Fête du vin à Beaune. 18 octobre 1925.
Le président Lebrun à Bordeaux pour la fête du vin, le 18 juin 1934.
Fête du vin à Beaune. 18 octobre 1925.
Auteur : ANONYME
Lieu de conservation : musée des Civilisations de l’Europe et de la Méditerranée (Mucem, Marseille)
site web
Date de création : 1925
Date représentée : 18-oct-25
H. : 9 cm
L. : 12 cm
Tirage d'après négatif verre au gélatino-bromure d'argent.
Domaine : Photographies
© RMN - Grand Palais (MuCEM) / Jean-Gilles Berizzi
Ph.2006.00.9.7 - 06-521599
L'institution des fêtes du vin par la Troisième République
Date de publication : Octobre 2009
Auteur : Alban SUMPF
Les fêtes du vin en France dans la première partie du XXe siècle
Dans les régions viticoles françaises, il existe traditionnellement des célébrations liées au vin, notamment les fêtes des vendanges, qui concernent les zones rurales comme les centres urbains. Mais l’institution plus officielle des « fêtes du vin » date du début du XXe siècle, sur fond de régionalisme voire de folklore, mais obéissant aussi à des intérêts commerciaux, économiques, publicitaires et politiques. Les professionnels du secteur, certains groupes de presse régionaux, mais aussi les municipalités, et parfois le pouvoir central (députés préfets) organisent diverses manifestations autour de la production locale et tentent de leur assurer la plus large audience possible. Les grands centres de négoce des régions viticoles (Bordeaux, Beaune pour la Bourgogne, Reims pour les vins de Champagne, par exemple) deviennent alors le lieu de foires, spectacles, bals, défilés et dégustations.
Le succès et la régularité de ces événements, assez soutenus avant la Première Guerre mondiale, s’essoufflent et restent assez mesurés par la suite. Toutefois, ce genre de célébration prend parfois un caractère officiel. Le 18 juin 1934, Bordeaux organise ainsi une fête du vin qui accueille Albert Lebrun (1871-1950), président de la République depuis 1932.
Convois de vignerons, vigneronnes, vignes et tonneaux de vins
La première photographie appartient à la série intitulée Fête du vin à Beaune. 18 octobre 1925, ensemble de clichés anonymes pris le jour de l’événement. Elle montre l’un des chars dédiés à la célébration des vendanges et des métiers de la vigne alors qu’il parcourt la ville pavoisée de drapeaux français. Entre deux haies de spectateurs de tout âge et souvent endimanchés, deux chevaux qui disparaissent progressivement du cadre tirent lentement une grande charrette aux roues de bois. Sur le plateau orné de sarments de vigne, de paniers de raisin et de tonneaux, uniquement des femmes, habillées du costume traditionnel pour les vendanges (tablier, chapeau ou coiffe pour se protéger du soleil). Au-dessus de la voiture, un soleil souriant entouré de vigne grimpante. Comme le montrent d’autres photographies prises à cette occasion, chaque char porte sur le côté une inscription qui évoque soit le produit exposé (Le raisin), soit une des étapes des vendanges (Le pressoir). Au second plan apparaissent les beaux bâtiments typiques du centre-ville (commerce au rez-de-chaussée, appartements au-dessus). Sur la droite, la publicité pour un produit « recommandé aux familles » ne concerne sûrement pas le vin, mais donne une touche presque involontairement comique au cliché.
La seconde image, Le président Lebrun à Bordeaux pour la fête du vin, le 18 juin 1934, est une photographie de Jean Clair-Guyot, journaliste à L’Écho de Paris, accrédité à la Présidence de la République pour la couverture des déplacements. Sur une grande place, deux bœufs menés par un bouvier tirent un char en bois bas qu’occupent deux femmes à l’avant, un enfant et de solides vignerons en costume folklorique dont l’un est juché sur un grand tonneau factice. Ici aussi une inscription (Le premier vin […]rolais) désigne l’attelage. Devant lui marchent des hommes qui portent des hottes de bois faites pour la récolte du raisin. Au second plan, visible entre deux imposantes colonnes de pierre, s’élève la tribune présidentielle, trop lointaine pour que ses occupants soient identifiables. Elle consiste en une estrade et un vaste dais marqué du symbole de la République française.
Le monde vigneron, la ville et la République
Autour de 1910, les fêtes du vin sont réinstaurées pour combattre la crise liée à la chute des cours du vin : il s’agit de promouvoir la qualité des produits locaux et de développer une certaine image du vigneron – un homme vigoureux, un artisan respectant un savoir-faire traditionnel et ancré dans la vie rurale. Après la sévère crise de 1907, qui vit les vignerons du Midi s’opposer, parfois violemment, à l’État, la viticulture bénéficie d’un régime spécial, fait de subventions et de garanties sur les prix (par rapport à la concurrence des vins d’Algérie). Alors très puissant, le lobby constitué par les députés des régions productrices de vin impose aux pouvoirs publics une attitude bienveillante qui se traduit notamment par la diffusion d’une image flatteuse et idéalisée du monde viticole, image destinée tant aux professionnels (qu’il ne faut pas froisser) qu’aux consommateurs. Une représentation lisse, passéiste, traditionnaliste quelque peu forcée et factice (le « faux tonneau »), qui ne correspond pas tout à fait à la modernisation alors en cours des outils de production ou encore aux violences dont sont capables les viticulteurs. Par ailleurs cette manifestation est aussi une opération publicitaire, financée par des journaux régionaux.
Désireux d’alimenter un certain folklore, à Beaune en 1925 ou à Bordeaux en 1934, le monde vigneron se présente fièrement – les costumes sont impeccables, les hommes bombent le torse – aux habitants des villes, acheteurs potentiels, et à la nation incarnée par le Président. L’aspect rudimentaire des outils souligne le caractère traditionnel, humble et difficile du métier, dans une ville qui porte tous les signes de la modernité. C’est le spectacle un peu nostalgique d’une ruralité tirée à quatre épingles, sans âge, idéale et encore pure.
Quelle que soit la région où elles ont lieu, les fêtes du vin se déroulent sous le patronage de la République. Les drapeaux présents sur les deux images ancrent donc la localité et la fierté des terroirs dans l’unité de la nation. Si l’aspect festif l’emporte dans la première image, l’aspect officiel domine dans la seconde, qui s’apparente à un vrai défilé, presque militaire. La fête du vin prend ainsi la dimension d’une fête nationale, rappelant le calendrier révolutionnaire où les célébrations liées aux travaux des champs offraient autant d’occasions d’affirmer l’identité et l’unité de la France.
Enfin, certains éléments eux aussi intégrés à la célébration républicaine évoquent, discrètement, des symboles plus anciens : le soleil (visible dans la première photographie, voire présent dans l’emblème républicain de la seconde) renvoie à un certain paganisme rural, et les chars chargés de raisin ont des connotations bachiques.
Gilbert GARRIER, Histoire sociale et culturelle du vin, Bordas Cultures, Paris, 1995.Christophe BOUNEAU et Michel FIGEAC (dir), Le verre et le vin de la cave à la table du XVIIe siècle à nos jours, Centre d'Etudes des Mondes Moderne et Contemporain, Bordeaux 1994.Marcel LACHIVER, Vins, Vignes et Vignerons, Fayard, 1988.
Alban SUMPF, « L'institution des fêtes du vin par la Troisième République », Histoire par l'image [en ligne], consulté le 15/12/2024. URL : https://histoire-image.org/etudes/institution-fetes-vin-troisieme-republique
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