Défilé de membres de "Solidarité française" aux obsèques de Lucien Gariel
Les francistes.
Jacques Doriot à La Rochelle.
Défilé de la ligue des Croix-de-Feu du Colonel de La Rocque.
Défilé de membres de "Solidarité française" aux obsèques de Lucien Gariel
Auteur : ANONYME
Lieu de conservation : La Contemporaine (BDIC, Nanterre)
site web
Date de création : 1934
Date représentée : 3 novembre 1934
Titre original : Les obsèques de la dernière victime du 6 février.
Domaine : Photographies
Domaine Public © CC0 Collections La Contemporaine, Nanterre
PH C4 24
Les ligues des années 1930
Date de publication : Mars 2016
Auteur : Michel WINOCK
Moins touchée dans un premier temps que celle des autres pays industrialisés, l’économie française subit à son tour en 1932 la crise née du krach d’octobre 1929. Les gouvernements qui se succèdent, souvent renversés au bout de quelques mois, ne disposent pas des moyens nécessaires à une relance de l’économie et persistent à mener une politique de déflation particulièrement préjudiciable aux salariés. L’instabilité parlementaire et l’impuissance de l’exécutif qui s’ensuit, révèlent l’inadaptation des institutions devant les nouveaux défis auxquels est confrontée la France. A ces difficultés intérieures s’ajoute une crise internationale : l’arrivée d’Hitler au pouvoir en Allemagne et la radicalisation du fascisme italien servent de contre-modèle face à une démocratie parlementaire discréditée aux yeux de beaucoup. C’est dans ce contexte que la France des années trente a vu la naissance de ligues et de petits partis qu’on englobe souvent soit dans la catégorie « fasciste » soit dans l’« extrême droite ». En fait ces organisations, d’inégale importance, sont de nature variée.
La première photographie représente des membres de Solidarité française (SF) défilant aux obsèques d’un des leurs, Lucien Gariel, tué lors de l’émeute du 6 février 1934. Fondée par le parfumeur François Coty en 1933, cette ligue présidée par Jean Renaud dispose d’un hebdomadaire, Solidarité française (puis Journal de la Solidarité française), n’a jamais compté de gros effectifs, mais fut cependant l'une des plus actives lors du 6 février. Les militants les plus engagés forment les Milices de la Solidarité française, les « chemises bleues » (chemise bleue, bottes, ceinturon, salut à l’antique…).
Le second cliché représente quelques membres du mouvement Francisme passés en revue par leurs chefs, lors de leur premier meeting. On remarque que les militants doivent porter un uniforme de type militaire : béret basque, chemise bleue, cravate marine, ceinturon baudrier…
C’est en septembre 1933 que Marcel Bucard et quelques autres anciens collaborateurs de Gustave Hervé à La Victoire fondent ce mouvement. Encore inexistant lors du 6 février 1934, le Francisme ne comptera jamais que de modiques effectifs — du moins jusqu’à l’occupation allemande. En septembre 1935, Bucard et ses amis participent aux travaux de la Commission permanente pour l’entente du fascisme universel, à Montreux : « L’Union des Fascismes fera la paix du monde. » Bucard est reçu à Rome par Mussolini, son modèle.
Le troisième document représente un meeting du Parti populaire français (PPF), œuvre avant tout de Joseph Doriot que l’on voit ici de dos. Exclu du Parti communiste en 1934, Doriot tente d’abord de devenir le chef de file d’une formation communiste nationale, avant d'être entraîné hors de la gauche lorsque communistes et socialistes signent un pacte d’unité d’action, préludant au Front populaire. Elu député en 1936, il fonde le Parti populaire français qui, pendant deux ans, va connaître un certain succès. Le PPF fascine des intellectuels, d’esprit plus ou moins fasciste, comme Ramon Fernandez, Alfred Fabre-Luce, Bertrand de Jouvenel et Pierre Drieu La Rochelle, le seul à se déclarer explicitement fasciste, qualificatif jamais assumé par Doriot avant la guerre. Largement aidé par des représentants de la haute finance, dont Pierre Pucheu, et par les subsides de l’Italie mussolinienne, le PPF compte environ 100 000 adhérents et 300 000 sympathisants, d’origine ouvrière et populaire. Disposant au départ d’un hebdomadaire, L’Emancipation nationale, Doriot prend en mai 1937 le contrôle d’un quotidien, La Liberté. Les militants n’ont pas d’uniforme, seulement un insigne. Mais ils doivent saluer « à la romaine » — geste anticommuniste opposé au poing levé du Front populaire. Un hymne : « France, libère-toi ! » Un serment. Sans compter, dans toutes les réunions, le portrait géant de Doriot. En 1938, une crise grave affecte le PPF, les fonds manquent, la presse doriotiste décline, de nombreux intellectuels à commencer par Drieu démissionnent, La Liberté cesse de paraître… Doriot devra attendre la défaite de 1940 pour avoir sa revanche.
