Aller au contenu principal
Une guinguette

Une guinguette

Guinguette à Poissy

Guinguette à Poissy

La Brise de mer. Guinguette à Port-Méjean

La Brise de mer. Guinguette à Port-Méjean

Une guinguette

Une guinguette

Date de création : 1913

Date représentée : 1913

H. : 6,4 cm

L. : 8,9 cm

Aristotype.

Domaine : Photographies

© RMN-Grand Palais (musée d'Orsay) / Hervé Lewandowski

Lien vers l'image

PHO 1988 20 744 - 08-520483

Représenter les guinguettes

Date de publication : Septembre 2010

Auteur : Alexandre SUMPF

Représenter la guinguette après l’impressionnisme

À partir de la fin du second Empire, la fréquentation des guinguettes relève d’un véritable art de vivre. Très ancré dans les pratiques et dans l’imaginaire, ce genre de lieu devient un symbole culturel tel qu’il s’impose comme un motif artistique à part entière en littérature (Maupassant avec Une partie de campagne en 1881) et en peinture, notamment pour l’école impressionniste qui en fait l’un de ses thèmes caractéristiques et privilégiés (Le Bal du Moulin de la Galette de Renoir en 1876 par exemple). La représentation de ces établissements et de ceux qui s’y détendent offre alors un choix assez nouveau de sujets « quotidiens » et « populaires », loin de tout académisme.

S’ils sont les héritiers conscients ou inconscients de cette approche impressionniste, Charles Augustin Lhermitte, Eugène Dauphin et Henri Lemoine proposent un autre traitement de ce thème devenu alors « pittoresque ». Les deux photographes (Lemoine et Lhermitte) choisissent une voie presque documentaire, quand Dauphin privilégie une approche plus naturaliste et plus classique, qui relève du « paysage ». Les présents documents apportent par ailleurs divers renseignements tant sur la guinguette, alors véritable phénomène social et culturel, que sur l’évolution et la perception de ce genre d’établissement dans les premières années du XXe siècle.

La guinguette, entre scène de vie et paysage

Datant de 1913, la photographie Une guinguette est l’œuvre de Charles Augustin Lhermitte. Si ce photographe amateur manifeste un certain intérêt pour les expérimentations formelles et esthétiques du pictorialisme dont il adopte parfois certains procédés, il privilégie généralement une approche descriptive de son sujet. Ses représentations de la vie et des paysages ruraux s’inscrivent ainsi dans le courant de la photographie documentaire de la fin du XIXe siècle et du début du XXe. Assez loin de l’image fine et nette qui caractérise ses clichés les plus célèbres, Une guinguette semble assez peu retravaillée, exprimant une certaine spontanéité de la part de son auteur. Elle montre au premier plan des clients endimanchés, costume et canotier pour les hommes, élégants corsages et chapeaux pour les femmes, attablés devant leurs consommations. Assis dans l’ombre des arbres, ils attendent que le spectacle commence sur la petite scène couverte. Une haie fleurie sépare l’établissement d’une voie où les promeneurs (dont on aperçoit les têtes) sont nombreux. Au second plan, la vive lumière du soleil inonde un édifice en bois qui comporte deux balcons surélevés, dont profitent ici trois femmes.

Privilégiant des sujets comme les halles de Paris ou encore les champs de courses, Henri Lemoine cherche simplement à capter certains traits de son époque et s’inscrit lui aussi dans une perspective documentaire. Le cliché Guinguette à Poissy, probablement réalisé dans les années 1910, montre des clients, hommes, femmes et enfants tous bien vêtus, venus assister à un spectacle. Assis à l’abri de grandes ombrelles peintes, ils ont pris place sur des chaises de métal face à une scène située hors champ. Les peupliers et les saules du second plan impriment une ambiance très champêtre à l’ensemble.

