Pour que la famille soit heureuse : votez communiste
Rassemblement des jeunesses socialistes à Phalempin
Pour que la famille soit heureuse : votez communiste
Auteur : ANONYME
Lieu de conservation : États-Unis, Californie, Berkerley Library
Date de création : 1936
Date représentée : 1936
Domaine : Affiches
Domaine public © CC0 Berkeley Library, The Bancroft Library
BANC PIC 2005.005:032--D
Cultures communiste et socialiste à l'époque du Front populaire
Date de publication : Octobre 2003
Auteur : Danielle TARTAKOWSKY
Le rassemblement populaire : des données inédites
En juillet 1935, communistes, socialistes et radicaux ratifient le programme dit du « rassemblement populaire » pour « le pain, la paix, la liberté » et s’engagent, sur cette base, à des désistements réciproques au second tour des élections législatives. En mai 1936, cette alliance inédite contre le fascisme et la crise l’emporte au second tour.
Le parti communiste dénonçait jusqu’alors la « démocratie bourgeoise » en lui opposant de strictes positions en terme de classe. Depuis la conférence d’Ivry en juin 1934, au cours de laquelle Thorez reçu un télégramme de l’Internationale lui imposant une nouvelle tactique, le parti se réclame de la « défense de la démocratie » menacée par le fascisme. Pour la première fois de son histoire, il s’engage dans une politique de soutien d’un gouvernement pourtant « bourgeois », sans participation, cependant.
La S.F.I.O. avait pareillement condamné strictement le principe de la participation à un gouvernement bourgeois depuis l’après-guerre. Contre toute attente, elle a, pour la première fois, plus d’élus que le parti radical et doit donc non seulement « participer », mais assumer la direction du gouvernement ; c’est « l’occupation du pouvoir », théorise alors Léon Blum.
Ces deux affiches donnent à voir certains des effets paradoxaux de cette situation inédite pour les deux partis concernés.
Cultures de partis
Sur l’affiche électorale du parti communiste, Maurice Thorez, secrétaire général du parti, son épouse, Jeannette Vermeersch, et leur jeune fils figurent une image idéale de la famille ouvrière. L’affiche affirme nettement une valeur, au demeurant commune à toutes les formations de Front populaire : la famille. Celle-ci est représentée selon les codes alors en usage. La figure masculine exprime la force et domine la figure féminine, maternelle, en contrebas, selon une partition des fonctions et une hiérarchie interne au couple alors convenus. Le port de la cravate signifie la respectabilité revendiquée. On peut voir en cette affiche une expression du culte de la personnalité qui pénètre alors le parti communiste. On peut au contraire y voir l’expression d’une banalisation soulignée du « fils du peuple » devenu ici l’image de tout homme ordinaire. Les trois couleurs de l’affiche sont celles du drapeau national, mais le bleu et le blanc l’emportent et de beaucoup sur le rouge qui, significativement, n’est utilisé que pour le seul mot « communiste ». Les regards sont tournés vers l’avenir.
L’affiche des jeunesses socialistes du Nord-Pas-de-Calais appelle à une fête des jeunes gardes socialistes à Phalempin, municipalité socialiste du Nord, un peu plus d’un an après la victoire du Front populaire. De jeunes gardes socialistes, organisation d’apparat et d’autodéfense des jeunesses socialistes, vêtues d’un uniforme sur le modèle belge depuis l’automne 1933, brandissent des drapeaux rouges. Elles sont en marche vers un avenir ici signifié par la diagonale qui organise la construction. Au premier rang marche une jeune femme dont la féminité est tout juste suggérée par une manière de poitrine et quelques cheveux s’échappant du béret. Les poings, serrés sur les hampes des drapeaux, occupent le centre de l’affiche, où le rouge et le noir s’imposent avec force.
Les deux partis à fronts renversés
Durant les années 20 et jusqu’en 1934, le parti communiste a affiché avec force dans la ligne de sa tactique « classe contre classe » sa culture spécifique selon un mode graphique très typé. A partir de 1935, il s’attache à modifier son image et adopte un langage patriotique et républicain que les affichent s’efforcent de refléter. Il s’emploie de même à exprimer sa respectabilité et sa conformité avec les valeurs républicaines qu’il prône désormais. Il cherche à se fondre dans une image de la France dont il se réclame et qu’il contribue, au demeurant, à produire, dans les manifestations de rue par exemple.
L’aile gauche du parti socialiste (et en particulier ses jeunesses) craint dans le même temps que le parti n’en vienne à se confondre avec la culture du gouvernement qu’il dirige. Certains s’inquiètent d’une perte d’identité et d’un possible effacement des perspectives révolutionnaires. D’où leur volonté d’affirmer avec force leur différence. Pour cela, ils empruntent au répertoire convenu de la rhétorique révolutionnaire, plus spécialement ici à la culture à l’œuvre dans les partis socialistes belge et allemand (avant 1933). L’affiche a du reste été imprimée en Belgique. Elle s’inspire d’un graphisme étranger à la culture de la S.F.I.O. et relève d’une esthétique qui n’est pas sans évoquer l’Allemagne nazie. Cette affiche et, plus généralement, le port de l’uniforme et les défilés à dimension paramilitaire des J.G.S. (Jeunes gardes socialistes) suscitent une vive opposition dans la majorité du parti.
Eric NADAUD, « Le nouveau militantisme socialiste », in Le Mouvement social, n° 153, décembre 1990.
Danielle TARTAKOWSKY, Le Front populaire, la vie est à nous, Paris, Gallimard coll. « Découvertes », 1996.
Danielle TARTAKOWSKY, « Cultures communiste et socialiste à l'époque du Front populaire », Histoire par l'image [en ligne], consulté le 21/11/2024. URL : https://histoire-image.org/etudes/cultures-communiste-socialiste-epoque-front-populaire
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