La dernière photographie illustre la présence des Croix-de-Feu lors du défilé du 14 juillet 1935 sur les Champs-Elysées, au moment même où se rassemblent les forces constituant le Front populaire. Fondée en 1927 par Maurice Hanot, dit d’Hartoy, ce groupe vise à réunir l’élite des anciens combattants. En 1929, d’Hartoy, pour étendre le rayonnement de son action, fonde l’Association des briscards, ouverte à ceux qui ont passé au moins six mois en première ligne. Les deux associations ont un même organe de presse : Le Flambeau. Fin 1929, le lieutenant-colonel de La Rocque adhère au mouvement pour en prendre la tête en 1931. Ancien saint-cyrien, qui a servi au Maroc sous les ordres de Lyautey, catholique fervent, bon organisateur, La Rocque entreprend une politique de recrutement efficace. En 1932, il fonde les Fils et Filles des Croix-de-Feu, et, surtout, en 1933, la Ligue des volontaires nationaux, ouverte à tous. En mars 1934, La Rocque revendique un effectif de 50 000 personnes pour l’ensemble.
Les Croix-de-Feu jouent un rôle bien particulier le 6 février 1934 : tout en participant aux manifestations, ils refusent de sortir de la légalité et s'abstiennent de forcer les barrages de police protégeant le Palais-Bourbon. Par la suite ils deviennent un mouvement de masse, dont les effectifs sont estimés à 150 000 personnes au milieu de l’année 1934. Pour le Front populaire en formation, la Ligue de La Rocque représente le fascisme français par excellence. La mystique du chef (défendue par le plus prestigieux de ses adhérents, l’aviateur Mermoz), l’organisation paramilitaire des « Dispos » (les adhérents disponibles pour le service d’ordre), l’organisation militaire des troupes, les grands rassemblements, un certain nombre de heurts sanglants avec les militants de gauche, prêtent à la dénonciation de fascisme. C’est surtout par le nombre que la ligue de François de La Rocque apparaît comme l’ennemi désigné du Front populaire : à la veille des élections de 1936 ses membres sont estimés à 450 000. Le mouvement n’est pourtant pas dirigé par un adepte de Mussolini ou de Hitler. Imprégné de catholicisme social et de discipline militaire, La Rocque prêche le rétablissement de la moralité, l’entraide nationale, tout en flétrissant le parlementarisme et le collectivisme.
A travers les ligues, ressurgit la tentative d'abattre une démocratie parlementaire jugée responsable du déclin français. Les classes moyennes dont les allégeances traditionnelles (syndicats, Eglise, partis) s’affaiblissent, sont plus particulièrement séduites. Toutefois les ligues assimilables à des mouvements fascistes, Solidarité française et Francisme, restent des groupuscules limités à quelques milliers de personnes, voire quelques centaines. Malgré son culte du chef, l’appel aux morts, son goût pour le cérémonial, le PPF reste quant à lui un mouvement pacifiste, ce qui le distingue du fascisme italien, agressif et belliqueux. Le seul mouvement de masse d’extrême droite en France durant l’entre-deux-guerres est celui des Croix-de-Feu, dont le chef, La Rocque, ne s’est jamais affranchi de la légalité républicaine. C’est toutefois en grande partie contre ce mouvement, considéré comme fasciste, que le Front populaire se constitue en 1935.
BERSTEIN Serge, La France des années 30, Paris, Armand Colin, nouv. éd. 2001.
WINOCK Michel, Nationalisme, fascisme et antisémitisme en France, Paris, Le Seuil, coll. « Points : Histoire », 1990.
WINOCK Michel, Histoire de l’extrême droite en France, Paris, Le Seuil, coll. « Points : Histoire », 1994.
Michel WINOCK, « Les ligues des années 1930 », Histoire par l'image [en ligne], consulté le 12/12/2024. URL : https://histoire-image.org/etudes/ligues-annees-trente
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