Chefs des nations alliées dont le quartier général est en Grande-Bretagne
Auteur : ANONYME
Lieu de conservation : Le Mémorial de Caen (Caen)
site web
Date de création : 1941
H. : 50,3 cm
L. : 38 cm
impression
Domaine : Affiches
© Le Mémorial de Caen
MEMO_AFFI_00813 / 94-17-2
Londres, capitale de la résistance européenne
Date de publication : Octobre 2016
Auteur : Alexandre SUMPF
Une affiche « européenne »
De septembre 1939 à juin 1941, l’Allemagne nazie accumule les succès militaires en Europe. La Pologne, le Danemark, la Norvège, les Pays-Bas, la Belgique, la France, la Yougoslavie et la Grèce tombent tour à tour, et seul le Royaume-Uni résiste à l’invasion. À l’image du général de Gaulle, plusieurs personnalités politiques et militaires de premier plan appartenant aux différents pays occupés rejoignent Londres durant cette période. Dans ce qui est devenu la capitale de l’Europe libre, se constituent autant de gouvernements en exil, qui affirment être les seuls à représenter leurs différentes Nations de manière légitime.
Alors que les mouvements de Résistance (intérieure et expatriés en Angleterre) s’organisent d’abord et essentiellement par pays, une campagne de propagande « européenne » est lancée au cours de l’année 1941. Dès janvier, la section belge de la BBC, encourage ses compatriotes à tracer des V - comme Victoire en français et Vrijheid c’est-à dire Liberté en flamand - partout en Belgique, très vite, relayées par les ondes « françaises ». Les V (tracés sur les murs ou les autos, figurés avec les doigts, etc.) commencent à se répandre dans le Royaume, mais aussi en Hollande, en France puis enfin dans le reste de l'Europe, devenant l’un des symboles de la Résistance.
Un symbole que reprend l’affiche Chefs des nations alliées dont le quartier général est en Grande-Bretagne ici étudiée, qui, traduite en différentes langues est clandestinement diffusée et placardée dans la plupart des pays occupés. À la fois « pédagogique » et politique, cette image insiste sur la communauté de destins des pays occupés. Elle joue de ce fait un rôle non négligeable dans l’essor et la consolidation de l’idée que la Résistance est un même combat partagé entre les différentes Nations du continent.
« V » pour Victoire et Liberté
Cette affiche est donc composée autour du fameux « V ». À l’arrière plan, la ville de Londres est figurée par une illustration qui fait voir ses plus célèbres monuments : la cathédrale Saint-Paul (à droite), Big Ben, Westminster et, semble-t-il, le Tower Bridge (à gauche).
C’est en effet bien à Londres (comme le rappelle le texte en bas de l’affiche) que sont réunis les « Chefs des nations alliées ». Autant de « chefs » dont les portraits sous-titrés des noms de chacun sont disposés à l’intérieur du V imposant qui occupe le centre de l’image.
On peut donc identifier le roi Pierre II de Yougoslavie (en bas du triangle), juvénile et souriant, chef du gouvernement yougoslave en exil, installé à Londres en 1941. Le roi George II des Héllènes, chef du gouvernement grec en exil depuis 1941. La Grande-Duchesse Charlotte de Luxembourg, installée à Londres en août 1940. Le Général de Gaulle, chef des forces françaises libres à Londres depuis juin 1940. Particulièrement grave, presque sévère, le général Wladyslaw Sikorski, chef des Polonais Libres (force de 100 000 combattants) installé à Londres depuis août 1940. Édouard Bénès, ancien président de la république et président du gouvernement provisoire tchécoslovaque, en exil à Londres depuis juillet 1940. Le roi Haakon VII de Norvège, chef du gouvernement en exil depuis juin 1940. Hubert Pierlot, premier ministre de la Belgique lors de l’invasion allemande et par la suite chef du gouvernement en exil depuis 1940. Et enfin la Reine Wilhelmine des Pays-Bas, chef du gouvernement néerlandais en exil depuis mai 1940.
Une affiche pédagogique et politique
Du fait de la diversité des pays (du Luxembourg à la France) et des rôles très différents qu’ils jouent effectivement dans les réseaux de résistance, les « chefs » représentés ici ont un poids et une importance historique très variable. Néanmoins ils ont tous la même fonction en 1941, qui consiste à incarner une figure (d’où l’importance du portrait) de leur nation restée « libre » en refusant de collaborer avec les occupants nazis.
Diffusée à Londres mais aussi dans les pays occupés dont ils sont issus, cette affiche a donc une forte fonction politique. Aux yeux du monde et surtout de leurs concitoyens (expatriés ou restés au pays), cette série de portraits apporte une double légitimation par l’image : celle de leur rôle de chef de gouvernement et celle de ces mêmes gouvernements, validant ainsi leur statut de « chefs des nations ». En personnifiant un pouvoir en exil et donc lointain, cette affiche fournit par là même des images et des symboles aux résistances nationales et ce, quel que soient les implications effective de ces « chefs ». À travers ces figures civiles, militaires ou couronnées qui assurent une forme de continuité avec le passé d’avant l’invasion, les différents pays restent donc « eux-mêmes » à Londres, indépendants et libres.
