Le Souci. Pasteur
Monument à Pasteur
Le Souci. Pasteur
Auteur : LE PETIT Alfred
Lieu de conservation : musée d’Orsay (Paris)
site web
Date de création : 1889
L. : Diamètre : 24,2 cm
faïence fine, glaçure transparente, décor polychrome imprimé par transfert ; fait partie d'une série de dix assiettes intitulée Les Hommes d'aujourd'hui, éditée par la manufacture de Creil et Montereau pour l'exposition universelle de 1
Domaine : Objets
© Musée d'Orsay, dist. RMN - Grand Palais / Patrice Schmidt
09-505884 / OAO 1527 8
Pasteur, héros de la santé publique
Date de publication : Avril 2020
Auteur : Alexandre SUMPF
Un biologiste au chevet de son époque
Louis Pasteur (1822-1895) est l’un des plus grands savants du XIXe siècle, le fondateur d’une nouvelle approche du vivant, reconnu pour ses recherches fondamentales (bactéries) autant que pour leurs applications pratiques (vaccin, pasteurisation, antisepsie). Si, de son vivant, il a connu une notoriété exceptionnelle grâce à l’affaire du vaccin contre la rage, cette innovation a aussi suscité un vif débat. Alfred Le Petit, dessinateur et caricaturiste engagé dans le boulangisme, s’en est fait l’écho dans le cadre de l’Exposition universelle de Paris en 1889. Sa série de dix assiettes satiriques intitulée Les Hommes d’aujourd’hui a choisi comme personnage scientifique Louis Pasteur.
Pensionné par l’État pour certaines de ses découvertes, élu à l’Académie française en 1882, celui-ci bénéficie de funérailles nationales. Aux bustes, médailles et portraits le représentant succède un programme de mémoire officielle qui passe par le baptême de rues (plus tard, de bâtiments) et l’érection de monuments. Alexandre Falguière s’est vu confier celui qui devait le célébrer à Paris, financé par une souscription nationale. Habitué des commandes publiques, célèbre pour avoir été choisi en catastrophe pour composer le monument à Balzac après le rejet du projet d’Auguste Rodin (1898), le sculpteur a livré là son principal projet avec la statue de Léon Gambetta à Cahors (1884) et celle de La Fayette à Washington (1891). Cependant, il est décédé avant la réalisation de l’ensemble sculpté, et c’est d’après ses travaux préparatoires que son collaborateur Victor Peter (1848-1918) l’a achevé.
Entre polémique et honneurs
La série de Le Petit s’achève par une assiette intitulée Le Jardinier et consacrée… au caricaturiste lui-même. En effet, il a attribué à chaque personnage un végétal censé lui correspondre : la plante est nommée en lettres gothiques, le nom en cursive moderne. Pasteur a pour emblème le souci, petite fleur commune orangée qui a des vertus thérapeutiques. Si, sur les autres assiettes, l’humain et le floral ne font qu’un, ici, la plante surplombe le personnage, tenue tel un dais par deux squelettes hilares. Derrière eux, une nuée de squelettes se fond dans l’infini de la perspective. Au centre, à moitié assis, un Pasteur songeur, tout de noir vêtu et l’œil morne, se tient la barbe en signe d’inquiétude. Le Petit joue en effet avec les mots dans le quatrain rimé qui légende le dessin :« À nous préserver de la rageCe savant a-t-il réussi.Je ne sais, mais ses morts, je gageChargent son front d’un gros souci. »
Le monument à Pasteur est un ensemble sculpté en marbre surmonté d’une statue du biologiste. Assis dans une sorte de toge ample, rien n’indique son statut de scientifique ; son visage sévère ne rappelle guère les portraits connus de lui. Heureusement, son nom figure sur le socle avec ses dates de naissance et de mort, et l’indication « souscription nationale ». Plus bas, un programme sculpté complet fait le tour de l’apport du Jurassien à l’humanité. À ses pieds, une Mort avec sa faux quitte un couple de femmes : une mourante et sa mère coiffée d’un voile de deuil. La Mort (figurée par un crâne) tourne son visage vers le haut (donc Pasteur) avec un rictus de haine : il a déjoué ses plans. Dans le sens des aiguilles d’une montre, se succèdent un berger et ses moutons, des bœufs et leur bouvier, et une paysanne assise dans une vigne. Ce sont des allusions aux travaux sur le chancre du mouton, la vaccination et la pasteurisation du vin (et de la bière).
