassiné à l’entrée du Louvre par des fidèles serviteurs du jeune…

La fin de la guerre de Crimée

La sociabilité urbaine au début du XIXe siècle
Si le monde citadin, durant le premier tiers du XIXe siècle, reste encore…



Le mur des Fédérés
À la fin de la « Semaine sanglante », le samedi 27 mai 1871, les troupes versaillaises parviennent à investir le cimetière du…



Le Succès du mélodrame
Pour contrer la floraison des théâtres sous la Révolution, l’Empire avait établi un régime de restriction du nombre de salles. La situation va s’…
Ajouter un commentaire
Mentions d’information prioritaires RGPD
Vos données sont sont destinées à la RmnGP, qui en est le responsable de traitement. Elles sont recueillies pour traiter votre demande. Les données obligatoires vous sont signalées sur le formulaire par astérisque. L’accès aux données est strictement limité aux collaborateurs de la RmnGP en charge du traitement de votre demande. Conformément au Règlement européen n°2016/679/UE du 27 avril 2016 sur la protection des données personnelles et à la loi « informatique et libertés » du 6 janvier 1978 modifiée, vous bénéficiez d’un droit d’accès, de rectification, d’effacement, de portabilité et de limitation du traitement des donnés vous concernant ainsi que du droit de communiquer des directives sur le sort de vos données après votre mort. Vous avez également la possibilité de vous opposer au traitement des données vous concernant. Vous pouvez, exercer vos droits en contactant notre Délégué à la protection des données (DPO) au moyen de notre formulaire en ligne ( https://www.grandpalais.fr/fr/form/rgpd) ou par e-mail à l’adresse suivante : dpo@rmngp.fr. Pour en savoir plus, nous vous invitons à consulter notre politique de protection des données disponible ici en copiant et en collant ce lien : https://www.grandpalais.fr/fr/politique-de-protection-des-donnees-caractere-personnel