Aller au contenu principal
Le Défenseur

Le Défenseur

Caricature de l'avocat Lachaud.

Caricature de l'avocat Lachaud.

Le Défenseur

Le Défenseur

Auteur : DAUMIER Honoré

Lieu de conservation : musée d’Orsay (Paris)
site web

Date représentée :

H. : 19 cm

L. : 29,5 cm

Aquarelle, encre grise, lavis gris, pierre noire, rehauts de gouache

Domaine : Dessins

© GrandPalaisRmn (musée d'Orsay) / Michèle Bellot

Lien vers l'image

RF 36581 - 98-018533

Les Avocats à la cour d'assises

Date de publication : Octobre 2011

Auteur : Myriam TSIKOUNAS

Le siècle des prétoires

Les Français du XIXe siècle se passionnent non seulement pour les « types » sociaux, mais aussi pour les procès, tout particulièrement pour les affaires jugées en cour d’assises, juridiction départementale instituée en 1810. Dès 1825, deux journaux, Le Droit et La Gazette des Tribunaux, se spécialisent dans la chronique judiciaire, et, à partir de la monarchie de Juillet, tous les quotidiens, nationaux et régionaux, rendent compte des audiences les plus remarquables. Les Chefs-d’œuvre de l’éloquence judiciaire et autres recueils de Causes célèbres se multiplient. Durant les sessions d’assises, le prétoire, ouvert sept jours sur sept, où la foule se presse encore plus le dimanche qu’en semaine, s’apparente à un théâtre, et les ténors du barreau sont aussi appréciés que les comédiens du Français. Selon les témoins, dès que Pierre-Antoine Berryer, Gustave Chaix d’Est-Ange ou Charles Lachaud débutent leur plaidoirie, le silence succède au bruit confus, et il leur suffit d’un effet de manche pour que des applaudissements frénétiques éclatent dans l’auditoire.

La cour d’assises est un théâtre

En apparence, ces deux dessins publiés à quelques années d’intervalle sont bien différents. Honoré Daumier, dans une lithographie initialement prévue pour paraître dans une série entièrement dévolue aux « gens de justice », montre un avocat anonyme. André Gill, dans cette caricature autorisée appartenant à la collection généraliste Les hommes d’aujourd’hui, donne à voir, à la une du journal satirique La Lune, maître Lachaud qui s’est illustré dans les procès les plus retentissants de l’époque : ceux de Marie Lafarge, Mathilde Frigard, Jean-Baptiste Troppmann, Gustave Courbet

Le premier personnage est saisi en pleine péroraison, dans une salle d’audience surchauffée et noire de monde. Il est certes véhément, mais il ne maîtrise pas l’expression mutine de sa cliente, installée derrière lui. Le second avocat n’aura pas de mal à faire admettre l’innocence de l’ouvrier lilliputien qu’il tient dans sa main droite et coiffe du regard. Pourtant, par-delà ces oppositions, les deux images offrent des points communs. Gill, comme Daumier, joue sur le contraste des attitudes. Les accusés, assis et statiques, les bras croisés ou les mains jointes, portent des vêtements clairs. Leur défenseur, à l’inverse, est debout, drapé dans sa robe noire qui impose le respect. Il tend le bras et penche le buste en avant, comme pour se rapprocher de ceux qu’il s’agit de convaincre.

Le talent oratoire de Charles Lachaud

Les deux défenseurs présentent encore une autre ressemblance : ils versent des larmes, discrètes chez Daumier, abondantes chez Gill. Au XIXe siècle, les avocats d’assises sont, en effet, surnommés les « techniciens du sanglot ». Ils ont découvert que le meilleur moyen de faire pleurer les jurés populaires, auxquels ils reprochent justement de se laisser trop facilement émouvoir, est encore de pleurer soi-même. Charles Lachaud, comme son confrère anonyme, a aussi le regard vif, rivé sur les jurés, dans les yeux desquels il cherche à capter l’instant où la conviction sera acquise, où il faudra ne pas aller plus loin et se rasseoir dans un ultime effet de manche. Mais André Gill, moins expert que Daumier pour disséquer les manies, les roueries et les audaces des gens de justice, ne nous dit rien de la ruse majeure de Charles Lachaud : durant le réquisitoire, le célèbre magistrat feignit de dormir de telle sorte que les jurés et la cour se convainquirent qu’il était au service d’une cause juste puisqu’il ne se donnait même pas la peine d’écouter son contradicteur. Inversement, André Gill, en dessinant une bouche ouverte sur l’énorme visage qui surmonte un petit corps, rappelle que l’art de l’avocat n’est pas seulement gestuel mais aussi oratoire, que le défenseur doit être éloquent, avoir des trémolos dans une voix harmonieuse et pure, capable de remplir sans effort l’enceinte du prétoire.

Frédéric CHAUVAUD, La Chair des prétoires. Histoire sensible de la cour d’assises 1881-1932, Rennes, P.U.R., 2010.

Serge BERNSTAMM, Un grand avocat d’assises : Charles Lachaud (1818-1882), Académie de la Société des lettres, sciences et arts des Alpes-Maritimes, t. LV, 1963-1964.

Charles LACHAUD, Plaidoyers de Charles Lachaud, recueillis par Félix Sangnier, Paris, G. Charpentier, 1885, 1889.

