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Projet d'habillage de la tour Eiffel pour l'Exposition universelle de 1900, élévation

Projet d'habillage de la tour Eiffel pour l'Exposition universelle de 1900, élévation

Exposition universelle de 1900, trottoir roulant, station du pont de l'Alma

Exposition universelle de 1900, trottoir roulant, station du pont de l'Alma

Projet d'habillage de la tour Eiffel pour l'Exposition universelle de 1900, élévation

Projet d'habillage de la tour Eiffel pour l'Exposition universelle de 1900, élévation

Auteur : TOUSSAINT Henri

Lieu de conservation : musée d’Orsay (Paris)
site web

Date de création : 1900

Date représentée : 1900

H. : 65,5 cm

L. : 87,5 cm

Tirage repris à la gouache et à l'aquarelle contrecollé en plein sur toile

Domaine : Architecture

© RMN - Grand Palais (musée d'Orsay) / Hervé Lewandowski

Lien vers l'image

05-523927 / ARO 1981 931

Un Décor fantastique

Date de publication : Octobre 2020

Auteur : Alexandre SUMPF

Un instantané de la modernité

Projet d’habillage de la tour Eiffel pour l’Exposition universelle de 1900, élévation est une vue d’artiste prenant pour sujet la tour de métal riveté qui était le clou de la précédente Exposition universelle organisée à Paris en 1889.

Son auteur, Henri Toussaint (1849-1911), est un illustrateur et graveur dont le Salon de 1874 a fait la renommée. Il affectionne les paysages urbains et prête une attention particulière à l’architecture ancienne et moderne. Dans le cadre du concours pour l’habillage de la tour Eiffel, il a imaginé lier l’emblème de la modernité et l’invention qui fait fureur en 1900 : l’électricité, à laquelle on consacre pour la première fois un pavillon. Toussaint est un habitué des Expositions universelles, où ses œuvres remportent des distinctions dans les divers concours qui rythment les longs mois de visite. Celle qui s’étale du 15 avril au 12 novembre 1900 sur les bords de la Seine, entre l’esplanade des Invalides, le Champ-de-Mars et les jardins du Trocadéro, est la cinquième à investir la capitale française depuis 1855.

Exposition universelle de 1900, trottoir roulant, station du pont de l’Alma saisit sur le vif l’utilisation par les visiteurs de l’une des attractions majeures de l’Exposition : la « rue de l’Avenir ». Cette plateforme mobile, perchée à 7 m au-dessus du sol, doublée par endroits des rails du train électrique qui fait le tour du territoire de l’Exposition, fait 3,5 km de long. Ponctuée de neuf stations, elle forme une boucle entre l’esplanade des Invalides et le Champ-de-Mars, en passant par le quai d’Orsay. Le trottoir en bois roule à 8 km/h et peut accueillir jusqu’à quatorze mille personnes simultanément pour un tour complet en vingt-six minutes. On y accède par de petites stations et un trottoir plus étroit se déplaçant à 4 km/h.

Comme nombre de clichés transformés en cartes postales, la photographie est l’œuvre des frères Étienne (1832-1918) et Louis-Antonin (1846-1914) Neurdein, héritiers de l’atelier de leur père. Dotés de trente ans d’expérience, missionnés par les Monuments historiques depuis deux ans, chroniqueurs du Paris de l’époque, eux aussi ont remporté des prix aux Expositions et sont même membres du jury en 1900.

Féérie au cœur de la Ville Lumière

Projet d’habillage de la tour Eiffel pour l’Exposition universelle de 1900, élévation présente le monument désormais installé dans le paysage parisien hors de son environnement : dans la réalité, un tel point de vue sans aucun bâtiment autour ou en perspective serait impossible. Toussaint a choisi de simplifier au maximum le décor et les coloris afin de mettre en valeur l’architecture symétrique de son projet de palais soudé à la tour. Le ciel bleu occupe les trois-quarts de l’aquarelle. Il apparaît parsemé de cirrus ocre et blancs, qui font aussi penser à la vapeur des locomotives et des usines de l’époque. Les étages supérieurs de la tour se dressent sur ce fond dans leur profil classique, presque réaliste. Ce sont les deux étages inférieurs et le parvis qui concentrent la proposition de l’architecte. Son palais se compose de verrières soutenues par des éléments métalliques de même couleur que la tour en fer puddlé, agencées de trois façons : similaires à la couverture des nouveaux Grand et Petit Palais situés rive droite, en haut ; en arcades typiques des amphithéâtres romains au rez-de-chaussée ; et en écaille reprenant ce motif dans la partie intermédiaire correspondant au premier étage de la tour. L’entrée monumentale en pierre, de style néoclassique, parachève la synthèse des époques et des matériaux. Enfin, en hommage direct à Eiffel, les sections de ce polygone circulaire sont ponctuées de pylônes en métal imitant le modèle et servant sans doute, comme la tour elle-même, de supports pour les éclairages nocturnes.

