Fanfare des fusiliers marins américains à Saint-Nazaire
L'arrivée des premiers soldats américains en France est fêtée dans la joie et l'espérance
Fanfare des fusiliers marins américains à Saint-Nazaire
Lieu de conservation : médiathèque du Patrimoine et de la photographie (MPP)(Charenton-le-Pont)
site web
Date de création : Juillet 1917
H. : 13 cm
L. : 18 cm
Photographie U.S. Army Signal Corps (créé en 1863)
Domaine : Photographies
Ministère de la Culture -Médiathèque de l'architecture et du patrimoine, Dist. RMN-Grand Palais / US Army Signal Corps
62T502633 - 16-568186
La Guerre en musique
Date de publication : Mars 2022
Auteur : Alexandre SUMPF
La guerre change de disque
Début juillet 1917, comme le montre un cliché pris sur le port de Saint-Nazaire, la Grande Guerre est en passe de changer de visage. Les Français apprennent alors une bonne et une mauvaise nouvelle. La mauvaise, c’est que l’offensive Kerenski lancée par l’armée russe a tourné au fiasco : l’allié qui devait enserrer dans l’autre bouche de la pince les puissances centrales a sombré dans la révolution et est incapable de continuer le combat ; moins d’un an plus tard, il signera une paix séparée. Heureusement, début avril 1917, le président américain Woodrow Wilson a acté l’engagement des États-Unis aux côtés de l’Entente, et les premiers soldats d’outre-Atlantique débarquent en Bretagne, suscitant une vague d’espoir tranchant avec le pessimisme, l’épuisement et la révolte provoqués par trois ans de guerre ininterrompue. Les photographes militaires couvrent bien sûr cet événement de signification mondiale rythmé par les musiciens de l’armée américaine.
Une entrée en fanfare
La fanfare des fusiliers marins américains photographiée à Saint-Nazaire fin-juin début juillet 1917 pose dans l’encadrement de la porte de la voiture qui va les emporter sur les rails vers l’intérieur du pays. Le fameux wagon « 8 chevaux, 40 hommes » n’est qu’une étable sur roues ferrées, desservie par un cheminot français qui se tient debout. Les soldats de Wilson, eux, portent un uniforme jamais vu en France, avec le chapeau de la garde et les bottes en cuir en lieu et place des guêtres. L’ensemble d’instruments à vent comprend des tubas, trompettes de diverses tailles, clarinette et piccolo, ainsi qu’une grosse caisse que l’on devine derrière les musiciens. Si les regards sont intenses, l’un d’entre eux sourit et l’autre porte des lunettes de soleil : ils n’ont pas encore fait l’épreuve du feu.
Quand elles débarquent dans les ports bretons, les nouvelles troupes qui viennent de traverser l’Atlantique entrent en fanfare sur le sol français. Si on ne distingue pas sur cette photo le navire militaire qui les a convoyés, il ne fait pas de doute que l’on assiste ici à la première rencontre entre le public et ces volontaires venus aider l’Entente à gagner la guerre. La petite réception, répétition de futures cérémonies d’ampleur à Paris, se déroule au son des cuivres, en particulier les trois soubassophones que le plan large fait ressortir dans la masse grise des soldats.
Une affaire d’hommes
Les orchestres militaires, par essence, sont une affaire d’hommes, comme tout ce qui touche alors à l’armée, mais aussi de manière générale à l’espace public. Les cuivres, demandant un souffle puissant et pour les plus gros instruments la force de les porter en marchant, empêchent la pratique féminine qui se cantonne encore aux flûtes. Le genre de musique joué contribue aussi au caractère viril de la fanfare, qui est considérée aux États-Unis comme un genre majeur dès le début du XXe siècle. La Grande Guerre conduit à l’abandon de la musique de campagne jouée lors des déplacements de troupe pour une fonction simplement cérémonielle. Les musiciens pris en photo en 1917 en France appartiennent probablement à la Première division d’infanterie envoyée la première outre-Atlantique : leur répertoire inclut l’hymne de cette unité, « Big Red One Song ». La mobilisation de 1917 fait affluer de nombreux professionnels dans les rangs de l’armée, y compris des jazzmen afro-américains appartenant aux trente et un régiments de soldats de couleur. Ils marquent par leur absence sur ces deux clichés alors qu’ils sont restés célèbres pour avoir, dit la légende, introduit le jazz en Europe. Malgré l’exotisme de leur uniforme et des lunettes de soleil incongrues, ces hommes viennent s’intégrer dans une tradition européenne, et pas révolutionner la musique populaire du Vieux Continent.
Olivier Chaline, Olivier Forcade (dir.), L’engagement des Américains dans la guerre en 1917-1918 : La Fayette, nous voilà !, Paris, Sorbonne université presses, 2020.
Philippe Gumplowicz, Les travaux d’Orphée. Deux siècles de pratique musicale amateur en France (1820-2000). Harmonies, chorales, fanfares, Aubier, 2001.
Gilbert Nicolas, Éric Joret, Jean-Marie Kowalski, Images des Américains dans la Grande Guerre : de la Bretagne au front de l’Ouest, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2017.
Revue historique des armées, la Musique militaire, dir. Thierry Bouzard, n° 279, 2e trimestre 2015
Triple Entente : Ou Entente. Alliance élaborée entre la France, la Grande-Bretagne et la Russie à partir de 1898 pour contrebalancer la Triple Alliance (ou Triplice), formée par l’Allemagne, l’Autriche-Hongrie et l’Italie.
Alexandre SUMPF, « La Guerre en musique », Histoire par l'image [en ligne], consulté le 21/11/2024. URL : https://histoire-image.org/etudes/guerre-musique
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