Rosa Parks
Bus dans lequel Rosa Parks a été arrêtée
Carte des États-Unis
Rosa Parks
Lieu de conservation : The Library of Congress (Washington)
site web
Date de création : 1956 (?)
Photographie.
Domaine : Photographies
Domaine Public © CC0 Library of Congress
2015647359
Rosa la rouge
Date de publication : Octobre 2023
Auteur : Alexandre SUMPF
Black-out
Le visage de Rosa Parks (née McCauley, 1913-2005) apparaît pour la première fois dans la presse en décembre 1955. Dès lors, cette femme de 42 ans voit se multiplier les sollicitations, surtout lors des 385 jours du boycott des bus de Montgomery, la capitale de l’État de l’Alabama. Elle n’est pas la première Africaine-Américaine à refuser de céder sa place à un passager blanc, mais c’est la plus âgée. Avant elle, il y a eu Claudette Colvin (15 ans) le 2 mars, Aurelia Browder (36 ans) le 19 avril, et Mary Louise Smith (18 ans) le 21 octobre. Encore avant, il y a eu presque un siècle de poursuite de la ségrégation dans le sud des États-Unis, avec les lois Jim Crow passées entre 1877 et 1964. Et surtout, le 28 août 1955, Emmett Till, 14 ans, a été torturé et lynché dans le delta du Mississipi.
Lorsque le musée Henry Ford fait l’acquisition du fameux bus National City Lines (N.C.L.) n°2857, il a été mis hors service depuis 40 ans après avoir continué à rouler, souvent avec le même chauffeur, James Blake. Le bus vendu malgré l’ordre de destruction a ensuite servi 30 ans de remise à outil sur un terrain herbeux. Identifié avec certitude en 2000, il est vendu aux enchères au musée pour la somme de 427 919 dollars. Il arrive dans un état déplorable. Avant restauration complète en 2002, le musée invite Rosa Parks à retrouver ce bus (privé de sièges) pour la première fois depuis 1955.
Un sit-in en Alabama
Pour ce portrait réalisé au moment où elle devient une figure éminente de la cause noire aux États-Unis, Rosa Parks offre son meilleur profil. Ses cheveux sont sagement attachés derrière sa tête, elle porte de fines lunettes à monture de métal, un bustier immaculé et une veste de coton claire. On l’imagine sagement assise sur un tabouret, les mains croisées sur ses genoux. Elle ne fixe pas l’objectif, sans doute à la demande du photographe. Ce décalage lui donne un air pensif, accentué par ses lèvres fermées sans sourire.
Le cliché anonyme montre le bus General Motors de 1948 dans lequel Rosa Parks a été arrêtée en 1955, à l’occasion de sa présentation physique au public, en présence de la militante. Le bus a été acquis par le musée Ford en octobre 2001 dans un état de dégradation avancée. Non seulement son propriétaire a arraché les sièges pour libérer l’espace, mais il a vendu certaines pièces, dont le moteur. L’humidité et le manque d’entretien ont laissé la rouille largement altérer la robe caractéristique jaune moutarde et blanc de la N.C.L.. Dans le hall monumental du musée, dont on distingue l’armature, on prépare la cérémonie : des micros sont branchés, et une chaise a été placée pour la vétérane du mouvement des droits civiques, alors âgée de 88 ans.
Les droits civiques entrent dans l’histoire nationale
Le portrait réalisé en 1956 cherche d’évidence à donner à Rosa Parks une image de respectabilité. Il ne s’agit pas du repris de justice pour lequel les autorités racistes de la ville de Montgomery cherchent à la faire passer, mais une représentante de la classe moyenne de cette cité où vivent alors 42 000 Africains-Américains, la moitié de la population. Elle a fait des études, milite au N.A.A.C.P. (National Association for the Advancement of Coloured People) depuis 1943, au titre de secrétaire de la section locale. C’est d’ailleurs pour cela qu’elle a été préférée par son dirigeant Edgar Nixon et par Martin Luther King aux jeunes filles mineures (Colvin étant en outre enceinte) et même à Aurelia Browder – alors que c’est le jugement par la Cour Suprême de l’affaire Browder vs Gayle qui interdit la ségrégation dans les bus de la ville le 13 novembre 1956. Rosa Parks devient alors persona non grata en Alabama, qu’elle quitte pour la Virginie, puis Détroit, se consacrant désormais au mouvement.
L’entrée tardive du bus dans une collection muséale traduit le peu d’intérêt des conservateurs pour les traces de cette histoire. Finalement, les efforts publics pour commémorer le mouvement se sont multipliés. En 1980, le président Jimmy Carter a signé une loi créant le site historique national Martin Luther King Jr. à Atlanta. En 1991, le Musée national des droits civiques a ouvert ses portes sur le site du Lorraine Motel à Memphis, où King a été assassiné en 1968. L'arrestation de Rosa Parks et le boycott qui s'en est suivi ont été présentés dans l’exposition permanente : un véhicule de même modèle a été acheté et restauré pour ressembler à un bus de Montgomery de l'époque. En 2000 a ouvert à Montgomery le musée Rosa Parks, mais sa statue n’a été inaugurée en ville qu’en 2019. Après cent ans d’initiatives, le premier Musée national de l’histoire et de la culture afro-américaines a ouvert à Washington en 2016 ; il présente en vitrine la robe que cousait Rosa Parks ce jour-là. Petit à petit, le gouvernement fédéral et les activistes locaux parviennent à rendre aux Africains-Américains et au mouvement des droits civiques leur juste place dans la mémoire et l’espace public.
Claudette Colvin, Rosa Parks et les lois Jim Crow, une vidéo de Culture Prime
Pap Ndiaye, Les Noirs américains : De l'esclavage à Black Lives Matter, Paris, Tallandier, 2021.
Nimrod, Rosa Parks : "Non à la discrimination raciale", Arles, Actes Sud, 2014.
Howard Zinn, Une histoire populaire des États-Unis d'Amérique : de 1492 à nos jours, Marseille, Agone, 2002.
Alexandre SUMPF, « Rosa la rouge », Histoire par l'image [en ligne], consulté le 21/11/2024. URL : https://histoire-image.org/etudes/rosa-rouge
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