Toile exposée au Salon de la Société nationale des beaux-arts de 1912, La Brise de mer. Guinguette à Port-Méjean est une œuvre d’Eugène Baptiste Émile Dauphin. Membre de l’Académie des peintres de la marine, l’artiste toulonnais a très souvent peint les sites marins de sa région et a notamment consacré plusieurs tableaux à Port-Méjean. La mer, les barques et les côtes rocheuses du cap Brun jouent ici le rôle principal, la guinguette et ses minuscules clients n’étant qu’un élément serti dans le vaste panorama qui les entoure.

L’évidence de la guinguette

Très fréquentées depuis les années 1880, les guinguettes connaissent un nouvel essor à l’aube du XXe siècle et vivent alors le début de leur « âge d’or ». L’amélioration des transports, le développement de la publicité, l’urbanisation croissante, mais aussi la loi du 13 juillet 1906 qui instaure le repos dominical expliquent, entre autres, que les guinguettes deviennent de véritables institutions. S’ils ont d’abord plutôt attiré les classes populaires, ces lieux de loisir et de sociabilité ont vite touché les classes moyennes voire relativement aisées.

Si ces établissements sont spontanément associés aux environs de Paris (Montmartre au XIXe siècle, puis les bords de Seine et de Marne), il en existe en fait sur tout le territoire français, près des agglomérations. La Brise de mer. Guinguette à Port-Méjean montre aussi le fort attrait qu’exerce l’eau, qu’elle soit mer, fleuve ou rivière.

Enfin, les deux photographies suggèrent presque une essence de la guinguette, élément si profondément ancré dans les modes de vie et les esprits qu’il acquiert une sorte d’évidence générique et reconnaissable. Comme les titres des clichés en témoignent, il ne s’agit pas de singulariser un lieu et un type de clientèle, mais de capter une pratique culturelle invariable selon l’établissement. On comprend alors que la guinguette soit aussi perçue et vécue comme un lieu de sociabilité démocratique et assez égalitaire, à la différence des stations balnéaires par exemple, un lieu où, si les tarifs les trient, les clients s’adonnent aux mêmes loisirs.

Kali ARGYRIADIS et Sara LE MENESTREL, Vivre la guinguette, Paris, P.U.F., 2003.

Francis BAUBY, Sophie ORIVEL et Martin PENET, Mémoire de guinguettes, Paris, Omnibus, 2003.

Marc BOYER, Histoire du tourisme de masse, Paris, P.U.F., 1999.

Alain CORBIN (dir.), L’Avènement des loisirs (1850-1960), Paris, Aubier, 1995.

Alexandre SUMPF, « Représenter les guinguettes », Histoire par l'image [en ligne], consulté le 12/12/2024. URL : https://histoire-image.org/etudes/representer-guinguettes

Ajouter un commentaire

HTML restreint

  • Balises HTML autorisées : <a href hreflang> <em> <strong> <cite> <blockquote cite> <code> <ul type> <ol start type> <li> <dl> <dt> <dd> <h2 id> <h3 id> <h4 id> <h5 id> <h6 id>
  • Les lignes et les paragraphes vont à la ligne automatiquement.
  • Les adresses de pages web et les adresses courriel se transforment en liens automatiquement.
CAPTCHA
Cette question sert à vérifier si vous êtes un visiteur humain ou non afin d'éviter les soumissions de pourriel (spam) automatisées.

Mentions d’information prioritaires RGPD

Vos données sont sont destinées à la RmnGP, qui en est le responsable de traitement. Elles sont recueillies pour traiter votre demande. Les données obligatoires vous sont signalées sur le formulaire par astérisque. L’accès aux données est strictement limité aux collaborateurs de la RmnGP en charge du traitement de votre demande. Conformément au Règlement européen n°2016/679/UE du 27 avril 2016 sur la protection des données personnelles et à la loi « informatique et libertés » du 6 janvier 1978 modifiée, vous bénéficiez d’un droit d’accès, de rectification, d’effacement, de portabilité et de limitation du traitement des donnés vous concernant ainsi que du droit de communiquer des directives sur le sort de vos données après votre mort. Vous avez également la possibilité de vous opposer au traitement des données vous concernant. Vous pouvez, exercer vos droits en contactant notre Délégué à la protection des données (DPO) au moyen de notre formulaire en ligne ( https://www.grandpalais.fr/fr/form/rgpd) ou par e-mail à l’adresse suivante : dpo@rmngp.fr. Pour en savoir plus, nous vous invitons à consulter notre politique de protection des données disponible ici en copiant et en collant ce lien : https://www.grandpalais.fr/fr/politique-de-protection-des-donnees-caractere-personnel

