Aller au contenu principal
Chocolatière, tasse et soucoupe, pinces à sucre, sucrier, couverts

Chocolatière, tasse et soucoupe, pinces à sucre, sucrier, couverts

Auteur : MUCHA Alfons

Lieu de conservation : musée d’Orsay (Paris)
site web

Date représentée :

H. : 54,3 cm

L. : 40,3 cm

Crayon noir et rehauts de gouache blanche sur Bristol beige

Domaine : Dessins

© GrandPalaisRmn (musée d'Orsay) / Gérard Blot

Lien vers l'image

RF 37321 - 86-000187-02

Mucha et les arts de la table

Date de publication : mai 2006

Auteur : Isabelle COURTY

Après s’être concentré sur la réalisation d’affiches, de panneaux décoratifs, et sur la confection de costumes et de décors de théâtre, Alfons Mucha diversifie son activité dès 1895 avec des créations de vitraux, bijoux, meubles et de pièces d’orfèvrerie. En 1902, la Librairie centrale des Beaux-Arts publie Documents décoratifs, un large recueil de 72 dessins et aquarelles où l’artiste présente à la fois des études minutieuses de la faune, de la flore, de figures humaines, mais aussi des esquisses de frises et de décors muraux, ainsi que des meubles, des luminaires, de la vaisselle et divers ustensiles. Un catalogue très éclectique dans lequel l’artiste montre l’étendue de son expérience et qui lui permet aussi de fixer définitivement les canons de son propre style. Véritable cours d’arts appliqués, cet ouvrage illustre les principes de décoration de l’artiste. En 1896, Mucha a en effet ouvert un atelier rue du Val-de-Grâce où il enseigne à des étudiants et des artistes sa conception des arts décoratifs. Dans sa préface aux Documents décoratifs, Gabriel Mourey résume parfaitement son ambition : « L’art décoratif consisterait tout entier pour lui à rehausser la signification de la ligne, de la forme, de la matière, l’ornementation ayant pour but principal de donner vie à la matière, de la spiritualiser […]. De la vérité observée, il sait dégager les traits essentiels et en former une synthèse neuve, personnelle, appropriée à la destination spéciale qu’elle comporte. »

« Chocolatière, tasse et soucoupe, pince à sucre, sucrier, couverts » : ce dessin compte parmi les études préparatoires que publie Mucha. Réalisée au crayon noir rehaussé de touches de gouache blanche sur bristol beige, cette planche montre le talent de dessinateur de l’artiste, son habileté graphique. Toute sa conception des arts décoratifs apparaît ici. Ses recherches formelles, son trait, son souci du détail et du raffinement, s’unissent pour transformer les objets du quotidien en formes poétiques. La chocolatière devient un samovar aux ondulations florales, tandis que l’anse de la tasse à café s’apparente à une aile de libellule. Sur le sucrier, Mucha dessine une tête de bouquetin. Ce goût pour le bestiaire se retrouve aussi bien dans les sièges et la fontaine qu’il crée pour la célèbre boutique du bijoutier Fouquet que dans les bijoux qu’il dessine à cette époque.

Les couverts aux lignes aériennes prennent eux aussi des allures d'insectes fantastiques. Dans la seconde moitié du XIXe siècle, de nouveaux ustensiles apparaissent : plats et assiettes à artichauts, à coquillages, à asperges, porte-menus, supports de grappes de raisins… La pince à sucre que Mucha dessine ici fait partie de ces nouveaux objets « indispensables ». Le directeur de la revue La Salle à manger écrit : « Un de ces jours, quelqu’un inventera un instrument à prendre la fourchette, ou l’horreur d’utiliser ses doigts donnera prétexte à la confection de gants de table ! »