La science incarnée
Dans la série de Le Petit, Pasteur fait partie des personnages attaqués comme Jules Ferry (La Carotte) et Jules Grévy (La Violette). D’autres sont moqués, comme Louise Michel (Le Coquelicot, l’amour du rouge) et Ferdinand de Lesseps (Le Poireau) ou encensés comme Alphonse Daudet (La Pensée) et Henri de Rochefort (L’Épine-Vinette, qui embroche Ferry).
Contre la pensée officielle qui encense le scientifique, Le Petit insiste sur les essais manqués de Pasteur dans ses recherches sur la rage. Il met en doute le bien-fondé de la démarche scientifique, qui a consisté dans ce cas précis moins à élaborer un vaccin qu’à guérir des personnes infectées. Cette image est passionnante, parce qu’elle fut sans doute l’une des dernières « charges » contre le scientifique, dont on ne pourra plus remettre en cause l’héritage et la figure. En 1892, son soixante-dixième anniversaire fut fêté en grande pompe à la Sorbonne et une médaille fondue pour financer la construction de l’Institut Pasteur (fondé comme institution en 1887). Dès 1900, sa statue trône dans la cour d’honneur de la Sorbonne, où il garde l’entrée de la chapelle de concert avec Victor Hugo.
C’est également une souscription nationale, qui rencontra un beau succès, qui permit aux amis de Pasteur de rassembler les fonds pour le monument inauguré en 1904. Il n’a pas été installé à proximité immédiate de l’Institut et de la future station de métro (actuelle ligne 6), mais un peu plus au nord, sur l’actuelle esplanade Chaban-Delmas, qu’il domine de sa hauteur exceptionnelle. Ce carrefour de la partie inférieure de l’avenue de Breteuil se situe dans la perspective de l’hôtel des Invalides (et donc du tombeau de Napoléon), un voisinage illustre que ne gêne aucun autre monument : Pasteur fait partie des « grands hommes ».
Le monument fait de Pasteur l’égal de François Arago et François-Vincent Raspail, dont les statues ont été inaugurées en 1893 dans le 14e arrondissement. Si ceux-ci, représentés debout, ont surtout été honorés pour leur militantisme républicain, Pasteur a frappé par son conformisme politique en 1848, 1870 ou au début de l’affaire Dreyfus. Son aura participe d’un autre registre. Premier héros scientifique national, il incarne le siècle de la révolution des sciences et du recul de la mortalité. Il fait aussi figure de bienfaiteur de l’humanité – en particulier de l’économie (bière, vin), des régions de France et des colonies. Un concours lancé en 1906 par Le Petit Parisien le classe devant Hugo, Gambetta et Napoléon : il réussit le tour de force de faire l’unanimité nationale.
HARGROVE June Ellen, Les statues de Paris : la représentation des grands hommes dans les rues et sur les places de Paris, Anvers, fonds Mercator / Paris, Albin Michel, 1989.
LATOUR Bruno, Pasteur : une science, un style, un siècle, Paris, Perrin / Institut Pasteur, 1994.
MOULIN Anne-Marie (dir.), L’aventure de la vaccination, Paris, Fayard, coll. « Penser la médecine », 1996.
SALOMON-BAYET Claire, « La gloire de Pasteur », Romantisme, no 100, 1998, p. 159-169.
Alexandre SUMPF, « Pasteur, héros de la santé publique », Histoire par l'image [en ligne], consulté le 21/11/2024. URL : https://histoire-image.org/etudes/pasteur-heros-sante-publique
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