Mme Milliat
Lieu de conservation : Bibliothèque nationale de France (BnF, Paris)
site web
Date de création : 1920
Date représentée : 1920
Photographie : agence Rol.
Domaine : Photographies
Bibliothèque Nationale de France - Domaine public © Gallica
EI-13 (715)
Alice Milliat, la place des femmes dans le sport
Date de publication : Juin 2024
Auteur : Julien SOREZ
L’essor du sport féminin en France
Codifiés en Grande Bretagne au cours du XIXe siècle, les sports modernes sont initialement pratiqués par des jeunes hommes issus des classes supérieures. En France, si quelques femmes de la haute société pratiquent des sports distinctifs tels que le golf, le tennis ou l’escrime, il faut attendre les années 1900 pour qu’apparaissent des associations sportives féminines, dont le recrutement social est d’ailleurs plus ouvert. Mais c’est durant la Première Guerre mondiale que le sport féminin se développe, grâce à l’action d’Alice Milliat.
Née le 5 mai 1884 à Nantes dans une famille de petits commerçants, elle découvre dans les années 1900 les sports athlétiques à Londres, notamment le football et l’aviron. Rentrée en France, elle intègre le club Femina Sport dont elle devient présidente en 1915. En 1917, les dirigeants des quelques clubs féminins parisiens créent la Fédération des sociétés féminines sportives de France (F.S.F.S.F.), dont Alice Milliat devient présidente en 1919. Elle œuvre également à la création de la Fédération Sportive féminine internationale (F.S.F.I.) en 1921, puis elle met en place des jeux mondiaux féminins sur le modèle des Jeux olympiques, qui n’accordaient alors que peu de places aux sportives.
Une dirigeante à la barre du sport féminin
Publiée dans un tout récent hebdomadaire illustré, Le Miroir des Sports, le 22 juillet 1920, cette photographie est placée au centre d’une composition de cinq images qui montrant des femmes qui s’affrontent en basket-ball, en football et qui pratiquent l’athlétisme. Elle illustre une tribune dans laquelle Alice Milliat invite les lecteurs « à renverser le redoutable édifice des préjugés » hostiles à la pratique sportive féminine. Elle y présente le sport féminin comme une propédeutique à la « régénération de la race » dans un contexte marqué par l’hygiénisme et un patriotisme défensif. Elle est représentée assise sur un canoë, rames à la main.
Mais loin des efforts intenses exigés par ce sport, elle affiche ici un air contemplatif qui contraste avec les clichés de rameurs masculins pris en tenue sportive et affichant un air déterminé sur leur canoë. Ce portrait nous plonge subtilement dans l’univers de référence d’une activité de loisir non compétitive, le canotage, plus proche de la promenade que de la course et la compétition.
Donner une image rassurante du sport féminin
Cette image d’une dirigeante qui pose sur un canoë est la parfaite illustration de la stratégie adoptée par Alice Milliat pour développer le sport féminin : rassurer. Si elle promeut tout au long de sa carrière de dirigeante une émancipation de la femme par le sport et adopte une position proche de certaines réformistes féministes, elle cherche sans cesse à donner des gages aux dirigeants sportifs soucieux de maintenir la hiérarchie des genres. Pour ce faire, elle diffuse une vision du sport féminin qui ne cherche pas à devenir l’égal du sport masculin, elle combat subtilement les arguments médicaux, sociaux et moraux fondés sur l’idée selon laquelle le sexe féminin serait faible et que les sportives se détourneraient de leur rôle d’épouse et de mère, et surtout, elle propose dans sa fédération des sports la réduction du temps de jeu et des terrains et la limitation des contacts physiques pour expurger les pratiques féminines des deux principales craintes qui leur sont associées : les efforts excessifs et la violence physique.
Cette proposition d’un sport débarrassé des caractéristiques les plus masculines de la pratique explique la posture qu’elle adopte pour la photographie publiée dans Le Miroir des Sports. Cette photographie reste suffisamment emblématique d'Alice Milliat pour servir de carte support à l'oblitération Premier jour d'un timbre émis par La Poste française en mai 2024.
