Victor Hugo assis, la main gauche à la tempe.
Victor Hugo écoutant Dieu.
Victor Hugo assis, la main gauche à la tempe.
Auteur : HUGO Charles
Lieu de conservation : musée d’Orsay (Paris)
site web
Date de création : 1853
Date représentée : 1853-1855
H. : 95 cm
L. : 67 cm
Epreuve sur papier salé à partir d'un négatif verre au collodion
Domaine : Photographies
© Photo RMN - Grand Palais - H. Lewandowski
98CE1888/Pho1986-123-103
Victor Hugo artisan de sa légende
Date de publication : Décembre 2006
Auteur : Stéphanie CABANNE
L’« écrivain-roi »
Depuis l’Antiquité, la représentation de l’écrivain ou du poète a mis en avant son importance dans la société et illustré ses modes d’inspiration, la plupart du temps d’origine divine. Cette tradition s’enrichit considérablement à l’époque romantique où s’impose le thème du « sacre de l’écrivain » à l’exemple de Chateaubriand. Désormais le poète doué d’une aura d’essence presque divine est représenté de manière plus ou moins académique et investi d’un rôle d’éclaireur auprès de ses contemporains.
L’âme du poète
Par la photographie, technique dont il est l’un des premiers à pressentir les possibilités, Hugo renouvelle sa propre image. Ses portraits de jeunesse (1) l’ont montré en jeune homme romantique et lisse ; les photographies prises durant les premières années de l’exil apportent une dimension humaine, charnelle, et une dose d’expressivité inédites jusqu’alors.
Victor Hugo assis, la main gauche à la tempe (1853-1855)
Réalisé par Charles Hugo, ce portrait de son père illustre la profonde symbiose qui existait entre eux. Comme dans nombre de ses photographies, Victor Hugo est montré dans une position frontale qui s’insère dans un format vertical. Il choisit une mise et une expression sévères. La main à la tempe reproduit l’attitude traditionnelle du penseur et symbolise son activité intellectuelle. Déjà adoptée pour orner le frontispice des Odes et Ballades en 1829, elle gagne encore ici en intensité et en force grâce aux contrastes d’ombre et de lumière qui soulignent l’importance du front, siège de l’intellect, du regard scrutateur, et révèlent la concentration du personnage. Mais les yeux braqués sur le spectateur ajoutent à l’image une dimension combative. Depuis l’exil, Hugo interpelle ses concitoyens, leur prouve qu’il ne renonce pas au combat et les invite à faire cause commune avec lui contre les injustices sociales, la peine de mort, etc.
Victor Hugo écoutant Dieu (1853-1854)
Écrivain et familier de Hugo depuis 1826 (2), Auguste Vacquerie réalise une série de photographies qui révèlent une approche esthétique. Amateur de peinture, il opte, sur le plan technique, pour l’utilisation du négatif papier, qui donne à l’image un contour plus moelleux et plus vague. Travaillant sur des formats très réduits, il recherche moins l’étrangeté et le spectaculaire qu’une harmonieuse poésie.
« Victor Hugo écoutant Dieu » est un titre aléatoire, qui traduit une inscription dont Victor Hugo a légendé une des épreuves connues, « Oyendo a Dios ». Vacquerie lui-même a par ailleurs légendé cette photographie « Victor Hugo écoutant Phèdre », allusion aux séances de lecture de Racine qui avaient lieu à Jersey.
Manifestement, au-delà de l’évocation d’un moment de vie, cette représentation éloquente est censée revêtir une signification universelle, celle de la communion entre Dieu et l’esprit supérieur de l’écrivain qui reçoit de lui inspiration et parole de vérité. Ce moment hors du temps est fixé avec une grande sobriété, la silhouette massive du poète se détachant sur un mur auréolé de lumière.
Le renouvellement de la vision
L’un et l’autre de ces portraits concourent à un objectif commun, la métamorphose d’Hugo exilé en une figure légendaire. Ils ont en commun la modernité de leur vision et l’absence d’artifices de décor ou vestimentaires. Seules la pose et l’utilisation habile de la lumière apportent la stylisation nécessaire à la création d’une image type. Ce ne sont pas des mémoires d’exil qui sont rapportés, mais des instants où le poète est saisi dans son essence, conformément à la tradition iconographique. Néanmoins, si les poses éveillent des souvenirs collectifs se rapportant à la figure du poète inspiré et du penseur, le recours à la photographie renouvelle le genre en apportant un ton direct. L’image, rompant avec tout académisme, s’avère plus efficace.
Par la suite, les portraits de l’écrivain s’avéreront moins intenses et moins impérieux que pour ces années d’exil ; ils resteront néanmoins empreints de la même maturité esthétique, de la même solennité, et véhiculeront les mêmes idées de profondeur, d’énergie et d’intransigeance.
Paul BENICHOU Le Sacre de l’écrivain, 1750-1830 : essai sur l'avènement d'un pouvoir spirituel laïque dans la France moderne Paris Gallimard, nouv. éd. 1996.
Sophie GROSSIORD Victor Hugo, « et s’il n’en reste qu’un… » Paris, Gallimard coll. « Découvertes », 1998.
Victor HUGO Les Châtiments rééd. Paris, Hachette, 1998.
Adèle HUGO Le Journal d’Adèle Hugo Paris, Lettres modernes, Minard, 1968-1984.
Adèle HUGO Victor Hugo raconté par Adèle Hugo Paris, Plon, 1985.
Hubert JUIN Victor Hugo 3 vol., Paris, Flammarion, 1992.
La Gloire de Victor Hugo catalogue de l’exposition, Galeries nationales du Grand Palais, 1985-1986, Paris, RMN, 1985.
En collaboration avec le soleil. Victor Hugo, photographies de l’exil catalogue de l’exposition, Paris, Musée d’Orsay-Maison de Victor Hugo, 1998.
1. Voir par exemple les portraits réalisés par le peintre Devéria, les sculpteurs David d'Angers et Jean Duseigneur.
2. Le frère d'Auguste Vacquerie avait épousé Léopoldine. La mort tragique du couple en 1843 a resserré les liens avec la famille Hugo, chez qui Auguste habite durant ses années d'exil.
Stéphanie CABANNE, « Victor Hugo artisan de sa légende », Histoire par l'image [en ligne], consulté le 21/11/2024. URL : https://histoire-image.org/etudes/victor-hugo-artisan-sa-legende
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