L'Incendie de l'opéra au Palais-Royal : vue de l'opéra en flammes
L'Incendie de l'opéra au Palais-Royal en 1781
L'Incendie de l'opéra au Palais-Royal : vue de l'opéra en flammes
Auteur : ROBERT Hubert
Lieu de conservation : bibliothèque-musée de l’Opéra (Paris)
site web
Date de création : 1781
Date représentée : 8 juin 1781
H. : 30 cm
L. : 22 cm
huile sur toile
Domaine : Peintures
© BnF, dist. RMN - Grand Palais / image BnF
12-598622 / MUSEE 182 (1)
L’incendie de l’opéra du Palais-Royal
Date de publication : Décembre 2016
Auteur : Stéphane BLOND
Le chroniqueur de la capitale
À travers plusieurs tableaux, l’artiste Hubert Robert immortalise l’incendie de l’Opéra du Palais-Royal le 8 juin 1781. Témoin direct de cette catastrophe, il réalise une restitution artistique qui mérite d’être rapprochée d’autres toiles que nous lui devons, comme l’Incendie de Rome (1771 et 1785), ou l’Incendie de l’hôtel Dieu de Paris (1772).
Le désastre intervient à 20h30, probablement après l’embrasement du décor, après une représentation d’Orphée, la pièce de Gluck jouée dans cette même salle depuis 1774. Cet évènement fait suite à un cataclysme similaire qui touche la première salle parisienne le 6 avril 1763. Le nouvel opéra est inauguré en 1770, selon les plans de l’architecte Pierre-Louis Moreau, bien connu d’Hubert Robert, car il fut comme lui pensionnaire de l’Académie de France à Rome. L’établissement qui accueille les représentations de l’Académie royale de Musique est construit sur le côté est du Palais-Royal, à l’emplacement de l’actuelle rue de Valois.
Ébauchées in situ à quelques heures de décalage, ces deux représentations verticales sont complémentaires l’une de l’autre. La vue nocturne correspond à une esquisse sur panneau pour une toile de grande taille aujourd’hui conservée dans une collection particulière. La vue diurne est quant à elle la version mise au net d’une seconde esquisse préparatoire. Enfin, une troisième interprétation, réalisée en longueur (84,5 cm sur 114 cm) est conservée au Musée Carnavalet. Sur cette dernière, le désastre est perçu depuis les jardins du Palais-Royal où une foule s’assemble pour contempler un gigantesque panache de fumée noire.
Les tristes spectacles de la ville
Malgré leur complémentarité, les deux toiles surprennent par les contrastes qu’elles offrent. Une fois de plus, le voyage en Italie marque profondément l’œuvre d’Hubert Robert qui excelle dans la représentation des ruines urbaines, avec des jeux de couleurs et de lumières qui orientent le regard du spectateur sur certaines parties du tableau. La vue nocturne, pendant l’incendie, constitue une scène sombre où le spectacle est observé à distance. À l’inverse, la vue diurne, à la fin du sinistre, marque le retour de la lumière, tandis que le spectateur est conduit au plus près du drame qui se joue.
La réalisation de l’esquisse nocturne se déroule en direct, le soir du 8 juin 1781. Agréé et reçu en 1766 comme « peintre d’architecture » au sein de l’Académie royale de peinture et sculpture, Hubert Robert y possède depuis 1778 l’ancien logement occupé par le sculpteur Jean-Baptiste Lemoyne au sein de la Grande Galerie du Louvre. Probablement alerté du désastre en cours, c’est depuis une aile de ce palais qu’il saisit l’événement. Le sinistre est observé à travers une large arcade comprenant des personnages juchés sur le parapet d’une croisée ou sur une échelle comme dans la version définitive. Cette technique qui concentre le regard exploite une mise en scène régulièrement utilisée par l’artiste, comme dans son interprétation de l’incendie de la Rome impériale, où le foyer est perçu à travers l’arche d’un pont de pierre. Le drame est traité à distance, mais le point de vue est saisissant, sans négliger la puissance destructrice qui enflamme le ciel de la capitale à la manière d’une éruption volcanique.
