Le Premier comité olympique
Lieu de conservation : Agence AKG Images
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Date de création : 10 avril 1896
Date représentée : 10 avril 1896
Photographe : Albert Meyer (1857-1924).
Domaine : Photographies
© AKG - Images
AKG8074334
Premiers à jamais
Date de publication : Juin 2024
Auteur : Alexandre SUMPF
Plus fort
Le 10 avril 1896, à Athènes, sept hommes posent pour la postérité devant l’objectif du photographe allemand Albert Meyer. Né en 1857, ce dernier est un entrepreneur qui a pignon sur rue avec ses trois studios dans la capitale Berlin et ses succursales dans les stations balnéaires polonaises. Il a reçu en 1892 la médaille d’or de la Section « Prises de vues professionnelles » décernée à l’occasion de la Première exposition internationale de Photographie à Paris. Il se retrouve à Athènes en tant que membre du Comité pour la participation de l’Allemagne aux Jeux Olympiques, fondé en 1895. Les athlètes du Reich de Guillaume II partent bien pour la capitale grecque ; les époux Meyer les accompagnent à la fois dans un rôle honorifique et dans une fonction spécifique : chroniquer ces Jeux, premiers de l’ère moderne. Au beau milieu des compétitions qui se déroulent du 6 au 14 avril, Albert Meyer propose à la moitié du comité olympique (doté de 13 membres depuis le congrès fondateur organisé à Paris en 1894) de réaliser un cliché officiel.
Plus haut
Le premier comité international olympique réunit l’élite des dirigeants sportifs de l’époque, dont une bonne part, liés au baron Pierre de Coubertin. La scène figée pour l’éternité a duré longtemps : à l’époque, il faut encore une bonne minute pour que la plaque photographique fixe l’image – d’où le caractère raide des personnages. Ils sont regroupés autour d’une simple table en bois, dans un lieu indéterminé qui paraît se situer en extérieur : de la poussière recouvre les chaussures, une touffe d’herbe jaillit entre les pierres. Celles-ci, taillées et de grand volume, font penser à un bâtiment de prestige. Le fond a été obstrué artisanalement par deux grandes feuilles de carton à peu près jointives. Ce décor improvisé sert de fond à un véritable tableau humain où chacun des protagonistes joue un rôle.
Assis à gauche, Pierre de Coubertin se présente en Solon, père de la Loi olympique ; au milieu, l’écrivain grec Dimitrios Vikelas, familier de Coubertin, est le pilier de l’organisation, son premier président (Coubertin lui succèdera après les Jeux pour 29 ans de règne) ; à droite, le lieutenant-général russe Alexeï Boutovski, spécialiste de la préparation physique militaire, tient lui aussi un volume. Il représente la puissance tsariste… qui n’a envoyé aucun athlète, faute de comité olympique. Debout se tiennent Willi Gebhardt, secrétaire du comité national olympique allemand et compagnon de Meyer ; le pédagogue tchèque Jiří Stanislav Guth-Jarkovský, futur corédacteur de la charte olympique avec Coubertin qu’il connaît bien lui aussi ; Ferenc Kemény, pédagogue, ami de Coubertin et premier secrétaire du comité olympique hongrois ; et l’enseignant de gymnastique militaire suédois, le major Viktor Balck (1), en grand uniforme et médaillé.
Plus vite
Ce cliché fait partie de la centaine de prises de vues relatives aux Jeux Olympiques d’Athènes connues aujourd’hui – dont la moitié sont attribuables à Meyer. Conscient du caractère historique de l’événement, et habile commerçant, l’Allemand veille à faire développer ses clichés avant même que les Jeux soient terminés. Il en va de la propagande de l’idée olympique à travers le monde, et aussi de sa réputation de photographe officiel de la cour de Saxe-Mecklembourg. Il imprime donc certaines photographies au format carte postale, portant sur le côté en toutes lettres son nom et ses deux principales récompenses. Il vend aussi ses négatifs à plusieurs éditeurs, dont l’Allemand Kurt Beck, qui réalise le premier album officiel des Jeux. Meyer, de son côté, en tire une édition de luxe reliée en cuir avec les meilleurs clichés en grand format, qu’il fait parvenir à la plupart des maisons royales européennes. Il devient dès lors célèbre et fait fortune avant que la crise allemande du début des années 1920 ne balaie sa richesse.
Grâce au médium photographique, et au choix judicieux de relais d’opinion nationaux opéré par Coubertin dès 1894, les Jeux obtiennent un succès populaire qui doit beaucoup aux 46 médailles des athlètes grecs. Il efface l’échec de l’Olympia du mécène Evangelis Zappas, qui a organisé des Jeux en Grèce en 1859, 1870, 1875 et 1888. Il suivait un programme nationaliste (panhelléniste) puisqu’il n’acceptait que des concurrents grecs de tous les pays.
Coubertin a préféré une approche transnationale fondée sur l’idée de paix. Il a aussi pris soin d’intégrer au programme des épreuves des sports qui n’existaient pas dans l’Antiquité – natation et cyclisme – mais qui sont alors très populaires. Cependant, l’opinion mondiale et les sportifs ne sont pas encore convertis : les Jeux de Paris 1900 sont éclipsés par l’Exposition universelle, ceux de Saint-Louis en 1904 boudés par la moitié des nations présentes en 1900 – dont la France. Seul le C.I.O. (Comité International Olympique) et son président, Coubertin, maintiennent le navire à flots entre succès – les Jeux de Londres en 1908 et Stockholm en 1912 – annulations – Berlin 1916 – et échecs publics – Anvers en 1920.
Patrick Clastres, Pierre de Coubertin ou la paix par le sport, Presses universitaires de Rennes, coll. « Épures », 2024.
Françoise Hache, Jeux olympiques. La flamme de l'exploit, Paris, Gallimard, coll. « Découvertes », 1992.
Olympisme, Une histoire du monde. Des premiers jeux olympiques d’Athènes 1896 aux jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024, Paris, Éditions de La Martinière, 2024
1 - Viktor Balck (1844-1928) : officier suédois, Viktor Balck est connue sous le nom de Père du sport suédois. De 1887 à 1909, il est le professeur principal de gymnastique militaire et le directeur de 1907 à 1909 du Gymnastika Centralinstitutet (G.C.I.). Lors de l'Exposition universelle de Paris en 1889, la Suède présente une troupe de gymnastique dirigée par Balck. Il rencontre Pierre de Coubertin pour la première fois qui ont tout deux la même vision du sport. Il devient l'un des 13 membres fondateurs du C.I.O.
Alexandre SUMPF, « Premiers à jamais », Histoire par l'image [en ligne], consulté le 14/12/2024. URL : https://histoire-image.org/etudes/premiers-jamais
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