19 juin - Pour les blessés de l'Espagne républicaine
Lieu de conservation : musée de l’Armée (Paris)
site web
Date représentée : 19-juin-37
H. : 68 cm
Domaine : Affiches
Paris - Musée de l'Armée, Dist. RMN - Grand Palais / Pascal Segrette
06-505806 / 2001.72.12
Le soutien aux républicains depuis la France
Date de publication : Janvier 2019
Auteur : Alexandre SUMPF
La guerre en Espagne vue de France
Bien que les deux alliances électorales portent le nom de « front populaire », les nouveaux gouvernements dirigeant la France et l’Espagne à compter de 1936 entretiennent un lien assez lâche. Celui de Léon Blum a été élu en portant le slogan « pain, paix, liberté », mais il se trouve confronté à une vague de grève et une opposition farouche de la part de l’élite entrepreneuriale. Et puis la paix signifie surtout l’apaisement du menaçant voisin hitlérien, qui a remilitarisé sans coup férir la Rhénanie lors du week-end de Pâques. Le soutien à la cause des Républicains se complique par des dissensions en France et en Espagne entre socialistes et communistes et par la forte influence souterraine de Moscou. Les Français se distinguent par le départ de volontaires pour les Brigades internationales, et une action d’ordre culturel symbolisée par le pavillon de la République espagnole à l’Exposition universelle de Paris en 1937.
L’affiche 19 juin. Pour les blessés de l’Espagne républicaine incarne le mouvement de soutien aux combattants républicains qui se développe en France. Elle a été éditée à la suite de la prise sanglante de Bilbao le 19 juin 1937. Les terribles combats qui ont lieu au Pays Basque depuis mars 1937 ont en effet entraîné une prise de conscience de grande ampleur dans l’opinion française, notamment dans les milieux marqués politiquement à gauche et chez les intellectuels. Au-delà de l’urgence humanitaire et de la question des réfugiés qui suscite diverses mobilisations citoyennes, la guerre d’Espagne occupe désormais les médias, alimentant le débat politique dans le contexte plus général du danger fasciste et autoritaire que font planer l’Italie mussolinienne et l’Allemagne nazie sur le reste de l’Europe.
Marianne au chevet des victimes
Fondée début 1937 à Paris afin de coordonner les actions d'aide médicale engagées dans plusieurs pays en faveur de la République espagnole, la Centrale sanitaire internationale (mention en bas à gauche de l’image) est à l’initiative de la création de cette affiche. Elle a pour objet de solliciter des dons auprès du public (l’adresse et le compte chèque postal sont d’ailleurs indiqués en bas à droite) pour fournir une aide matérielle et médicale aux victimes des combats (qu’ils soient réfugiés en France ou encore situés Espagne), comme le révèle le nom du « comité d’aide aux blessés et mutilés » qui figure sous celui de la Centrale.
L’affiche met en scène une Marianne blonde vêtue et coiffée de rouge (avec le traditionnel bonnet phrygien). Concentrée, pleine de sollicitude (voir ses yeux fermés) mais néanmoins volontaire (voir la posture du corps et l’expression du visage), elle bande avec douceur et application l’avant-bras (remarquablement surdimensionné) d’une victime, dont on devine seulement la silhouette suggérée par une sorte de manteau assez misérable.
Si l’auteur a privilégié un trait simple pour représenter les « personnages », la composition est néanmoins très recherchée, moderne : elle use de formes géométriques (la diagonale en haut à droite séparant deux zones colorées ; certains détails des corps) ou de caractères typographiques variés et assez originaux. Les choix des couleurs est lui aussi significatif : le bleu-blanc-rouge évoquant la République française est complété par une variation de jaunes (éclatant sur les cheveux de Marianne, maladif sur le bras de la victime), le noir et le blanc du texte. Enfin, la répartition inventive des éléments textuels (la date, le titre) achève de donner une réelle qualité artistique à l’ensemble de l’œuvre.
Un appel à la solidarité « républicaine »
Cette affiche développe une symbolique assez évidente susceptible d’être comprise par tous. La IIIe République française figurée par Marianne qui soigne les Républicains espagnols luttant au nom d’une autre République. Il ne s’agit donc pas seulement d’apporter un soutien « humaniste » à des blessés de guerre parmi d’autres, mais bien de s’engager au nom de valeurs républicaines, démocratiques et antifascistes (évoqués, peut-être, par les habits rouges de Marianne) communes aux deux pays et finalement universelles.
