l'abolition de l'esclavage par la Convention, le 16 pluviôse an II / 4 février 1794.
Décret d'abolition de l'Esclavage, 16 pluviôse an II / 4 février 1794.
Moi égale à toi, moi libre aussi
Moi libre aussi.
l'abolition de l'esclavage par la Convention, le 16 pluviôse an II / 4 février 1794.
Auteur : MONSIAU Nicolas André
Lieu de conservation : musée Carnavalet – Histoire de Paris (Paris)
site web
Date de création : 1794
Date représentée : 04 février 1794. Date révolutionnaire : 16 pluviôse an II
H. : 24 cm
L. : 32 cm
Dessin à la plume rehaussé de gouache.
Domaine : Dessins
© Photo RMN - Grand Palais - Bulloz
04-508306 EE
La première abolition de l'esclavage en 1794
Date de publication : Octobre 2006
Auteur : Luce-Marie ALBIGÈS
La situation des colonies en 1794
Si les théories humanitaires des philosophes sont largement diffusées, notamment par la Société des Amis des Noirs, à Paris, la Révolution ne prend pas d’emblée position en faveur de l’abolition de l’esclavage. L’Assemblée constituante, influencée par le lobby des colons maintient l’esclavage aux colonies en 1791. La Législative accorde des droits aux hommes de couleur libres, en 1792. La Convention s’occupe peu des colonies et des révoltes que soulèvent le maintien de la traite et de l’esclavage. Sur l’intervention de l’Abbé Grégoire, elle se borne à supprimer, le 27 juillet 1793, les primes prévues par la législation royale par tonneau de jauge des navires négriers. Car l’exploitation des ressources coloniales constitue un enjeu économique majeur. Les partisans des colons qui ont infiltré les Jacobins continuent à dissuader l’assemblée de toute mesure susceptible de déstabiliser la situation aux colonies.
Les nouvelles des colonies, que la guerre sur mer les rend plus difficiles et plus rares encore, ne parviennent à Paris qu’avec des délais de plusieurs semaines, entrecoupés de longs silences. Ainsi, la proclamation de l’abolition de l’esclavage à Saint-Domingue, le 29 août 1793 n’est connue à Paris qu’en octobre.
L’arrivée de trois députés de Saint-Domingue, Jean-Baptiste Belley, le noir, Jean-Baptiste Mills, le mulâtre et Louis-Pierre Dufay, le blanc envoyés par Sonthonax, commissaire à Saint-Domingue constitue un événement spectaculaire et une source d’information pour la Convention. A travers le récit des évènements des trois députés et leur volonté affichée de maintenir un lien entre la métropole et la colonie l’assemblée se fait une idée de la situation aux Antilles. Confrontée à la guerre, ne disposant guère de moyens pour agir aux colonies, la Convention montagnarde soutient Sonthonax en proclamant l’abolition de l’esclavage, de façon à mobiliser les populations contre les Anglais qui envahissent les colonies. Danton déclare « Maintenant l’Angleterre est perdue ».
Dessin de Monsiau
Le dessin rend compte de l’effervescence et de la liesse suscitées par la décision de la Convention : l’abolition totale de l’esclavage que l’on pensait ne pouvoir supprimer que de façon graduelle provoque une divine surprise. L’assemblée siège au château des Tuileries. Le président ouvre les bras, sans doute à Dufay qui vient de prendre la parole, suivi de Belley et Mills. Sur l’estrade est assise une femme noire, qu’on disait âgée de cent quatorze ans. Devant le bureau se pressent de nombreux Noirs de tous âges, on aperçoit les hautes coiffures de signares, jeunes femmes métisses de haut rang, originaires de Saint-Louis du Sénégal. Les nouveaux citoyens de couleur portent des vêtements peu vraisemblables en plein hiver parisien. Est-ce pour l’artiste la reconnaissance d’une culture « selon la Nature » chez ces hommes considérés désormais comme égaux ?
