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La Française. Journal de progrès féminin

La Française. Journal de progrès féminin

Les Françaises veulent voter !

Les Françaises veulent voter !

Sauvons-les !

Sauvons-les !

La Française. Journal de progrès féminin

La Française. Journal de progrès féminin

Date de création : 1906

Date représentée :

H. : 121 cm

L. : 80 cm

Domaine : Affiches

Domaine Public © CC0 Collections La Contemporaine, Nanterre

Lien vers l'image

AFF20811

Le féminisme réformiste en France

Date de publication : mai 2011

Auteur : Alexandre SUMPF

Le combat des femmes françaises pour l’égalité

Depuis le dernier tiers du XIXe siècle, les féministes françaises revendiquent l’égalité civique entre les hommes et les femmes, qui ne disposent alors d’aucun droit d’action en justice ou auprès de l’administration, et ne peuvent théoriquement contracter d’assurance ou obtenir de pièce d’identité sans autorisation de leur conjoint. En 1901 naît le Conseil national des femmes françaises, et le « sexe faible » obtient progressivement de nouveaux droits, sur fond de laïcisation et de démocratisation de la nation. Dans ce contexte paraît en 1906 le premier numéro de La Française. Journal de Progrès féminin, revue créée par Jane Misme, journaliste. Mais c’est aussi au tournant du siècle que le combat des femmes se concentre sur le droit de vote, avec la première proposition de loi l’offrant à toutes les femmes sans distinction, déposée à la Chambre en février 1914 suite à cinq années de pression par l’Union française pour le suffrage des femmes (U.F.S.F.). L’entre-deux-guerres voit le gel de l’avancée sur le terrain du vote, par crainte d’un retour en force du cléricalisme, tandis que l’égalité civique progresse peu à peu.

Le « progrès féminin », laïque et démocrate

Artiste-peintre épouse d’un juriste, Alice Kaub-Casalonga (1875-1948) crée à la demande de Jane Misme une affiche pour l’appel à souscrire à la revue qu’elle fonde, La Française, titre dont la typographie est stylisée selon les codes en vigueur de l’Art nouveau. Une femme est figurée de profil, l’air grave et mélancolique à la fois, parée d’une robe d’un rouge franc dans lequel on doit voir un signe de la noblesse de son rang plutôt qu’un rappel de la révolution. Le drapé est économe, la sensualité dissimulée. Elle se détache sur une sorte de décor de théâtre où un ciel d’un jaune solaire domine un paysage rural crayonné en grisé. Elle divise l’affiche verticalement en deux parties et inscrit dans la scène un mouvement assez lent, presque imperceptible. Derrière elle flotte un foulard diaphane, devant elle les pétales tombant du bouquet de fleurs de tonalité similaire à sa robe opèrent une transition entre le titre et la raison sociale de la revue.

En noir et blanc, tout en texte, l’affiche Les Françaises veulent voter ! ne fait pas dans la suggestion, mais dans la démonstration. La carte qui l’illustre montre qu’une même arriération politique unit la France, la Suisse, le Luxembourg, le Portugal et certaines nations d’Europe orientale, tandis que les « grands pays d’Europe » ont ou vont accorder le droit de vote aux femmes. Le discours porté par l’U.F.S.F. livre des arguments centrés sur les femmes à gauche, sur l’intérêt national à droite.

Assez typique des affiches du parti socialiste au début des années 1930, Sauvons-les ! se construit sur le contraste entre obscurantisme teinté de noir du monde clérical et espace aveuglant de blancheur de la République laïque. Ils sont séparés par un immense drapeau rouge, à la fois écran protecteur et, par ses volutes, flamme révolutionnaire toujours vivante. Le jeu de perspective réduit fortement la taille des enfants à genoux, tristes, soumis à la chauve-souris ecclésiastique ; à l’inverse, le garçon de la laïque, debout et vigoureux, pratique le sport, et ses jeunes camarades resplendissent de joie. Aux ailes crochues de la chauve-souris s’oppose le bras ouvert d’une République jeune dont le bonnet phrygien rouge n’est pas sans rappeler celui de la Liberté peinte par Delacroix tout juste un siècle auparavant.

Le droit des femmes à construire leur image

Le dessin d’Alice Kaub-Casalonga reproduit en couverture de La Française montre un progrès dans la représentation même de la condition féminine : ni allégorie, ni princesse, ni amante, ni mère, ni épouse, le personnage est juste une femme. Un an plus tard, en 1907, les femmes obtiennent la maîtrise complète de leurs revenus et peuvent soutenir les diverses initiatives de structuration de l’espace public en faveur des libertés féminines. À l’instar de leurs camarades britanniques, américaines, russes ou allemandes, les féministes françaises utilisent volontiers les outils de propagande (meetings, affichage, presse pour public spécifique) qui peuplent désormais le quotidien des Français.
En dépit de la volonté générale de récompenser à sa juste valeur l’effort consenti par les femmes pendant la guerre, la réforme du droit de vote reste bloquée au Sénat après la décision de la Chambre. Ce sont notamment les radicaux, à l’origine de la loi de séparation de l’Église et de l’État de 1905, qui redoutent le vote des femmes. En ces années de répression accrue de l’émancipation féminine au nom de la morale bourgeoise et catholique, les féministes descendent dans la rue et occupent l’arène médiatique. Elles reçoivent le soutien des socialistes, qui voient en elles le symbole de la défense laïque, outil de progrès social avec la démocratisation. Cécile Brunschvicg (1877-1946), présidente de l’U.F.S.F. à partir de 1924 et rédactrice en chef de La Française la même année, incarne ce féminisme réformiste. En 1936, elle devient l’une des trois premières femmes ministres, sous le gouvernement de Front populaire de Léon Blum. Mais il faut attendre 1944 pour que les femmes obtiennent le droit de vote.

Christine BARD et Valérie NEVEU, Visages du féminisme réformiste, 1901-1940, catalogue de l’exposition présentée à l’occasion de l’inauguration du Centre des archives du féminisme (18-30 avril 2001), Angers, Bibliothèque universitaire d’Angers, 2001.

Laurence KLEJMAN et Florence ROCHEFORT, L’Égalité en marche : le féminisme sous la Troisième République, Paris, Presses de la Fondation nationale des sciences politiques, 1989.

Florence ROCHEFORT, « Laïcisation des mœurs et équilibres de genre. Le débat sur la capacité civile de la femme mariée (1918-1938) », in Vingtième Siècle. Revue d’histoire, 2005-3, n° 87

Alexandre SUMPF, « Le féminisme réformiste en France », Histoire par l'image [en ligne], consulté le 23/11/2024. URL : https://histoire-image.org/etudes/feminisme-reformiste-france

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