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Carte réclame - Asnières

Carte réclame - Asnières

La Guinguette de Robinson

La Guinguette de Robinson

Carte réclame - Asnières

Carte réclame - Asnières

Date de création : 1880-1900

Date représentée :

H. : 6,5 cm

L. : 9,4 cm

Éditeur : Courbe-Rouzet, Paris.

Chromolithographie, rehauts d'or. 

Domaine : Estampes-Gravures

© MuCEM, Dist. RMN-Grand Palais / image MuCEM

Lien vers l'image

1995.1.1837.2 - 05-528630

Guinguettes et imagerie populaire

Date de publication : Septembre 2010

Auteur : Alexandre SUMPF

La guinguette, au cœur d’une nouvelle imagerie populaire

À la fin du XIXe siècle, les guinguettes constituent un référent culturel et identitaire fort, très ancré dans les pratiques et dans l’imaginaire collectif. Lieu de divertissement populaire et bon marché, ces établissements du dimanche où l’on peut boire, danser, se baigner et se détendre se multiplient, connaissant une hausse de fréquentation significative. C’est donc assez logiquement que les guinguettes deviennent l’objet des représentations les plus diverses et l’un des thèmes privilégiés de l’imagerie populaire.

Ce secteur connaît depuis le milieu du XIXe siècle une véritable révolution, due en premier lieu au perfectionnement des techniques de l’estampe qu’a notamment permis l’apparition de la chromolithographie, procédé d’impression en couleurs mis au point par Godefroy Engelmann à la fin des années 1830. Par ailleurs caractérisé par le développement du capitalisme industriel, de grands centres urbains et de nouveaux produits, le contexte offre ainsi aux imagiers de nouvelles voies de distribution et de nouveaux clients : l’âge d’or de la « réclame » est lancé.

Parallèlement à la multiplication des affiches, l’époque voit alors fleurir les « cartes- réclames », vignettes imprimées sur carton éditées en série (de six à plus de cent images selon les cas) que les nouveaux grands magasins offrent en masse à leurs clients à l’occasion d’un achat ou pour récompenser la fréquentation de l’établissement. Inspirées de thèmes très divers, parfois pédagogiques (historiques ou géographiques), elles vantent de plus en plus souvent des produits, des événements (comme les expositions universelles), des régions à visiter ou encore des loisirs à pratiquer. La guinguette y trouve tout naturellement sa place.

Scènes de fête

Avec Carte-réclame : Asnières, il s’agit de promouvoir la ville d’Asnières-sur-Seine au travers de ses célèbres guinguettes. Fidèle aux codes du genre, elle offre une image lumineuse et très colorée que renforcent des rehauts d’or, procédé assez fréquent à l’époque pour ce type de chromolithographies. Si le trait semble assez simple, la présence de petits points de couleur, particulièrement denses à gauche, inscrit cette carte dans une certaine modernité, celle du pointillisme impressionniste que pratiquent alors Seurat, Pissarro ou Signac. Elle représente deux couples de personnages enfantins qui dansent, vêtus comme des adultes : à la tenue des canotiers (le haut de couleur rayé horizontalement aux manches courtes et, dans une moindre mesure, les couvre-chefs), le costume assez inédit des garçonnets mêle un pantalon blanc, des bottes et une ceinture de tissu. Quant aux fillettes, elles arborent d’élégantes toilettes de couleur vive, parées de plumes et de dentelles. Visiblement, les joyeux couples s’amusent : les « hommes » font les pitres, tandis que les « femmes » minaudent. Au second plan, juste esquissés, apparaissent la terrasse de la guinguette avec son auvent, et un homme attablé qui boit un verre dans la verdure.