L’affiche a aussi une fonction pédagogique. Elle indique aux citoyens européens qui l’ignoreraient quels sont les représentants « légitimes » des différentes nations. Elle montre surtout que chaque pays envahi a gardé un gouvernement propre qui n’entend pas se soumettre à l’Allemagne nazie. De cette communauté de destins, peut émerger l’idée que la résistance est et doit être envisagée à l’échelle continentale, au moins idéologiquement.
Ainsi exploité par l’affiche, le « V » déjà célèbre au moment de sa diffusion permet de lancer un message d’espoir et de combat. À partir du dernier foyer non occupé (Londres, fière et ensoleillée), la reconquête est possible. Cette affiche souligne aussi (de manière presque mécanique, d’abord visuelle et picturale) que l’unité est nécessaire : on constate en effet qu’il faut associer et réunir tous ces « chefs » (leurs pays et leurs forces) pour faire un V, remporter la victoire et retrouver une liberté pleine et entière.
AGLAN Alya, « Pour une approche transnationale des mouvements clandestins de résistance », Bulletin de l’Institut Pierre-Renouvin, no 38, 2013, p. 69-80.
AZÉMA Jean-Pierre, Nouvelle histoire de la France contemporaine. XIV : De Munich à la Libération (1938-1944), Paris, Le Seuil, coll. « Points : histoire » (no 114), 1979.
BROCHE François, CAÏTUCOLI Georges, MURACCIOLE Jean-François (dir.), Dictionnaire de la France libre, Paris, Robert Laffont, coll. « Bouquins », 2010.
DE GAULLE Charles, Mémoires de guerre. I : L’appel (1940-1942), Paris, Plon, 1954.
MARCOT François (dir.), Dictionnaire historique de la Résistance : résistance intérieure et France libre, Paris, Robert Laffont, coll. « Bouquins », 2006.
MURACCIOLE Jean-François, Histoire de la France libre, Paris, Presses universitaires de France, coll. « Que sais-je ? » (no 1 078), 1996.
Alexandre SUMPF, « Londres, capitale de la résistance européenne », Histoire par l'image [en ligne], consulté le 21/11/2024. URL : https://histoire-image.org/etudes/londres-capitale-resistance-europeenne
Lien à été copié
Découvrez nos études
La place du texte dans les affiches électorales
L’Union sacrée initiée par le président Poincaré à la déclaration de guerre, en août 1914, éclate au cours du…
L'application des 8 heures
La limitation de la durée de la journée de travail à 8 heures constitue l’une des revendications majeures du monde du travail…
Les Forces françaises de l'intérieur (F.F.I.)
La guerre est presque gagnée, la France est libérée en grande partie, l’ennemi nazi est à terre, son empire parti en…
La Fortune des Trois Mousquetaires d’Alexandre Dumas père
Au début des années 1840, Alexandre Dumas (père), né en 1802, règne déjà sur la scène littéraire…
Afficher le risque radioactif dans l’industrie nucléaire des années soixante
Au début des années soixante, le Commissariat à l’Energie Atomique (CEA) exploite, dans le centre nucléaire de Marcoule (département du Gard), la…
Londres, capitale de la résistance européenne
De septembre 1939 à juin 1941, l’Allemagne nazie accumule les succès militaires en Europe. La Pologne, le Danemark, la…
Angoulême : le festival de la bande dessinée
Après Hugo Pratt, auteur de l’affiche du premier salon en 1974, André Franquin…
Les spectacles et la mode de la culture russe en France
Opposées lors de l’épopée napoléonienne ou, plus tard, durant la guerre de Crimée (1854-1856), la France et la…
Droit au cœur : de quelques représentations d’escrimeuses
En 1894, dans l’amphithéâtre de la Sorbonne, se tient le Congrès international pour le rétablissement des Jeux olympiques au…
Ajouter un commentaire
Mentions d’information prioritaires RGPD
Vos données sont sont destinées à la RmnGP, qui en est le responsable de traitement. Elles sont recueillies pour traiter votre demande. Les données obligatoires vous sont signalées sur le formulaire par astérisque. L’accès aux données est strictement limité aux collaborateurs de la RmnGP en charge du traitement de votre demande. Conformément au Règlement européen n°2016/679/UE du 27 avril 2016 sur la protection des données personnelles et à la loi « informatique et libertés » du 6 janvier 1978 modifiée, vous bénéficiez d’un droit d’accès, de rectification, d’effacement, de portabilité et de limitation du traitement des donnés vous concernant ainsi que du droit de communiquer des directives sur le sort de vos données après votre mort. Vous avez également la possibilité de vous opposer au traitement des données vous concernant. Vous pouvez, exercer vos droits en contactant notre Délégué à la protection des données (DPO) au moyen de notre formulaire en ligne ( https://www.grandpalais.fr/fr/form/rgpd) ou par e-mail à l’adresse suivante : dpo@rmngp.fr. Pour en savoir plus, nous vous invitons à consulter notre politique de protection des données disponible ici en copiant et en collant ce lien : https://www.grandpalais.fr/fr/politique-de-protection-des-donnees-caractere-personnel