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La Reddition de Bréda

La Reddition de Bréda

Date de création : Vers 1635

Date représentée : 5 juin 1625

H. : 307,3 cm

L. : 371,5 cm

Autre titre : Les Lances.

Huile sur toile.

Domaine : Peintures

Domaine Public © CC0 Museo Nacional del Prado

Lien vers l'image

P001172

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La Reddition de Bréda

Date de publication : Septembre 2022

Auteur : Paul BERNARD-NOURAUD

Une des dernières victoires espagnoles de la guerre de Quatre-Vingts Ans

Le conflit armé qui éclate en 1568 dans les Pays-Bas espagnols cesse en 1609. La Trêve de Douze Ans qui s’ensuit est cependant rompue par l’arrivée en 1621 sur le trône d’Espagne du tout jeune Philippe IV (1), qui entend ramener dans son giron les territoires sécessionnistes. La place-forte de Bréda représente à cet égard un haut-lieu à la fois stratégique et symbolique, puisqu’elle constitue le point d’entrée des Provinces-Unies depuis le sud, et la ville où, le 16 février 1566, une assemblée de nobles néerlandais signèrent le Compromis par lequel ils s’engageaient à faire respecter leurs droits provinciaux par l’administration espagnole, posant ainsi le premier jalon vers l’émancipation de sa tutelle. Le roi confie le commandement de l’expédition contre Bréda à un aristocrate génois, entré au service de l’Espagne vingt ans plus tôt : Ambrogio Spinola (1569-1630). Ses succès militaires lui ont coûté sa fortune mais valu la notoriété. Son expérience des sièges le désigne pour conduire celui de Bréda, qui dure d’août 1624 au 5 juin 1625, date à laquelle, après une résistance obstinée, Justin de Nassau (1559-1631) est contraint de rendre les armes et de lui livrer les clefs de la cité vaincue. Reste la postérité d’une reddition dûment obtenue, dont le tableau de Diego de Velázquez fixe le dénouement pour la postérité. La Reddition de Bréda a été commandée à Velázquez par Philippe IV pour le Salon des Royaumes, la galerie des batailles de son palais du Buen Retiro où le souverain recevait les ambassades étrangères. Le tableau apparaît conforme à sa destination aussi bien qu’aux attendus de son commanditaire : commémorer la victoire de l’armée espagnole tout en faisant montre d’une magnanimité qui affirme aux yeux de tous son impérial désir de paix et de concorde.

Un tableau de bataille et un portrait de groupe

La composition de Velázquez emprunte à deux traditions picturales : celle du tableau de bataille et celle du portrait de groupe. La première est de tradition européenne. Dans le cas du siège de Breda, elle est notamment représentée par le tableau de Pieter Snayers (1592-1667) montrant la visite qu’y fit la gouvernante des Pays-Bas espagnols et tante de Philippe IV Isabelle-Claire-Eugénie d’Autriche (1566-1633). On y retrouve la distribution de l’espace pictural caractéristique du genre entre les figures principales représentées en frise dans la partie inférieure et, au-dessus d’elles, une vue cavalière topographique montrant l’étendue du théâtre des opérations. Velázquez reprend partiellement ce principe de composition. Mais il y réduit sensiblement la dimension topographique du tableau de bataille au profit d’un genre plus spécifiquement hollandais : le portrait de groupe (détail 1). Les visages des différents protagonistes sont en effet individualisés, en particulier côté espagnol, où la régularité des lances des redoutables tercios, qui donnent leur titre au tableau, contraste avec les quelques armes d’hast (2) des rangs hollandais. Les différentes figures, qui saturent l’espace de la composition, ne se regardent pas, tournées qu’elles sont vers elles-mêmes ou bien vers le spectateur. Les deux parties sont toutefois réunies par le geste de Spinola, qui s’est découvert et retient Justin de Nassau de se courber face à lui en lui posant la main sur l’épaule. Cet échange qui unifie le tableau le dote par-là même d’une valeur politique : celle d’un règlement pacifique des épreuves de la guerre, pour ne pas dire d’une réconciliation possible.

Commémorer une victoire et célébrer la paix

Le message politique dont la peinture se fait ainsi le véhicule apparaît d’autant plus efficace qu’il rejoint en cela d’autres types de discours artistiques issus de l’événement. Dans une certaine mesure, Velázquez semble presque illustrer, dans sa peinture, les paroles que le dramaturge Pedro Calderón de la Barca (1600-1681) mit dès 1626 dans la bouche du vainqueur à l’adresse de son adversaire dans sa pièce intitulée précisément Le Siège de Breda : « Justin, je les reçois en ayant pleinement conscience de votre vaillance ; car la valeur du vaincu fait la gloire du vainqueur. » Le peintre aura eu l’occasion de se voir confirmé l’authenticité de ces mots par le soldat lui-même, puisque c’est Spinola qui le conduit à Gênes en 1629 pour son premier voyage en Italie. Quoi qu’il en soit, la vérité historique confirme que le chef militaire ordonna bel et bien à ses troupes que les survivants du siège fussent traités avec respect. Mais la conformité à la commande aussi bien qu’aux discours historiques ou fictionnels qui l’accompagnent ne doit pas conduire à faire l’impasse sur certaines irrégularités qui en troublent la lecture. Laquelle est en partie obstruée par les deux figures représentées de dos au premier plan : le piquier hollandais, d’un côté, le cheval bai, de l’autre (détail 2). De même, à l’arrière-plan, le terrain habituellement traité avec une précision quasi-cartographique a laissé place à un paysage indiscernable parce que ravagé. Ravages dont le mousquetaire de droite, un peu à l’écart de ses compagnons, paraît porter ici témoignage, en opposant au spectateur ses traits tirés et son regard inquiet sous la forme d’une interpellation silencieuse (détail 2). La victoire savamment obtenue par Spinola resta sans véritable lendemain pour l’Espagne, qui dut rétrocéder Bréda aux Hollandais en 1637, après un autre siège, et reconnaître douze ans plus tard l’indépendance définitive des Provinces-Unies . Du premier siège victorieux ne reste finalement, pour la postérité, que le tableau de Velázquez.

La rendición de Breda Musée du Prado (en espagnol)

Bartolomé BENNASSAR, Velázquez. Une vie, Paris, Fallois, 2010.

Jonathan BROWN, Velázquez [1986], Paris, Fayard, 1988.

Carl JUSTI, Velázquez et son temps [1888], New York, Parstone Press International, 2006.

Guillaume KIENTZ, Velázquez. L’affrontement de la peinture, Paris, Cohen & Cohen, 2015.

Francisco PACHECO, L’Art de la peinture [1649], Paris, Klincksieck, 2010.

1 - Philippe IV (1605-1665) : fils de Philippe III, il devient roi d’Espagne en 1621. Il épouse Élisabeth de France, fille d’Henri IV puis Marie-Anne d'Autriche en 1649.

2 - Armes d'hast : lances, piques, ou hallebardes

Paul BERNARD-NOURAUD, « La Reddition de Bréda », Histoire par l'image [en ligne], consulté le 24/04/2024. URL : histoire-image.org/etudes/reddition-breda

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