La photographie La Guinguette, panneau décoratif destiné à la buvette de l’Hôtel de Ville, reproduit en noir et blanc une peinture de Jean Veber (1868-1928), sociétaire de la Société nationale des beaux-arts à partir de 1901, qui, dans La Guinguette, offre aussi d’un tel lieu une représentation colorée, idéalisée et positive. L’artiste a choisi de figurer la guinguette à travers un large panorama dont la composition et la vue à distance ne sont pas sans rappeler Jérôme Bosch. Cette grande scène de fête fourmille de personnages qui mangent, dansent, font de la musique ou de la balançoire, boivent, certains jusqu’à s’enivrer, batifolent ou jouent à la pétanque. La toile prend une dimension de conte fantastique pour enfants avec les arbres dont l’un porte une maison et ceux qui enserrent ou émergent de la guinguette à visage humain. Mais l’établissement est bien reconnaissable à son tenancier debout sur le pas de sa porte, à la réserve de tonneaux, aux tables et à la danse.

La guinguette idéalisée, entre retour en enfance et joies d’adultes

Ces deux images déclinent une représentation positive et idéalisée de la guinguette, vue dans son essence même comme un lieu de plaisir, de sociabilité et de détente festive. Dans Carte-réclame : Asnières, c’est bien à ses guinguettes que la ville s’identifie pour assurer sa promotion et susciter le désir d’y venir. Quant à La Guinguette, elle invite les citadins à jouir du merveilleux cadre qu’offre la campagne pour festoyer, parfois avec de gentils excès. Dans les deux cas, l’accent est mis sur les traits caractéristiques qu’a cette pratique culturelle dans l’imaginaire collectif : danse, nature, alcool, fête, charme, jeux et loisirs, la guinguette est tout cela.

Un point semble cependant assez troublant, qui concerne les aspects relatifs à l’enfance et à l’âge adulte. Carte-réclame : Asnières suggère que la guinguette est un lieu où l’on retombe en enfance, une fontaine de jouvence où l’on retrouve l’insouciance de ses jeunes années, que les tracas urbains de la semaine font oublier. De même, La Guinguette déborde d’une atmosphère fantastique, irréelle et quelque peu enfantine, loin du réel et de ses complications. Mais les enfants ont ici des pratiques d’adultes : le charme est présent dans Carte-réclame : Asnières, où « hommes » et « femmes » ont l’air plutôt déluré, et dans La Guinguette, où les couples ne se contentent pas de jeux innocents.

Kali ARGYRIADIS et Sara LE MENESTREL, Vivre la guinguette, Paris, P.U.F., 2003.

Marc BOYER, Histoire du tourisme de masse, Paris, P.U.F., 1999.Alain CORBIN (dir.), L’Avènement des loisirs (1850-1960), Paris, Aubier, 1995.

Marc MARTIN, Trois siècles de publicité en France, Paris, O. Jacob, 1992.

Michael TWYMAN, Images en couleur. Godefroy Engelmann, Charles Hullmandel et les débuts de la chromolithographie, Paris-Lyon, Éditions du Panama-Musée de l’Imprimerie, 2007.

Imagerie populaire : Née avec les techniques d’impression mécanique qui permettent la reproduction d’une même image à l’infini et sa diffusion à moindre coût et au plus grand nombre à des fins d’information, mais également de propagande. L’un des principaux centres de fabrication de ces gravures populaires est Épinal – on parle en ce cas d’images d’Épinal.

Alexandre SUMPF, « Guinguettes et imagerie populaire », Histoire par l'image [en ligne], consulté le 21/11/2024. URL : https://histoire-image.org/etudes/guinguettes-imagerie-populaire

Anonyme (non vérifié)

Comment peut-on rechercher les biographies ou documents d''archives, par exemple, sur Godefroy Engelmann?

Merci

sam 08/01/2011 - 17:34 Permalien
Anonyme (non vérifié)

De nombreuses ressources concernant Godefroy Engelmann sont disponibles en ligne. Le site de l'agence photographique de la Réunion des musées nationaux présente un nombre important de ses œuvres :
agence photographique de la Réunion des musées nationaux.

Pour une recherche plus approfondie sur sa vie, vous pouvez également faire une recherche dans les fonds de la Bibliothèque nationale de France, ou, si vous savez où chercher, en vous adressant aux services d'archives.

lun 10/01/2011 - 10:32 Permalien

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