La Bataille de Sedan - 1er septembre 1870
Le champ de bataille de Sedan. La grande rue à Bazeilles.
La Bataille de Sedan - 1er septembre 1870
Auteur : ANONYME
Lieu de conservation : musée Carnavalet – Histoire de Paris (Paris)
site web
Date de création : 1870-1871
Date représentée : 1er septembre 1870
H. : 31,6 cm
L. : 46,5 cm
Titre original : Die Schlacht bei Sedan, den 1. September 1870
Série : Der Krieg in Bildern. 1870
Éditeur : Gustav Weise.
Gravure sur bois coloriée.
Domaine : Estampes-Gravures
© CC0 Paris Musées / Musée Carnavalet - Histoire de Paris
Regards sur la bataille de Sedan ( 1er septembre 1870)
Date de publication : Août 2008
Auteur : François BOULOC
L’heure de vérité entre France et Prusse
La guerre de 1870 voit s’affronter deux armées inégalement structurées. Au cours des années 1860, la Prusse a constitué une force militaire très opérationnelle. En 1866, année de son triomphe contre l’Autriche à Sadowa, elle a ainsi été à même de mettre sur pied très rapidement une force redoutable de 750 000 hommes, s’appuyant en amont sur un service militaire universel de trois ans assorti de longues périodes de réserve. Ces troupes bien entraînées et rigoureusement encadrées ont à leur disposition des armes efficaces et modernes (canons Krupp en acier, fusils Dreysen). Dans le même temps, le Second Empire peine à réformer son organisation militaire. Suite aux succès de Bismarck en 1866, une commission dite La Valette est chargée par l’empereur de rédiger un projet de refonte du service militaire. Mais l’impopularité de tout allongement de l’appel sous les drapeaux, ainsi que de la remise en cause du tirage au sort, œuvre à vider la loi Niel (1868) de la plupart des nouveaux départs envisagés. L’artillerie est en outre vétuste, et les conceptions stratégiques déficientes ne permettent pas une utilisation optimale de nouvelles armes comme les mitrailleuses. L’état-major, plus souvent désigné par faveur qu’au nom de compétences effectives, montre au feu l’étendue de sa médiocrité et de ses carences. À Sedan, quelques heures suffisent à révéler l’ampleur du décalage militaire entre les deux nations.
La mêlée furieuse, puis les ruines
Dans les dix jours qui précèdent l’affrontement, le commandement français multiplie les atermoiements. Depuis Châlons, au gré des ordres, contre-ordres, marches et contre-marches, les soldats de Napoléon III s’épuisent à marcher sur Metz, où Bazaine est encerclé, pour finalement être déviés vers Sedan. Ayant opéré leur jonction pendant ce temps, les armées prussiennes se sont tapies dans les hauteurs des environs de la ville, ainsi que le montre la gravure, et sont parées pour une attaque d’envergure de l’ennemi par le flanc. Les combats débutent le 1er septembre tôt le matin. L’artillerie allemande utilise si parfaitement ses armes que vers 6 heures, Mac Mahon, dirigeant les armées françaises, doit céder son commandement à Ducrot après avoir été atteint d’un éclat d’obus. Au cours de la journée, face au déluge de feu qui se traduit sur l’image par d’épais nuages de fumée surmontant le champ de bataille, la déroute française devient inéluctable. Les charges aussi héroïques que désespérées de la cavalerie ne peuvent inverser le cours des choses. Le document montre aussi le roi de Prusse Guillaume, juché sur une hauteur près de Frénois, au sud-est de Sedan, pour assister aux opérations : « Ah, les braves gens ! », se serait-il exclamé en observant les manœuvres offensives françaises sans espoir.
Cette image, qui donne le point de vue allemand, rend une forte impression de sérénité : l’infanterie avance en rangs serrés, passant près du roi et des officiers supérieurs, pour aller, toujours en bon ordre, rejoindre le champ de bataille où la victoire est promise. La photographie des ruines de Bazeilles, village situé au sud-ouest de Sedan, offre un tout autre point de vue. Ce lieu est en effet celui de durs affrontements, le 30 août et le 1er septembre, entre des unités bavaroises et des troupes d’infanterie de marine qui se battent jusqu’au dernier homme. L’enfilade de maisons détruites reflète l’intensité des combats. Leurs toits sont écroulés, leurs murs éventrés, et seules quelques fenêtres ont résisté au déluge de feu. L’effet produit est d’autant plus vif que les planches bien disposées et les gravats empilés montrent que les premiers travaux de déblayage ont déjà été réalisés au moment où est pris ce cliché. Placé en vis-à-vis d’une gravure héroïsante destinée à orner les salons des patriotes allemands, ce document contribue à équilibrer le regard porté sur la bataille et ses conséquences.
La guerre moderne, sa conduite et ses conséquences
« Nous nous exposions donc à une défaite et, qui pis est, à une défaite qui ne pouvait être qu’une calamité publique, puisqu’elle allait nous priver de la seule armée organisée que nous ayons encore en rase campagne » : la phrase est du général Boulanger (in L’Invasion allemande, p. 1253) et dit bien le fond de ce qui s’est joué à Sedan ce jour-là. À partir de cette défaite, la victoire prussienne est inexorable, ce que la reddition et la captivité de Napoléon III en personne ne tardent d’ailleurs pas à révéler de façon éclatante. Sedan a ainsi partie liée avec le retour de la république en France, proclamée le 4 septembre à Paris après l’avoir été à Lyon et à Marseille. Néanmoins, le nouveau régime ne rompt pas avec tous les travers de son prédécesseur, puisque l’impréparation de la guerre de 1914 répond à celle de 1870, malgré la réforme du service militaire.