David GAULTIER, Charles Lachaud, avocat, 1817-1888, mémoire de maîtrise d’histoire, université Paris IV, 2000.

Myriam TSIKOUNAS, « Les Avocats à la cour d'assises », Histoire par l'image [en ligne], consulté le 11/12/2024. URL : https://histoire-image.org/etudes/avocats-cour-assises

Ajouter un commentaire

HTML restreint

  • Balises HTML autorisées : <a href hreflang> <em> <strong> <cite> <blockquote cite> <code> <ul type> <ol start type> <li> <dl> <dt> <dd> <h2 id> <h3 id> <h4 id> <h5 id> <h6 id>
  • Les lignes et les paragraphes vont à la ligne automatiquement.
  • Les adresses de pages web et les adresses courriel se transforment en liens automatiquement.
CAPTCHA
Cette question sert à vérifier si vous êtes un visiteur humain ou non afin d'éviter les soumissions de pourriel (spam) automatisées.

Mentions d’information prioritaires RGPD

Vos données sont sont destinées à la RmnGP, qui en est le responsable de traitement. Elles sont recueillies pour traiter votre demande. Les données obligatoires vous sont signalées sur le formulaire par astérisque. L’accès aux données est strictement limité aux collaborateurs de la RmnGP en charge du traitement de votre demande. Conformément au Règlement européen n°2016/679/UE du 27 avril 2016 sur la protection des données personnelles et à la loi « informatique et libertés » du 6 janvier 1978 modifiée, vous bénéficiez d’un droit d’accès, de rectification, d’effacement, de portabilité et de limitation du traitement des donnés vous concernant ainsi que du droit de communiquer des directives sur le sort de vos données après votre mort. Vous avez également la possibilité de vous opposer au traitement des données vous concernant. Vous pouvez, exercer vos droits en contactant notre Délégué à la protection des données (DPO) au moyen de notre formulaire en ligne ( https://www.grandpalais.fr/fr/form/rgpd) ou par e-mail à l’adresse suivante : dpo@rmngp.fr. Pour en savoir plus, nous vous invitons à consulter notre politique de protection des données disponible ici en copiant et en collant ce lien : https://www.grandpalais.fr/fr/politique-de-protection-des-donnees-caractere-personnel

Partager sur

Découvrez nos études

Rimbaud, jeune à jamais

Rimbaud, jeune à jamais

Inoubliable

À 43 ans, Étienne Carjat (1828-1906) réalise l’un de ses plus célèbres clichés – le portrait d’Arthur Rimbaud (1854-1891), âgé de 17…

Rimbaud, jeune à jamais
Rimbaud, jeune à jamais
La séparation des Églises et de l'État

La séparation des Églises et de l'État

L’imminence de la Séparation

À l’orée du siècle, les relations de la France avec le Saint-Siège s’enveniment du fait de la politique…

Louis XVI en Gargantua attablé

Louis XVI en Gargantua attablé

La caricature en France au XVIIIe siècle et sous la Révolution

La caricature politique, sous la forme d’une gravure associée souvent à…

L'antisémitisme au cœur de l'Affaire Dreyfus

L'antisémitisme au cœur de l'Affaire Dreyfus

L’Affaire Dreyfus, la cristallisation de la haine antisémite en France

Au moment de la réalisation de ces documents, la France est marquée depuis…

L'antisémitisme au cœur de l'Affaire Dreyfus
L'antisémitisme au cœur de l'Affaire Dreyfus
La France vaincue

La France vaincue

La victoire de la Prusse à Sedan le 2 septembre 1870 entraîne l’effondrement du Second Empire. Deux jours plus tard, la déchéance de la famille…

La France vaincue
La France vaincue
La France vaincue
Le vin symbole de la Nation

Le vin symbole de la Nation

La journée du 20 juin 1792

Le 17 juin 1789, le Tiers État se proclame Assemblée nationale. Le 9 juillet, Louis XVI est contraint à la…

Le vin symbole de la Nation
Le vin symbole de la Nation
Hitler dresse le cousin russe

Hitler dresse le cousin russe

Le pacte germano-soviétique en France

Le 23 août 1939, l’URSS et le IIIe Reich concluent le Traité de non-agression entre l’Allemagne…

Une caricature clandestine de Napoléon III

Une caricature clandestine de Napoléon III

Caricature politique et édition clandestine

Ruiné par une défaite militaire sans appel, le Second Empire meurt dans les esprits dès la…

La liberté d'enseignement et la loi Falloux

La liberté d'enseignement et la loi Falloux

La question de l’enseignement en 1848

Sous la monarchie de Juillet, les défenseurs des prérogatives de l’État en matière d’enseignement s’…

La liberté d'enseignement et la loi Falloux
La liberté d'enseignement et la loi Falloux
Portraits-charges des célébrités du juste milieu

Portraits-charges des célébrités du juste milieu

Les bustes-charges des “ Célébrités du juste milieu ” et les lithographies qui en découlent remontent aux débuts de la monarchie de Juillet. Leur…

Portraits-charges des célébrités du juste milieu
Portraits-charges des célébrités du juste milieu
Portraits-charges des célébrités du juste milieu
Portraits-charges des célébrités du juste milieu