Pour la société bourgeoise de la seconde moitié du XIXe siècle, le contenu des armoires et des vaisseliers constitue un critère de richesse et de promotion sociale. À cette époque, les arts de la table connaissent un accroissement spectaculaire de leur diffusion. En effet, grâce aux progrès de l’industrie, au perfectionnement des outils et des procédés de fabrication, céramique, verrerie, orfèvrerie, argenterie se développent largement. La découverte de la galvanoplastie, procédé qui permet la fabrication d’un métal argenté, bon marché, en alliages non nobles mais lui conserve les critères de qualité de l’orfèvrerie traditionnelle, provoque en particulier une petite révolution dans le monde de l’argenterie. C’est Charles Christofle qui, le premier, produit cette orfèvrerie d’imitation. Son usine, qui emploie 100 ouvriers en 1854, en compte 1 500 en 1878. Tout comme les autres grands orfèvres de l’époque – tels que Froment-Meurice, Duponchel ou Fannière –, son ambition est d’allier production en série et recherche artistique. Grâce à la succession des Expositions universelles et internationales, industriels et artisans rivalisent d’originalité dans leurs créations. Au niveau du style et des formes, les arts décoratifs de cette époque sont très influencés par l’art nippon à partir de l’Exposition universelle de Vienne de 1873. Le pavillon du Japon a en effet marqué les esprits de nombre de créateurs. Les pièces d’orfèvrerie se couvrent alors de motifs floraux ou animaliers, les lignes ondulent, les végétaux omniprésents s’entrelacent de toute part, l’arabesque règne en maître absolu. À partir de 1905, ce style Art nouveau, tel que l’illustrent les dessins de Mucha, décline au profit d’une épuration des lignes et d’une élimination de toute fioriture faites pour magnifier la pureté de la matière.

René BRIAT, Les Styles français.Les objets.Les arts de la table de la Renaissance au Modern Style, Paris, Baschet & Cie, coll. « Plaisir de France », 1968.Zeev GOURARIER, Arts et manières de table en Occident, des origines à nos jours, Thionville, Éd.Gérard Klopp, 1994.À table ! Les arts de la table dans les collections du musée Mandet de Riom, XVIIe-XIXe siècles, catalogue de l’exposition du musée Mandet de Riom, juin-décembre 1996, Paris, RMN, 1997.

Isabelle COURTY, « Mucha et les arts de la table », Histoire par l'image [en ligne], consulté le 14/12/2024. URL : https://histoire-image.org/etudes/mucha-arts-table

Ajouter un commentaire

HTML restreint

  • Balises HTML autorisées : <a href hreflang> <em> <strong> <cite> <blockquote cite> <code> <ul type> <ol start type> <li> <dl> <dt> <dd> <h2 id> <h3 id> <h4 id> <h5 id> <h6 id>
  • Les lignes et les paragraphes vont à la ligne automatiquement.
  • Les adresses de pages web et les adresses courriel se transforment en liens automatiquement.
CAPTCHA
Cette question sert à vérifier si vous êtes un visiteur humain ou non afin d'éviter les soumissions de pourriel (spam) automatisées.

Mentions d’information prioritaires RGPD

Vos données sont sont destinées à la RmnGP, qui en est le responsable de traitement. Elles sont recueillies pour traiter votre demande. Les données obligatoires vous sont signalées sur le formulaire par astérisque. L’accès aux données est strictement limité aux collaborateurs de la RmnGP en charge du traitement de votre demande. Conformément au Règlement européen n°2016/679/UE du 27 avril 2016 sur la protection des données personnelles et à la loi « informatique et libertés » du 6 janvier 1978 modifiée, vous bénéficiez d’un droit d’accès, de rectification, d’effacement, de portabilité et de limitation du traitement des donnés vous concernant ainsi que du droit de communiquer des directives sur le sort de vos données après votre mort. Vous avez également la possibilité de vous opposer au traitement des données vous concernant. Vous pouvez, exercer vos droits en contactant notre Délégué à la protection des données (DPO) au moyen de notre formulaire en ligne ( https://www.grandpalais.fr/fr/form/rgpd) ou par e-mail à l’adresse suivante : dpo@rmngp.fr. Pour en savoir plus, nous vous invitons à consulter notre politique de protection des données disponible ici en copiant et en collant ce lien : https://www.grandpalais.fr/fr/politique-de-protection-des-donnees-caractere-personnel