Comment Alice Milliat a imposé les femmes aux Jeux olympiques, une vidéo France Culture, Culture prime
Florence Carpentier, « Alice Milliat et le premier ‘sport féminin’ dans l’entre-deux-guerres », 20 & 21. Revue d’histoire, 2019/2, n°142, p. 93-107.
Thierry Terret et alii (dir.), Sport et Genre, Paris, L’Harmattan, 2005, 4 volumes.
Julien SOREZ, « Alice Milliat, la place des femmes dans le sport », Histoire par l'image [en ligne], consulté le 12/12/2024. URL : https://histoire-image.org/etudes/alice-milliat-place-femmes-sport
En savoir plus sur Alice Milliat, la Fondation Alice Milliat.
En partenariat avec le site de la Route Culturelle Européenne du Sport (ECROS)
Lien à été copié
Albums liés
Découvrez nos études
Bains publics sur un bateau à Rouen
Au XVIIIe siècle, les rivières restent le seul lieu de baignade pour la quasi-totalité de la population.…
Episode de la bataille navale de Navarin
L’ensemble de l’Orient méditerranéen était, au début du XIXe siècle, possession de l’Empire ottoman.…
Le voyage aux terres australes (1800-1804)
En 1800, le continent austral n’a encore été reconnu qu’en partie. Il porte le nom de Nouvelle-Hollande, mais, pour…
La bataille navale du Kearsarge et de l'Alabama
Au printemps 1864, la France du Second Empire a le regard dirigé sur les…
La Compagnie néerlandaise des Indes orientales
Lorsqu’elles obtiennent officiellement leur indépendance, les Provinces-…
Jacques Cartier
Symbole de la redécouverte d’un passé commun à la France et au Québec, la mythification de la figure de l’explorateur…
Le Naufrage du Titanic
Dans la nuit du 14 au 15 avril 1912, moins de trois heures après avoir heurté un iceberg, sombrait…
L’expédition de Cavelier de La Salle pour la Louisiane
Jean Antoine Théodore de Gudin est aujourd’hui un peintre oublié. Cet exact contemporain de Victor Hugo, fils du général d’Empire Charles Étienne…
Le Grand Canal au XVIIIe siècle
Michele Marieschi (1710-1743) et Francesco Guardi (1712-1793) sont deux illustres représentants du védutisme vénitien…
Il était un petit navire : le Lusitania
La guerre imaginée avant le 1er août 1914 n’a duré que ce que durent les illusions patriotiques et les…
Ajouter un commentaire
Mentions d’information prioritaires RGPD
Vos données sont sont destinées à la RmnGP, qui en est le responsable de traitement. Elles sont recueillies pour traiter votre demande. Les données obligatoires vous sont signalées sur le formulaire par astérisque. L’accès aux données est strictement limité aux collaborateurs de la RmnGP en charge du traitement de votre demande. Conformément au Règlement européen n°2016/679/UE du 27 avril 2016 sur la protection des données personnelles et à la loi « informatique et libertés » du 6 janvier 1978 modifiée, vous bénéficiez d’un droit d’accès, de rectification, d’effacement, de portabilité et de limitation du traitement des donnés vous concernant ainsi que du droit de communiquer des directives sur le sort de vos données après votre mort. Vous avez également la possibilité de vous opposer au traitement des données vous concernant. Vous pouvez, exercer vos droits en contactant notre Délégué à la protection des données (DPO) au moyen de notre formulaire en ligne ( https://www.grandpalais.fr/fr/form/rgpd) ou par e-mail à l’adresse suivante : dpo@rmngp.fr. Pour en savoir plus, nous vous invitons à consulter notre politique de protection des données disponible ici en copiant et en collant ce lien : https://www.grandpalais.fr/fr/politique-de-protection-des-donnees-caractere-personnel