Plus largement, les ruines de Bazeilles reflètent l’intensité du pilonnage allemand, à tel point que cette photographie apparaît comme prémonitoire des guerres européennes à venir. De fait, si la victoire allemande de septembre 1870 est lourde de conséquences, ce n’est certes pas dans le sens d’un apaisement des relations internationales. Sedan, c’est aussi une redistribution des cartes de la géopolitique européenne. Le rival français terrassé, le roi de Prusse va pouvoir prétendre à la restauration de l’Empire allemand, aboli par Napoléon Ier, et prendre toute sa place dans les empoignades impérialistes des décennies suivantes, jusqu’à la Première Guerre mondiale. Un géant militaire et économique aux ambitions mondiales s’installe ainsi au cœur de l’Europe. Les répercussions de 1870 s’étendent des guerres mondiales à la construction européenne en passant par la guerre froide, jusqu’à nos jours.
Stéphane AUDOIN-ROUZEAU, 1870, la France dans la guerre, Paris, A.Colin, 1989.
Georges BOULANGER (Général), L’Invasion allemande, tome II, Paris, Jules Rouff et Cie, 1888.
Alain PLESSIS, De la fête impériale au mur des Fédérés, 1852-1871, Paris, Le Seuil, 1979.
Stéphane PRZYBYLSKI, La Campagne militaire de 1870, Metz, Éditions Serpenoise, 2004.
François ROTH, La Guerre de 1870, Paris, Fayard, 1990.
Guerre froide : Période historique mondiale qui s'étend de 1945 à 1990. À l'issue de la seconde guerre mondiale, le monde est divisé entre le bloc de l'Ouest dominé par les États-Unis et le bloc de l'Est dominé par l'Union soviétique : on parle alors d'un mode bipolaire. Il s'agit d'une guerre idéologique (états communistes ou états libéraux) et stratégique, les affrontements se font sur des terrains non-occidentaux (comme la guerre du Vietnam, Cuba, Afghanistan). La guerre froide se termine avec la chute du mur de Berlin et la désintégration du bloc de l'Est.
François BOULOC, « Regards sur la bataille de Sedan ( 1er septembre 1870) », Histoire par l'image [en ligne], consulté le 15/12/2024. URL : https://histoire-image.org/etudes/regards-bataille-sedan-1er-septembre-1870
Lien à été copié
Découvrez nos études
Berlin dans les années 30 : entre frénésie et chaos
La Première Guerre mondiale et la défaite allemande ont eu d’importantes conséquences politiques et économiques. D’une…
Le baptême de Clovis
Quoique imprécisément daté d’un 25 décembre, entre 496 et 506, le baptême de Clovis par saint Remi…
Hygiénisme et urbanisme : le nouveau centre de Villeurbanne
Au cours du XIXe siècle, les conditions de vie misérables réservées aux ouvriers dans les viilles et les préoccupations des hygiénistes…
L'annexion de l'Alsace et de la Lorraine
Le traité de Francfort (10 mai 1871) entérine l’annexion de fait de l’Alsace et d’une partie de la Lorraine comprenant la ville de Metz. En 1872,…
Rosa Luxemburg, la pasionaria allemande
À peine douze années séparent le cliché montrant la socialiste allemande d’origine polonaise Rosa Luxemburg (1871-1919)…
Le corps des morts
Les eaux-fortes présentées ici appartiennent à un cycle de gravures intitulé « La Guerre » et réalisé par Otto Dix en 1924. Il s’agit de cinq…
La Révolte des tisserands
L’Allemagne de la fin du XIXe siècle est marquée par un climat social et politique…
Duel architectural à l’Exposition universelle de Paris de 1937
Le photographe Fernand Baldet (1885-1964) a réalisé au moins 41 prises lors de ses quatre visites (du 19 septembre au 31 octobre…
Anton von Werner entre objectivité et patriotisme
La guerre franco-prussienne de 1870-1871 a donné lieu à de très…
Célébrer la guerre : la bataille des images d’Épinal
Quand éclate la guerre, au début du mois d’août 1914, l’imagerie populaire a déjà amplement gagné…
Mathou
Quelles sont les causes de la bataille de Sedan s' il vous plaît ?
Histoire-image
La bataille de Sedan fut la principale bataille de la guerre de 1870 entre la France et les états allemands coalisés. D'un point de militaire, les corps d'armée militaire commandés par le maréchal Mac-Mahon avait pour objectif de délivrer les troupes du Maréchal Bazaine assiégées dans Metz. La rencontre avec les armées allemandes a conduit à la bataille de Sedan.
Ajouter un commentaire
Mentions d’information prioritaires RGPD
Vos données sont sont destinées à la RmnGP, qui en est le responsable de traitement. Elles sont recueillies pour traiter votre demande. Les données obligatoires vous sont signalées sur le formulaire par astérisque. L’accès aux données est strictement limité aux collaborateurs de la RmnGP en charge du traitement de votre demande. Conformément au Règlement européen n°2016/679/UE du 27 avril 2016 sur la protection des données personnelles et à la loi « informatique et libertés » du 6 janvier 1978 modifiée, vous bénéficiez d’un droit d’accès, de rectification, d’effacement, de portabilité et de limitation du traitement des donnés vous concernant ainsi que du droit de communiquer des directives sur le sort de vos données après votre mort. Vous avez également la possibilité de vous opposer au traitement des données vous concernant. Vous pouvez, exercer vos droits en contactant notre Délégué à la protection des données (DPO) au moyen de notre formulaire en ligne ( https://www.grandpalais.fr/fr/form/rgpd) ou par e-mail à l’adresse suivante : dpo@rmngp.fr. Pour en savoir plus, nous vous invitons à consulter notre politique de protection des données disponible ici en copiant et en collant ce lien : https://www.grandpalais.fr/fr/politique-de-protection-des-donnees-caractere-personnel