Exposition universelle de 1900, trottoir roulant, station du pont de l’Alma est une carte postale photographique en noir et blanc, dans des tons tirant aujourd’hui sur le jaune, résultant sans doute de la qualité médiocre du papier et de l’encre utilisés à l’époque. La composition adopte un point de vue légèrement en surplomb, qui permet à la fois d’embrasser la scène et de jouer avec les lignes géométriques. Le cliché se divise en deux dans la largeur, et en trois dans la hauteur. Le ciel, où pointent les cimes des arbres bordant la Seine, occupe le tiers supérieur, tandis que le tiers inférieur, vide de toute figure humaine, laisse admirer les structures en bois de l’attraction mécanique. Au milieu, se concentrent les bâtiments, dont l’apparence éclectique tranche avec le paysage traditionnellement uniforme du Paris haussmannien. Là aussi, apparaissent les hommes et les femmes empruntant les plateformes mobiles (partie gauche), et ceux qui les regardent passer depuis la passerelle traditionnelle (partie droite). Leurs costumes témoignent de leur appartenance à la bourgeoisie, signe que le photographe a choisi un jour de semaine moins fréquenté et sans ouvriers des faubourgs.

Entre science et spectacle

Pas plus que les autres, le projet signé Henri Toussaint n’est pas validé, et la tour Eiffel reste finalement vierge d’aménagement. Elle constitue en effet une attraction à part entière et sert de décor naturel à l’Exposition, de point de mire à l’Ouest parisien et de symbole pour la capitale.

En revanche, le pourtour du Champ-de-Mars est aménagé, mettant en majesté les inventions et l’industrie. Le palais de l’Électricité, long de 420 m, est, lui, érigé au fond de cet espace qu’il clôt de ses hautes arcades ; devant, la fontaine lumineuse, le Château d’eau, est l’un des phares de la visite. Le soir, des milliers de lampes multicolores teintent l’eau de couleurs changeantes : Parisiens et touristes de la Ville Lumière s’y donnent rendez-vous pour profiter également des projecteurs parant la tour Eiffel et éclairant le parvis. Si une grande partie de l’électricité consommée provient des Moulineaux, en banlieue sud, le palais bénéficie de sa propre turbine, alimentée par 200 t de houille à l’heure pour une puissance de 12 ch.

Le Champ-de-Mars retrouvera son aspect originel à la fin de l’année ; en revanche, restera l’idée que la tour imaginée par Gustave Eiffel puisse servir de support à de la réclame (Citroën en 1931), à des animations visuelles (Coupe du monde 1998) et à divers aménagements capitalisant sur la force de l’emblème.

La renommée immédiate du trottoir roulant reflète parfaitement l’alliance entre innovation, tourisme de masse et spectacle populaire qui signale les Expositions réussies. En sept mois, Paris a vu défiler plus de personnes (entre 45 et 51 millions) que n’en comptait à l’époque la France entière (41 millions).

La réunion de quarante pays et plus de quatre-vingt mille exposants (près de la moitié français), l’exubérance du décor des pavillons en bois, jute et ciment mêlés ont suscité de nombreuses prises de vue. Le cinéaste Georges Méliès a notamment réalisé un reportage cinématographique redoublant l’attraction par l’expérience encore neuve pour beaucoup de la séance de projection. La photographie, elle, est déjà installée dans le quotidien des nations industrialisées. On estime que 1 % des Français pratiquent ce loisir, parfois grâce au Kodak Pocket inventé en 1898 : des visiteurs viennent avec leurs propres appareils et se composent en amateurs des albums souvenirs.

Pour continuer à vendre leurs produits, les ateliers professionnels innovent et se saisissent d’un objet de consommation en plein essor : la carte postale. Si la carte souvenir de 1889, avec le dessin de la tour Eiffel, avait été distribuée à trois cent mille exemplaires, en 1900, leur production explose en quantités et en genres, devenant rentable malgré les coûts de fabrication grâce à la forte demande concentrée en un seul lieu. Ce succès et cette diffusion internationale font de ce support simple un outil majeur de communication à distance et de publicité locale ou internationale.

CARRÉ Patrice A., « Expositions et modernité : électricité et communication dans les expositions parisiennes de 1867 à 1900 », Romantisme, no 65 (Sciences pour tous), 1989, p. 37-48.

LEMOINE Bertrand, La tour de monsieur Eiffel, Paris, Gallimard, coll. « Découvertes Gallimard » (no 62), 1989.

ORY Pascal, Les Expositions universelles de Paris : panorama raisonné, avec des aperçus nouveaux et des illustrations par les meilleurs auteurs, Paris, Ramsay, coll. « Les nostalgies », 1982.

Alexandre SUMPF, « Un Décor fantastique », Histoire par l'image [en ligne], consulté le 21/11/2024. URL : https://histoire-image.org/etudes/decor-fantastique

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