Bataille de Stalingrad
Auteur : HOFFMANN Heinrich
Lieu de conservation : Bildarchiv Preussischer Kulturbesitz (BPK, Berlin)
site web
Date de création : Octobre 1942
Date représentée : Octobre 1942
H. : 10 cm
L. : 24 cm
Domaine : Photographies
© BPK, Berlin, Dist. RMN-Grand Palais / image BPK
50086482 - 18-523481
Une Victoire à la pire-russe
Date de publication : Février 2024
Auteur : Alexandre SUMPF
« Plus un pas en arrière ! »
Au mois d’octobre 1942, Adolf Hitler est en passe de réussir son pari. Pour cette deuxième offensive estivale, après l’opération Barbarossa (1) déclenchée le 22 juin 1941, il a ordonné au Groupe Sud de conquérir le Caucase pour s’emparer des pétroles de la mer Caspienne, et de prendre Stalingrad. La cité des bords de la Volga n’est pas juste un symbole de la lutte entre les deux dictateurs : c’est un nœud de communication majeur, verrou de l’Oural sud où le pouvoir soviétique a évacué son industrie de guerre. Conscient de l’enjeu stratégique, Staline édicte l’ordre n° 227 « Plus un pas en arrière ! » du 28 juillet 1942, qui punit de mort ceux qui abandonnent leur poste et autorise les agents du N.K.V.D. (2), sa police politique, à tirer sans sommation. Début septembre, les unités de la VIe Armée parviennent dans les faubourgs de la ville, bombardée sans relâche. Bientôt, la résistance soviétique se limite à une mince bande de terre coincée entre feu allemand et eau de la Volga. Côté allemand, cette victoire certaine est célébrée par les reportages filmiques et photographiques triomphants ; côté soviétique, comme le montre le cliché analysé, on ne peut que tenter de prouver l’esprit de résistance à mort des derniers combattants présents sur la rive occidentale du fleuve.
Une « guerre de rats »
Rapidement, la cité n’est plus que le fantôme de sa splendeur. Les beaux immeubles de style néoclassique stalinien qui faisaient sa renommée dressent leurs façades calcinées au milieu d’un désert de gravats. Une très grande partie de la population civile a été évacuée, le territoire urbain s’est mué en immense champ de bataille où l’on se bat maison après maison. La puissance de feu allemande contraint les Soviétiques à s’enterrer pour résister, et à surgir pour de brèves contre-attaques destinées à desserrer l’étau et à tenir, coûte que coûte. C’est ce que les soldats allemands, puis la propagande nationale-socialiste, moquent comme une « guerre de rats ». Le cliché réalisé en position basse (forcément par un correspondant de guerre soviétique) semble leur donner raison. Les quelques soldats de l’Armée rouge progressent ici presque à découvert, mais maîtrisent déjà la technique de la guérilla urbaine : chaque homme progresse de manière indépendante, chaque repli de terrain et pan de mur sert de position. Leur armement se limite à des fusils et à un unique pistolet-mitrailleur en couverture. Mais, alors que l’hiver approche, on les a équipés de tunique ouatées doublées, une clef de la bataille à venir.
Le Verdun de la Wehrmacht
On connaît la suite de l’histoire : au terme d’un combat homérique et de pertes colossales, la défense de Stalingrad a tenu, laissant le temps au général Joukov (3) de préparer son offensive d’encerclement de l’armée de von Paulus (4). Ce dernier, auquel Hitler a refusé d’opérer une retraite en bon ordre, doit capituler le 2 février 1943. Stalingrad était un piège stratégique tendu à Hitler, forçant von Paulus à concentrer ses meilleurs hommes en ville et laisser ses flancs à la charge de ses alliés hongrois, roumains et italiens. Une armée entière sombre, amputant le potentiel offensif de la Wehrmacht, puis sa capacité même à défendre le territoire du Reich. Côté soviétique, il est presque certain que ces six hommes immortalisés par un reportage de propagande ont trouvé la mort, comme 10,5 millions de camarades entre 1941 et 1945. Sans doute leur nom a-t-il été publié à titre posthume, peut-être ont-ils reçu une décoration. Mais en octobre 1942, ils ne sont que des silhouettes se découpant sur un horizon de destruction totale, des pions dans la partie d’échecs de Stalingrad. Le plus important est qu’ils avancent vers l’objectif, conformément aux ordres de Staline.
Anthony Beevor, Stalingrad, Paris, Calmann-Lévy, 2019.
Nicolas Bernard, La Guerre germano-soviétique, Paris, Tallandier, 2020.
Alexander Werth, Stalingrad, Paris, Fayard, 2013.
1 - Opération Barbarossa : le 22 juin 1941, sur ordre d'Hitler, l'armée allemande envahit le territoire de l'Union Soviétique, rompant ainsi l'alliance de non-agression signée le 23 août 1939 entre l'Allemagne hitlérienne et l'U.R.S.S..
2 - N.K.V.D. : Commissariat du peuple aux Affaires intérieures, le N.K.V.D. est en charge de la sécurité intérieure de l'État soviétique, il contrôle la Tchéka, puis la Guépeou qu'il intègre en 1934. Il dirige les procès politiques, les purges de la fin des années 1930 et le réseau des goulags. Il est dirigé par Lavrenti Beria de 1938 à 1945. En 1954, il est remplacé par le K.G.B.
3 - Gueorgui Konstantinovitch Joukov (1896-1974) : en 1918, il rejoint l'Armée rouge et adhère au parti communiste en 1919. Après avoir combattu lors de la Guerre civile russe, il est envoyé en Espagne en 1936. En 1941, Staline le nomme chef de l'état-major général. Il commande le front ouest. Il libère Stalingrad puis Léningrad. Maréchal en 1943, il commande l'offensive finale contre le Troisième Reich et entre dans Berlin. Le 8 mai 1945, il contresigne le document de la capitulation nazie au nom de l'U.R.S.S. Considéré comme un héros, il jouit d'une grande popularité dont Staline prend ombrage et il se retire jusqu'à la mort du dirigeant. Il revient sur le devant de la scène soviétique de 1953 à 1957, il joue un rôle important lors de l'avènement de Khrouchtchev, mais celui-ci le démet de ses fonctions en 1957. Joukov se retire jusqu'à sa mort.
4 - Friedrich Paulus (1890-1957) : général allemand de la Wehrmacht en 1939, Friedrich Paulus prépare au sein de l'état-major du Troisième Reich l'invasion de l'URSS en 1942 (opération Barbarossa). En 1942, il commande la VIe armée et atteint rapidement le Don puis la Volga. Mais il ne réussit pas à prendre Stalingrad. Au terme de plusieurs mois de combat, encerclé par les troupes russes et bien qu'Hitler l'ait nommé maréchal, von Paulus se rend avec les survivants de son armée. Il demeure en captivité jusqu'à la fin de la guerre et collabore avec les Soviétiques contre les nazis. Il sera un des témoins du Procès de Nuremberg. Il ne revient en Allemagne qu'en 1953.
Alexandre SUMPF, « Une Victoire à la pire-russe », Histoire par l'image [en ligne], consulté le 21/11/2024. URL : https://histoire-image.org/etudes/victoire-pire-russe
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