Cécile Sorel
Cécile Sorel
Cécile Sorel
Auteur : ANONYME
Lieu de conservation : musée d’Orsay (Paris)
site web
Date de création : Vers 1900
Date représentée : Vers 1900
H. : 7,4 cm
L. : 4,2 cm
Épreuve argentique contrecollée sur carton.
Fonds Félix Potin.
Domaine : Photographies
© GrandPalaisRmn (musée d'Orsay) / Hervé Lewandowski
PHO 1983 165 548 438 - 00-021768
Cécile Sorel, de la Comédie-Française au couvent, en passant par le music-hall et le cinéma
Date de publication : Juillet 2011
Auteur : Gabriella ASARO
Le portrait photographique au service d’une grande artiste
Poser dans l’atelier d’un photographe devient, à la Belle Époque, une pratique courante : les familles modestes se font immortaliser à l’occasion de fêtes et d’événements marquants, tandis que les nantis multiplient leurs portraits, à l’instar des personnalités politiques, artistiques et mondaines. Le portrait photographique permet aux célébrités d’entretenir et d’accroître leur popularité, soit-elle due à leur activité politique, à leur appartenance à la crème de la société, à leurs charmes ou à leur talent d’artiste ; en outre, la diffusion de cartes à l’effigie des personnages en vue donne une impulsion remarquable au phénomène de vénération des « vedettes » et au culte de l’image qui caractérisent la société contemporaine.
Parmi les femmes artistes du théâtre, la comédienne Cécile Sorel (de son vrai nom Cécile Émilie Seurre) connaît un très grand succès à la Belle Époque et dans l’entre-deux-guerres. Aussi célèbre et éclectique que Réjane, elle incarne à la fois la France traditionnelle des grands classiques et la France moderne du spectacle des variétés. Née à Paris le 17 septembre 1873, Cécile Sorel joue dans plusieurs théâtres de la capitale avant d’entrer, en 1903, à la Comédie-Française, où elle se produit jusqu’en 1933. Vestale du temple du théâtre français, elle brille dans tous les rôles classiques, notamment dans celui de la précieuse Célimène, dans Le Misanthrope de Molière : la comédienne s’identifie avec ce personnage au point d’affirmer, non sans fierté, que « Célimène et Cécile se confondent déjà et s’inscrivent ensemble au fronton de la Comédie-Française ».
Cécile Sorel quitte la Comédie-Française à l’âge de cinquante ans, mais elle a toujours la fièvre du spectacle : elle se produit au music-hall à la demande de Sacha Guitry, qui en fait la vedette du Casino de Paris (la phrase « L’ai-je bien descendu ? », prononcée par Cécile Sorel au pied de l’escalier Dorian en 1933, devient célèbre) et lui ouvre également les portes du septième art quand il tourne avec elle le film Les Perles de la couronne (1937) ; de plus, elle remporte un franc succès lors de ses tournées à l’étranger.
Éternelle coquette, Cécile Sorel réalise son rêve de noblesse en épousant le comte Guillaume de Ségur (1889-1945), neveu de l’écrivain Sophie Rostopchine et médiocre comédien sous le pseudonyme de Guillaume de Sax. Elle se lie d’amitié avec de nombreuses célébrités de son temps : dans son hôtel particulier du quai Voltaire, elle reçoit, parmi d’autres, le comédien Maurice Escande, l’écrivain et historien de l’art Gustave Larroumet, les écrivains Maurice Maeterlinck, Émile Verhaeren et Gabriele d’Annunzio, ainsi que les hommes politiques Georges Clemenceau et Maurice Barrès. Personnalité importante de la vie artistique et du high life parisiens jusqu’à la fin de la Seconde Guerre mondiale, Cécile Sorel joue les coquettes à la scène comme à la ville, comme en témoignent les portraits photographiques et les précieux documents filmés qui nous restent d’elle.
Le portrait vivant de la coquetterie
L’énorme popularité de Cécile Sorel est célébrée par l’opération commerciale de l’enseigne de distribution Félix Potin, créée en 1844 par un jeune épicier qui, en 1860, inaugure la première grande surface commerciale parisienne. Félix Potin est aussi un précurseur dans la technique de fidélisation de la clientèle par le biais de cadeaux à collectionner : dès 1855, il offre à ses clients des cartes à l’effigie des personnalités politiques, artistiques, sportives, à recueillir dans des cahiers-albums. L’image de Cécile Sorel figure dans la deuxième collection Félix Potin, sortie en 1908. La comédienne, élégamment habillée, ne daigne pas fixer l’objectif : vue à mi-corps, de trois quarts, elle tourne sa tête joliment coiffée dans la direction opposée, le regard perdu vers un point lointain et mystérieux. L’éventail qu’elle tient à la main droite effleure sa joue avec coquetterie.
