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Les Souverains

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Le Retour au XVIIIe siècle

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La Vache récalcitrante

La Vache récalcitrante

Les Souverains

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Date représentée :

Estampe en couleurs

Domaine : Estampes-Gravures

© RMN-Grand Palais (domaine de Compiègne) / Gérard Blot

Lien vers l'image

CMV 1648 - 99-005994

Les Embarras de la circulation

Date de publication : Septembre 2005

Auteur : Alain GALOIN

Les difficultés et les nuisances de la circulation dans les grandes villes ne constituent pas un problème spécifique à notre époque. Pendant l’Antiquité, Juvénal (v. 55-v. 140) soulignait déjà les risques mortels que courait un piéton dans les rues boueuses et encombrées de Rome, alors qu’au Ier siècle avant notre ère, Jules César avait promulgué une ordonnance interdisant les chariots la nuit dans la capitale de l’Empire romain pour supprimer les nuisances nocturnes. Au XVIIe siècle, les embarras de Paris nourrissent l’inspiration des poètes. « Carrosses, chevaux et grand bruit, c’est là Paris », écrit Paul Scarron (1610-1660). Nicolas Boileau (1636-1711), l’auteur des Satires, insiste sur le bruit, l’insalubrité et l’insécurité qui règnent dans les rues étroites de la capitale. Ainsi, c’est à la faveur d’un embouteillage que Ravaillac réussit à assassiner le roi Henri IV dans son carrosse le 14 mai 1610, rue de la Ferronnerie.

Contemporain de Boileau, Blaise Pascal (1623-1662) tenta de remédier aux difficultés de circulation dans Paris en développant des transports en commun peu onéreux : en 1662, avec son ami le duc de Roannez, il fonda une entreprise de carrosses publics, les « carrosses à cinq sols », qui connurent un rapide succès mais dont l’accès était interdit aux « soldats, pages, laquais et autres gens de bras ». Cinq lignes fixes furent exploitées, mais, de moins en moins rentable, l’entreprise dut fermer ses portes en 1679. L’anarchie la plus complète continua donc à régner dans la capitale où les malheureux piétons tentaient de se frayer un chemin dans les encombrements de charrettes, voitures à bras, litières, « vinaigrettes », carrosses et autres fiacres, et dans le bruit fracassant des omnibus hippomobiles puis automobiles, des tramways à traction chevaline, à vapeur ou électriques. À la fin du XIXe siècle, et ce malgré les progrès de la circulation résultant de l’haussmannisation de Paris et des grandes villes, la cohabitation des moyens de transport hippomobiles traditionnels avec les premières automobiles contribua encore à accroître les difficultés de circulation.

Les embarras de la circulation ont très tôt nourri l’inspiration des écrivains et, dès la fin du XIXe siècle, ils constituent un thème de prédilection pour les caricaturistes, peintres et lithographes.

La gravure d’Auguste Roubille intitulée Les Souverains représente ainsi d’illustres automobilistes pris dans un embouteillage. On peut reconnaître parmi ceux-ci les rois Léopold II de Belgique, Édouard VII d’Angleterre ou encore le shah de Perse. Ils trônent fièrement dans leurs coûteuses voitures découvertes qui n’avancent que fort lentement en dégageant des vapeurs nauséabondes. Le meilleur moyen pour se faufiler dans ces encombrements est encore, comme le fait le tsar Nicolas II, de prendre la motocyclette, qui se meut avec aisance au premier plan.

La caricature de Célos, quant à elle, est fondée sur un anachronisme. Une automobile du début du XXe siècle fait irruption dans un décor urbain du XVIIIe siècle et sème la panique parmi les citadins. C’est le choc de deux mondes : celui du moteur à explosion et celui de la chaise à porteurs. Le visage mangé par de grosses lunettes de protection, les occupants de l’automobile semblent venir d’une autre planète, comparés aux laquais en livrée et à la noble dame à la coiffure poudrée.

La lithographie humoristique de Georges Redon oppose elle aussi deux univers, contemporains l’un de l’autre cette fois, mais apparemment antagonistes : la technologie et ses rapides progrès en ce début du XXe siècle, et un monde rural qui obéit aux rythmes lents de la nature. La voiturette à moteur, conduite par un chauffeur inattentif, est lancée à vive allure et va heurter une vache plantée au milieu de la route, qui refuse obstinément d’en bouger en dépit des efforts de sa maîtresse qui la tire. Le contraste saisissant entre l’accoutrement surréaliste des occupants du véhicule et la simplicité fruste du costume de la paysanne accentue encore l’opposition entre ces deux mondes.

Sans remonter jusqu’à l’Antiquité où il existait déjà des règles de circulation, les souverains édictèrent des textes comme cette Lettre patente sur la circulation signée par Henri IV en 1607. De 1607 à 1851, nombreux furent les décrets et les ordonnances qui la réglementèrent de près ou de loin. La loi du 30 mai 1851 sur la police des roulages et des messageries publiques ainsi que les premières règles relatives au croisement et au dépassement des véhicules, datées du 10 août 1852, peuvent être considérées comme les ancêtres de notre code de la route.

Dernières venues sur la voie publique, les automobiles provoquèrent un sentiment hostile : elles étaient jugées responsables de tous les encombrements et de tous les accidents. Le décret du 10 mars 1899 fut le premier à réglementer la circulation des automobiles en limitant leur vitesse à 20 kilomètre/heure dans les agglomérations, à 30 dans les campagnes. En 1908, le président du Congrès du tourisme international suggérait de « canaliser les voitures sur leur droite afin d’éviter les doubles et triples entrecroisements si dangereux pour les piétons ».

Devant la répétition des collisions aux carrefours de Paris, le préfet Lépine fit adopter la priorité à droite en 1910 et, en 1922, un premier feu rouge fut installé au croisement de la rue de Rivoli et du boulevard de Sébastopol. Vers 1907-1908, l’Association générale automobile élabora des panneaux de signalisation destinés à prévenir les conducteurs des dangers auxquels il convenait de prendre garde. Ces premiers panneaux étaient au nombre de quinze et furent fabriqués et offerts par la firme Michelin, qui réalisa ainsi une belle opération publicitaire. Néanmoins, il faudra attendre 1949 pour qu’une normalisation européenne de la signalétique routière voie le jour, et 1958 pour que, eu égard à l’accroissement considérable de la circulation automobile, le code de la route qui nous régit aujourd’hui soit mis en forme et appliqué.

Bertrand GALIMARD FLAVIGNY, Pas plus de 30 à l’heure ! Les débuts de la circulation automobile, in Historia, 1984, numéro spécial 449 bis L’Automobile a 100 ans, 1884-1984.

LE CORBUSIER, Sur les quatre routes, Paris, Gallimard, 1941.

Michel ROCHE, La Conduite des automobiles, Paris, P.U.F., 1980.

Alain GALOIN, « Les Embarras de la circulation », Histoire par l'image [en ligne], consulté le 25/11/2024. URL : https://histoire-image.org/etudes/embarras-circulation

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