Malgré un soutien plus ou moins officieux du Front populaire, le gouvernement, sous la pression de l’opposition de droite, prône officiellement la « non-intervention » concernant les événements en Espagne depuis 1936. C’est donc ici un organisme associatif et non gouvernemental qui en appelle à cette solidarité républicaine. Cette affiche interpelle les citoyens qui se doivent d’être fidèles aux principes de la République française. En donnant de l’argent au comité voire en s’engageant plus avant, ils accomplissent ainsi un acte hautement politique qui incarne cet idéal républicain, le faisant vivre (ici) et survivre (là-bas).
Enfin, l’irruption visuelle du bras de la victime dans cette composition élégante et plaisante retient notre attention. Sa laideur disgracieuse et misérable contraste nettement avec la santé, la beauté et la sérénité de Marianne. Ainsi est-il suggéré que la République moderne, forte et sûre d’elle-même - ou plutôt les citoyens qui la constituent et à qui l’on s’adresse ici – est en mesure de soulager et de recueillir les blessés. Elle sous-entend également que la maladie (la peste ou la gangrène, évoquées par la couleur du bras) fasciste menace et pourrait bientôt concerner la France elle-même.
BENNASSAR, Bartolomé, La guerre d'Espagne et ses lendemains, Paris, Perrin, coll. « Pour l'histoire », 2004.
HERMET, Guy, La guerre d'Espagne, Paris, Seuil, « Points histoire », 2017.
RENOUVIN, Pierre, et REMOND, René Léon Blum, chef de gouvernement. 1936-1937, Presses de la Fondation nationale des sciences politiques, coll. « Références », 1981.
THOMAS, Hugh, La Guerre d'Espagne : Juillet 1936 - Mars 1939, Paris, Robert Laffont, coll « Bouquins », 2009.
VILAR, Pierre, Histoire de l’Espagne, Paris, PUF, 1996.
Alexandre SUMPF, « Le soutien aux républicains depuis la France », Histoire par l'image [en ligne], consulté le 21/11/2024. URL : https://histoire-image.org/etudes/soutien-republicains-france
Lien à été copié
Découvrez nos études
Duel architectural à l’Exposition universelle de Paris de 1937
Le photographe Fernand Baldet (1885-1964) a réalisé au moins 41 prises lors de ses quatre visites (du 19 septembre au 31 octobre…
Léon Blum et le Front Populaire face aux attaques antisémites
Avril 1936 : au grand dam des ligues d’extrême droite, le Front populaire remporte les élections,…
La Troïka
Cette caricature est extraite de Gringoire, hebdomadaire de droite extrême (1928-1944) dominé par son éditorialiste, Henri Béraud. Le journal, qui…
Le culte de Pétain
Entre juillet 1940 et août 1944, un très vieil officier de la Première Guerre mondiale a dirigé ce qui restait de la…
Le Front populaire en marche
En février 1934, Paris renoue avec une violence de rue qu’on croyait disparue. Pendant…
Le vote des femmes en France : féminisme, pacifisme et antifascisme à l’heure du Front populaire
Dans les années 1920 et 30, les suffragistes organisent des campagnes pour…
Guerre et paix 1936-1937
Le 18 juillet 1936, le putsch du général Franco fait entrer l’Espagne dans une guerre civile,…
L'homme aux couteaux entre les dents, revisité
La Section française de l’Internationale communiste (S.F.I.C.) est née en novembre 1920 de la scission entre socialistes et communistes, lors du…
La Fée Électricité à l’Exposition internationale de 1937
À l’occasion de l’Exposition internationale des arts et des…
Le soutien aux républicains depuis la France
Bien que les deux alliances électorales portent le nom de « front populaire », les nouveaux gouvernements…
Ajouter un commentaire
Mentions d’information prioritaires RGPD
Vos données sont sont destinées à la RmnGP, qui en est le responsable de traitement. Elles sont recueillies pour traiter votre demande. Les données obligatoires vous sont signalées sur le formulaire par astérisque. L’accès aux données est strictement limité aux collaborateurs de la RmnGP en charge du traitement de votre demande. Conformément au Règlement européen n°2016/679/UE du 27 avril 2016 sur la protection des données personnelles et à la loi « informatique et libertés » du 6 janvier 1978 modifiée, vous bénéficiez d’un droit d’accès, de rectification, d’effacement, de portabilité et de limitation du traitement des donnés vous concernant ainsi que du droit de communiquer des directives sur le sort de vos données après votre mort. Vous avez également la possibilité de vous opposer au traitement des données vous concernant. Vous pouvez, exercer vos droits en contactant notre Délégué à la protection des données (DPO) au moyen de notre formulaire en ligne ( https://www.grandpalais.fr/fr/form/rgpd) ou par e-mail à l’adresse suivante : dpo@rmngp.fr. Pour en savoir plus, nous vous invitons à consulter notre politique de protection des données disponible ici en copiant et en collant ce lien : https://www.grandpalais.fr/fr/politique-de-protection-des-donnees-caractere-personnel