Partager sur

Albums liés

Découvrez nos études

L'Hôtel du Collectionneur - pavillon Ruhlmann

L'Hôtel du Collectionneur - pavillon Ruhlmann

Un pavillon d’exposition éphémère

Dans l’esprit de ses organisateurs, l’Exposition internationale des arts décoratifs et industriels modernes de…

L'Hôtel du Collectionneur - pavillon Ruhlmann
L'Hôtel du Collectionneur - pavillon Ruhlmann
L'Hôtel du Collectionneur - pavillon Ruhlmann
L'Hôtel du Collectionneur - pavillon Ruhlmann
Les Intérieurs parisiens selon Eugène Atget

Les Intérieurs parisiens selon Eugène Atget

Un album documentaire à visée professionnelle

En 1910, Atget réalise un album de soixante photographies intitulé Intérieurs parisiens, début du…

Les Intérieurs parisiens selon Eugène Atget
Les Intérieurs parisiens selon Eugène Atget
Les Intérieurs parisiens selon Eugène Atget
Les Intérieurs parisiens selon Eugène Atget
Le Pavillon des Artisans français contemporains

Le Pavillon des Artisans français contemporains

Les arts décoratifs à l’Exposition de 1925

Dédiée à la diffusion et à la promotion des arts décoratifs, l’Exposition internationale de 1925…

Le Pavillon des Artisans français contemporains
Le Pavillon des Artisans français contemporains
Le Pavillon des Artisans français contemporains
Mucha et les arts de la table

Mucha et les arts de la table

Après s’être concentré sur la réalisation d’affiches, de panneaux décoratifs, et sur la confection de costumes et de décors de théâtre, Alfons Mucha…
Froment-Meurice et la vogue historiciste

Froment-Meurice et la vogue historiciste

Le stand Froment-Meurice à l’Exposition de 1849

L’ampleur et l’éclectisme qui caractérisent la dernière Exposition des produits de l’industrie…

Froment-Meurice et la vogue historiciste
Froment-Meurice et la vogue historiciste
Froment-Meurice et la vogue historiciste
La colonie d'Haute-Claire : artisanat et nostalgie

La colonie d'Haute-Claire : artisanat et nostalgie

Objets d’art : les voies d’une reconnaissance

Présenté comme un « âge d’or des arts décoratifs », le XIXe siècle, matérialiste et…

La colonie d'Haute-Claire : artisanat et nostalgie
La colonie d'Haute-Claire : artisanat et nostalgie
Le métro selon Hector Guimard

Le métro selon Hector Guimard

Paris, œuvre d’art

Cliché fermement associé à la ville de Paris, sans cesse renouvelé par le cinéma ou les reportages télé, le « style nouille »…

Le métro selon Hector Guimard
Le métro selon Hector Guimard
La réforme des « Arts and Crafts »

La réforme des « Arts and Crafts »

Le Moyen Âge, un paradis sur terre

Premier État capitaliste, l’Angleterre connaît dès le milieu du XVIIIe siècle une révolution…

Atelier de la princesse Marie d'Orléans

Atelier de la princesse Marie d'Orléans

Marie d’Orléans (1813-1839) était la troisième des dix enfants de Louis-Philippe et de Marie Amélie de Bourbon-Sicile. Elle eut un destin original…

Un style Restauration ?

Un style Restauration ?

Le retour des Bourbons aux Tuileries

Le retour des Bourbons sur le trône de France s’effectua au lendemain du désastre de Waterloo, alors que l’…

Un style Restauration ?
Un style Restauration ?