Sur le second tableau, le peintre est désormais au plus près de la catastrophe, dans l’axe de l’ancienne scène de l’Opéra. La toiture et les différents planchers se sont effondrés. Les murs dénudés donnent aux vestiges la physionomie d’une église en ruine à l’intérieur de laquelle des silhouettes curieuses assistent au triste spectacle. Cette atmosphère empreinte de désolation et d’horreur est renforcée par des plans pris sur le vif. Plusieurs groupes de pompiers contiennent le brasier à l’aide de lances à eau. Au premier plan, quatre personnages placés dans la lumière face à l’observateur animent une scène macabre, avec deux brancardiers qui emportent un corps, suivis par une femme et une fille en pleurs. Il s’agit vraisemblablement de l’une des onze victimes à déplorer parmi le personnel l’établissement. Hubert Robert s’attache à retranscrire un moment vécu dont le caractère criant de réalisme a suscité quelques critiques.
Les multiples dangers de la ville
Hubert Robert voue une véritable passion pour l’espace urbain qui revient régulièrement dans son œuvre, depuis les représentations de Rome, sujet d’étude par excellence, jusqu’aux vues de Paris, une source d’inspiration pratiquement inépuisable depuis son retour en France en 1765. En peignant les soubresauts quotidiens de l’Histoire, l’artiste sert l’historien, grâce à ses vues réalistes d’édifices disparus qui constituent de véritables sources archéologiques. Alexis Merle du Bourg observe « que la ville accède, chez cet émule de Piranèse, au statut de véritable personnage qui peut, le cas échéant, basculer dans la sphère paroxystique du sublime ». Cette référence à l’esthétique du Sublime correspond à la réflexion philosophique et artistique du moment. Dans la lignée des travaux d’Edmund Burke, le traitement de l’incendie de l’Opéra participe à la figuration d’événements tragiques, sans occulter la beauté des monuments, ni la mélancolie et l’émotion qu’ils peuvent procurer.
Avec cet épisode, nul besoin pour l’artiste de forcer le destin en imaginant une scène ruinée, car la triste réalité du quotidien urbain offre un sujet de premier choix. Ses tableaux insistent donc sur les dangers de la ville moderne où l’entassement et la promiscuité sont la source de nombreux drames : incendies, effondrements, pollutions, etc. En réponse à la diffusion des idées hygiénistes, la politique édilitaire en profite pour ouvrir l’espace, comme deux autres toiles d’Hubert Robert le démontrent : la Démolition des maisons du pont Notre-Dame (1786) et la Démolition des maisons du Pont-au-Change (1788). Si l’incendie est rapidement maîtrisé, empêchant sa propagation aux immeubles environnants, l’emplacement est abandonné, car jugé trop dangereux. En quelques semaines, un nouvel Opéra est ouvert dans un espace moins urbanisé, à proximité de la porte Saint-Martin.
Dès le début, le destin des deux tableaux verticaux est intimement lié, l’un constituant le pendant de l’autre. Exposés au Salon de 1781 sous la cote 94, ils reçoivent un accueil peu enthousiaste, alors que la réputation d’Hubert Robert n’est plus à faire. Les Mémoires secrets indiquent que les deux toiles sont acquises par le banquier Jean Girardot de Marigny, grand collectionneur d’art et protecteur de Joseph Vernet, pour la somme de 100 louis l’unité. Au XXe siècle, elles sont séparées au gré de ventes successives. La vue prise de l’intérieur de l’Opéra connaît de multiples pérégrinations et circule en Allemagne pendant la Seconde Guerre mondiale. En 1950, elle intègre le Musée du Louvre au titre des récupérations d’œuvres d’art. La vue nocturne refait surface en 2010 lors d’une vente publique, alors que les deux esquisses au format réduit sont conservées à la Bibliothèque-Musée de l’Opéra de Paris.
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Stéphane BLOND, « L’incendie de l’opéra du Palais-Royal », Histoire par l'image [en ligne], consulté le 21/11/2024. URL : https://histoire-image.org/etudes/incendie-opera-palais-royal
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