L’abolition de l’esclavage par la Convention
Avec concision, le décret du 16 pluviôse an II/ 4 février 1794 abolit l’esclavage des nègres dans toutes les colonies ; il confère la qualité de citoyen français à tous les hommes, domiciliés dans la colonie, sans distinction de couleur; il affirme que ceux-ci jouiront des droits assurés par la Constitution. Implicitement, la traite est abolie.
Le député Lacroix (d’Eure-et-Loir) a demandé que l’Assemblée ne se déshonore pas par une discussion. Le texte rédigé par lui est voté, à l’unanimité, par acclamation. Danton déclare qu’avec ce décret l’assemblée proclame « la liberté universelle » mais demande que l’exécution du décret soit confiée aux comités de salut public et des colonies. Les décrets d’application ne seront jamais élaborés mais de nouveaux commissaires sont envoyés aux colonies.
« Moi égale à toi, moi libre »
Le sculpteur Simon-Louis Boizot modèle en 1794, pour la manufacture de Sèvres, un couple de Noirs libres en pied, en biscuit, céramique ni décorée ni émaillée. L’homme est coiffé du bonnet phrygien et la femme porte un collier de perles auquel est suspendu un niveau de charpentier, symbole de l’Egalité. Sur le socle est gravé « Moi égale à toi, moi libre ». Il figure ainsi la nouvelle conception mise en relief par la Convention : La Liberté et l’Egalité rapprochent les Noirs et les Blancs car tous doivent lutter contre l’oppresseur.
Gravures de Darcis
Deux gravures au pointillé, imprimées en couleurs par Louis Darcis d’après Boizot dans une bordure ronde, reprennent les mêmes symboles du bonnet phrygien pour la liberté et du niveau de charpentier, pour l’Egalité ; ils portent la mention « Moi libre aussi ».
Cette représentation est reprise par de nombreuses gravures populaires et bon marché, qui laissent supposer une forte demande de la part du public.
Un échec ?
Dans l’hiver de l’An II, la Révolution aux prises avec la guerre extérieure et intérieure et la crise des subsistances ne peut qu’entériner la décision d’abolition prise par son représentant à Saint-Domingue. Le décret du 16 pluviôse an II apparaît aux historiens comme un « rideau de fumée » qui n’a abusé que quelques sans-culottes philanthropes. Aux colonies, le bilan de l’abolition est mince.
Saint-Domingue, aux mains des esclaves, sombre dans le carnage et l’anarchie. Dix mille Blancs quittent l’île avec leurs esclaves pour aller s’installer dans les îles anglaises ou en Louisiane.
Aux Antilles, le nouveau commissaire Victor Hugues, installé à la Guadeloupe reconquise sur les Anglais, proclame l’abolition mais sans appliquer une réelle libération des esclaves qui doivent continuer à effectuer un travail « forcé » sur les plantations. Il mène une guerre de course sans réussir à reprendre les autres îles. La Martinique, prise par les Anglais, reste à l’écart de la mesure.
En Guyane toutefois, l’absence d’instructions d’application contraint les autorités à innover pour mettre en place un début de réorganisation économique et sociale.
Aux Mascareignes, où l’esclavage n’a jamais été sérieusement contesté, le décret n’est envoyé qu’en 1796. Les colons se soulèvent contre les agents du Directoire, Baco et Brunel, lorsqu’ils arrivent dans l’île, en juillet 1796, et les contraignent, à se rembarquer sans délai. L’abolition n’est pas appliquée.
Yves BENOT et Marcel DORIGNY Grégoire et la cause des Noirs APECE, Société Française d’Histoire d’Outre-Mer, Paris, 2000.
Marcel DORIGNY (Dir.) Esclavage, résistances et abolitions Paris, Editions du C.T.H.S., 1999.
Marcel DORIGNY (Dir.) Les abolitions de l’esclavage Presses Universitaires de Vincennes/UNESCO, 1995.
Guide des sources de la traite négrière, de l'esclavage et de leurs abolitions Direction des Archives de France, La documentation française, Paris, 2007.
Luce-Marie ALBIGÈS, « La première abolition de l'esclavage en 1794 », Histoire par l'image [en ligne], consulté le 21/11/2024. URL : https://histoire-image.org/etudes/premiere-abolition-esclavage-1794
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