La vélocipédomanie
Le Prince impérial se promenant en vélocipède dans le jardin des Tuileries
La vélocipédomanie
Auteur : DARJOU Alfred
Lieu de conservation : musée national du château de Compiègne (Compiègne)
site web
Lithographie coloriée.
Domaine : Estampes-Gravures
© PRMN-Grand Palais (domaine de Compiègne) / Gérard Blot
CMV 70053 - 00-016094
La « vélocipédomanie » sous le Second Empire
Date de publication : Juin 2011
Auteur : Alexandre SUMPF
Les débuts du « vélocipède » moderne et l’évolution de sa représentation
C’est au cours du XIXe siècle que le « vélocipède » fait son apparition. À partir de la draisienne (engin à deux roues reliées par un cadre en bois, dépourvu de pédales et mû par l’impulsion des pieds) conçue en 1817, ce sont de nombreuses variations et améliorations qui conduisent à l’invention de la bicyclette à pédales par Pierre Michaux en 1861.
D’abord objet de curiosité, considéré comme excentrique et extravagant, le « vélocipède » cesse peu à peu d’être ridiculisé. Suscitant progressivement l’engouement, il devient « à la mode » dans les milieux aisés, conquis par cette « invention moderne ». C’est à la fin des années 1860 que les représentations qui l’accompagnent et l’enracinent dans les imaginaires évoluent, comme en témoignent par contraste les deux œuvres étudiées ici : La Vélocipédomanie, exécutée entre 1864 et 1874, et S.A. le Prince impérial se promenant en vélocipède dans le jardin réservé des Tuileries, datant de 1868-1869.
Des usages et de la « dignité » du vélocipède
Réalisée par Alfred Darjou (1832-1874), La Vélocipédomanie est une planche chromolithographique constituée de onze saynètes légendées. Par l’emploi de couleurs plutôt sobres et d’un trait assez précis, l’artiste examine la mobilité nouvelle qu’offre cette invention. En effet, à une exception près, chaque croquis montre le vélo « en marche » et les cyclistes, encore hésitants, en mouvement de façon plus ou moins contrôlée. L’ensemble de la composition est tout aussi dynamique – les saynètes semblent se télescoper. Prodiguant également des conseils, cette « bande dessinée » présente de manière assez comique les divers usages auxquels peut se prêter le vélocipède.
Avec S.A. le Prince impérial se promenant en vélocipède dans le jardin réservé des Tuileries, Charles Maurand réalise (à partir d’un dessin de Miranda) une gravure « historique », qui renvoie à un épisode réel. Le prince impérial Napoléon Eugène (1856-1879) vouait en effet une grande passion au « vélocipède », et des promenades de ce type étaient nombreuses. La composition exploite la belle perspective du jardin, avec l’obélisque de la Concorde au loin. Tout au fond et dans les jardins publics, des passants réduits à des points ; puis quelques spectateurs massés derrière la barrière gardée qui délimite la partie réservée du jardin. Plus proches, un camarade de jeu et enfin le prince lui-même, qui pédale avec sérieux et application, sous l’œil attentif de membres de sa famille et de personnes autorisées.
Apprivoiser la modernité
La comparaison des deux images permet tout d’abord d’apprécier quelques changements et améliorations techniques. Alors que les premiers modèles ont de grandes roues (La Vélocipédomanie) qui les rendent parfois difficiles à manœuvrer, les suivants présentent une roue arrière plus petite (Le Prince impérial se promenant en vélocipède dans le jardin réservé des Tuileries). Par la suite, les deux roues seront encore réduites, jusqu’à atteindre des dimensions équivalentes pour plus de stabilité.
Et alors que le vélocipède et son usage se perfectionnent, un changement est en train de s’opérer dans les représentations. En effet, si La Vélocipédomanie moque moins le nouvel engin que les images des années précédentes, on continue de le présenter comme une curiosité excentrique et ses utilisateurs comme un peu « toqués » (le dandy au centre). La représentation semi-burlesque des chutes souligne le caractère encore perfectible de l’invention. Cependant, la transition semble déjà entamée, puisque certains dessins (celui sur les courses ou la promenade) montrent sous un jour meilleur des pratiques plus maîtrisées : le vélocipède est en voie d’adoption.
Cette transition apparaît achevée dans S.A. le Prince impérial se promenant en vélocipède dans le jardin réservé des Tuileries. L’engin devient même ici une preuve ainsi qu’une sorte d’emblème du « modernisme » et du goût pour le « progrès » dont se flatte l’empereur. Désireux de suivre son temps et notoirement ouvert aux nouvelles inventions et techniques, il laisse ainsi son fils s’essayer aux derniers vélocipèdes (à chacun sa « modernité »), sans craindre de flétrir son image. Ici, aucun ridicule, le prince est digne et appliqué, et si le public est curieux (voire inquiet), il n’est pas railleur.
Pryor DODGE, La Grande Histoire du vélo, Paris, Flammarion, 1996.
Keizo KOBAYASHI, Histoire du vélocipède de Drais à Michaux.1817-1870. Mythes et réalités, Tokyo, Bicycle Culture Center, 1993.
Jean-Claude LACHNITT, Le Prince impérial : Napoléon IV, Paris, Perrin, 1997.
Alexandre SUMPF, « La « vélocipédomanie » sous le Second Empire », Histoire par l'image [en ligne], consulté le 03/12/2024. URL : https://histoire-image.org/etudes/velocipedomanie-second-empire
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