Partager sur

Découvrez nos études

Le Moulin de la Galette

Le Moulin de la Galette

Le moulin de la Galette qui donne son titre à ces deux toiles se situait sur la butte Montmartre (annexée à Paris en 1860), à côté du moulin qui…

Le Moulin de la Galette
Le Moulin de la Galette
Bonne et mauvaise ivresse

Bonne et mauvaise ivresse

À Paris, en 1829, des médecins et des chimistes fondent les Annales d’Hygiène Publique et de Médecine Légale, dont l’objectif est de rendre compte…

Bonne et mauvaise ivresse
Bonne et mauvaise ivresse
Le Chat noir, salle obscure

Le Chat noir, salle obscure

Au cœur de la bohème artistique fin de siècle

Quand en 1896 Théophile Alexandre Steinlen (1859-1923) réalise sa fameuse affiche, emblème de la…

Le Chat noir, salle obscure
Le Chat noir, salle obscure
Le Chat noir, salle obscure
Théâtres et cabarets parisiens au XIX<sup>e</sup> siècle

Théâtres et cabarets parisiens au XIXe siècle

Au XIXe siècle, la fréquentation des cabarets et des théâtres est un aspect fort important de la culture urbaine, populaire ou petite-…

Théâtres et cabarets parisiens au XIX<sup>e</sup> siècle
Théâtres et cabarets parisiens au XIX<sup>e</sup> siècle
Théâtres et cabarets parisiens au XIX<sup>e</sup> siècle
Théâtres et cabarets parisiens au XIX<sup>e</sup> siècle
Naissance d'une star

Naissance d'une star

Désir et déchéance

En 1929, le producteur allemand Erich Pommer, de la UFA, demande à Josef von Sternberg, cinéaste d’origine autrichienne, de…

Femmes et frissons de plaisir à la Belle Époque

Femmes et frissons de plaisir à la Belle Époque

La République s’amuse

Après le régime si décrié du Second Empire (« la fête impériale »), la IIIe République a commencé par un retour…

Femmes et frissons de plaisir à la Belle Époque
Femmes et frissons de plaisir à la Belle Époque
Femmes et frissons de plaisir à la Belle Époque
Femmes et frissons de plaisir à la Belle Époque
La sociabilité urbaine au début du XIX<sup>e</sup> siècle

La sociabilité urbaine au début du XIXe siècle

La civilisation urbaine au début du XIXe siècle

Si le monde citadin, durant le premier tiers du XIXe siècle, reste encore…

La sociabilité urbaine au début du XIX<sup>e</sup> siècle
La sociabilité urbaine au début du XIX<sup>e</sup> siècle
Guinguettes et imagerie populaire

Guinguettes et imagerie populaire

La guinguette, au cœur d’une nouvelle imagerie populaire

À la fin du XIXe siècle, les guinguettes constituent un référent culturel et…

Guinguettes et imagerie populaire
Guinguettes et imagerie populaire
Aristide Bruant, ambassadeur de Montmartre

Aristide Bruant, ambassadeur de Montmartre

La Belle Époque des cafés-concerts

Dans le dernier quart du XIXe siècle, Paris est le cœur battant de la vie artistique mondiale. La…

Cora Pearl, célèbre courtisane du Second Empire

Cora Pearl, célèbre courtisane du Second Empire

Les portraits-charges de Gill

Sous le Second Empire, la presse illustrée connaît un essor considérable, notamment les journaux satiriques où…