Le sculpteur Lucien Pallez, né à Paris en 1853 et élève d’Eugène Guillaume et d’Aimé Millet, présente au Salon de 1913 ce buste qui célèbre Cécile Sorel en tant que parfaite incarnation de l’esprit du XVIIIe siècle. Rayonnante de beauté dans son costume de scène, le regard fier, Cécile est l’héroïne de la Comédie-Française, dont elle est alors sociétaire depuis dix ans. Ce portrait nous rappelle les mots de la comédienne Béatrix Dussane (1888-1969) qui, dans une interview de 1966, définit son amie Cécile Sorel comme « l’avatar féminin du Roi-Soleil », en raison de l’éclat, du rayonnement et de l’autorité qui émanent de sa personne ; elle évoque aussi la capacité de Cécile Sorel à porter avec élégance et crédibilité de somptueux – et très lourds – costumes inspirés du XVIIIe siècle.
Le cliché qui montre Cécile Sorel en buste a été réalisé par François Vizzavona, photographe officiel du Salon des Artistes français et de la Société nationale des Beaux-Arts. Éditeur, photographe et peintre, Vizzavona rachète en 1916 les archives d’Eugène Druet (1867-1916), photographe officiel d’Auguste Rodin et marchand d’art qui, par une géniale intuition, a fait connaître les œuvres de sa galerie à travers des reproductions photographiques de grande qualité. En 1957, Vizzavona vend son fonds à la Réunion des musées nationaux et devient le directeur de son premier service photographique ; depuis 2001, le Fonds Druet-Vizzavona est conservé au fort Saint-Cyr, dans les Yvelines.
Un esprit profondément théâtral, même après la conversion religieuse
Une longue crise spirituelle, consécutive à la mort de son mari, mène Cécile Sorel à entrer dans le Tiers Ordre franciscain : elle prononce ses vœux à Bayonne en 1950, à la chapelle des Carmes. Après avoir consacré ses dernières années à l’écriture de ses mémoires et à la prière, elle s’éteint paisiblement à Trouville-sur-Mer le 3 septembre 1966, deux semaines avant son quatre-vingt-treizième anniversaire. Dans ses mémoires, Cécile Sorel réfléchit sur les illusions du théâtre : « Nos rôles nous permettent de prendre trop de liberté à l’égard de notre humaine condition pour qu’un jour ils ne nous les fassent payer en nous entraînant dans le destin qu’ils composent en se succédant. » Cependant, même après sa conversion, Cécile ne peut pas renoncer au style déclamatoire et aux gestes majestueux qui ont accompagné toute sa carrière et sa vie entière ; l’élégante comtesse de Ségur, la charmante Célimène, la pieuse Cécile ne sont qu’une seule et même personne : Cécile Sorel, comédienne dans l’âme. Devant elle, même Oscar Wilde est intimidé et avoue : « Vous êtes l’image de celle que j’ai fait vivre dans mes livres. Vous étiez devenue un mythe que je ne pouvais plus approcher. Je vous rencontrais dans mes nuits de création. Je vous connaissais mieux par ma Salomé que par la Comédie-Française. […] Pour moi, vous étiez toutes les déesses, tous les êtres, tous les sexes, et toutes les âmes. »
Cécile SOREL, « Quand j’étais Célimène », in Lectures pour tous, 1914.
Cécile SOREL, Les Belles Heures de ma vie, Monaco, Éditions du Rocher, 1946.
Cécile SOREL, La Confession de Célimène, Paris, Presses de la Cité, 1949.
Sylvie JOUANNY, L’Actrice et ses doubles : figures et représentation de la femme de spectacle à la fin du XIXe siècle, Genève, Droz, 2002.
Thomas SCHLESSER, « Le fonds Druet-Vizzavona », in Les Nouvelles de l’INHA, n° 17, avril 2004, p. 22-25,
Document INA. Cécile Sorel évoque ses souvenir d'actrice à la Comédie Française.
Gabriella ASARO, « Cécile Sorel, de la Comédie-Française au couvent, en passant par le music-hall et le cinéma », Histoire par l'image [en ligne], consulté le 21/11/2024. URL : https://histoire-image.org/etudes/cecile-sorel-comedie-francaise-couvent-passant-music-hall-cinema
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Intriguée par ce destin qui rappelle celui de Louise de Lavallière, je prends connaissance de votre article, lequel contredit le titre puisqu'il semble que Cécile Sorel ne soit jamais entrée au couvent : elle devient tertiaire franciscaine à 77 ans. Remarquons que l'on entre pas au couvent à cet âge. Membre d'un tiers-ordre séculier, Cécile Sorel n'a donc pas prononcé de voeux, n'a pas pris l'habit, a poursuivi sa vie dans le siècle, quoique assagie par le cheminement spirituel. Il aurait été intéressant de souligner la générosité du tempérament qui transparaît sur son visage, dans sa carrière et vraisemblablement dans ses écrits.
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