Jean-Baptiste Colbert (1619-1683), ministre
Auteur : LEFEBVRE Claude
Lieu de conservation : musée national du château de Versailles (Versailles)
site web
Date de création : 1666
H. : 130 cm
L. : 96 cm
huile sur toile
Domaine : Peintures
© Château de Versailles, dist. RMN - Grand Palais / Christophe Fouin
13-549691 / MV 2185
Colbert
Date de publication : Mars 2015
Auteur : Jean HUBAC
Un portrait de réception à l’Académie royale de peinture
Reçu à l’Académie royale de peinture et de sculpture en 1663, le peintre bellifontain Claude Lefebvre (1632-1675) ne réalise son morceau de réception (ouvrage imposé par l'Académie royale à ses futurs membres) que quelques années plus tard. Il s’agit de ce Portrait de monseigneur Colbert, commandé dès 1662 mais présenté le 30 octobre 1666 et initialement placé dans la rotonde parmi les bienfaiteurs de l’Académie. Sous l’influence de son maître Charles Le Brun, Lefebvre se spécialise et excelle dans l’art du portrait grâce à une technique perfectionnée et reconnue par ses contemporains. Les nombreuses gravures de ses œuvres révèlent son succès comme peintre de cour (les graveurs Guillaume Chasteau et Benoît Audran assurent d’ailleurs la diffusion de son portrait de Colbert durant le règne de Louis XIV).
En 1666, le modèle – Jean-Baptiste Colbert (1619-1683) – est le ministre le plus influent du début du règne personnel de Louis XIV. Issu d’une famille de banquiers et de marchands rémois, il assume alors de nombreuses fonctions, tant officielles qu’officieuses, et a présenté au roi en 1664 un vaste programme de réformes des finances du royaume (le « grand dessein »). Le portrait de Lefebvre renouvelle l’image de Colbert, jusqu’alors fondée sur l’œuvre gravée de Robert Nanteuil, pour lui donner une stature plus majestueuse et plus glorieuse.
Un serviteur de l’État en représentation
Colbert est représenté debout et de trois quarts, en Grand Trésorier des ordres du Roi (Saint-Esprit et Saint-Michel), dans une ample cape de soie noire frappée d’une grande croix de l’ordre du Saint-Esprit (rappelée par le discret ruban bleu). Le contraste est marqué avec les fines dentelles du jabot et du poignet d’une part et avec le délicat grain de la peau d’autre part. Le visage est serein, tourné vers le spectateur, et entouré d’une abondante chevelure naturelle (Colbert ne cède à la mode de la perruque qu’à la fin de sa vie).
Le décor est sobre : une demi-colonne à l’arrière-plan gauche renvoie à la stabilité de la puissance publique que le ministre incarne. Devant un rideau noir, une pendule ouvragée surmontée d’un atlas portant le monde symbolise la constance du grand commis au service du souverain, la vocation universelle de sa politique et le poids de la charge qui pèse sur ses épaules, comme le précise l’inscription latine « Par oneri cervix ». Deux feuillets évoquent l’un l’Histoire métallique du règne, « projet colbertien d’immortaliser la gloire de Louis XIV » (N. Milovanovic) confié par le ministre à la Petite Académie instituée en 1663, l’autre le plan de la porte des Tuileries menant à la cour du Carrousel, qui témoigne des travaux entrepris au Louvre par l’architecte Le Vau sous la direction de Colbert.
Le premier des ministres de Louis XIV
Le portrait représente le sérieux et la puissance assumée d’un grand serviteur de l’État. En assimilant Colbert à Atlas, le peintre exploite une thématique fréquente au XVIIe siècle qui illustre la grandeur et la servitude du premier des ministres. Il utilise de manière subtile des détails qui font écho aux multiples fonctions de Colbert en 1666. Les médailles, le plan, la croix du Saint-Esprit et les dentelles témoignent ainsi des charges cumulées du ministre d’État membre du conseil d’En-Haut : patron de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, dite Petite Académie, en 1663, surintendant des Bâtiments, Arts et Manufactures en 1664, grand trésorier des Ordres du Roi et contrôleur général des finances en 1665 – qui favorise le commerce et l’industrie manufacturière.
Louis XIV a bien décidé de gouverner sans principal ministre à la mort du cardinal Mazarin en 1661. Il s’est pourtant entouré de ministres qui ne devaient leur autorité qu’à sa propre souveraineté. Jean-Baptiste Colbert, issu de l’entourage du cardinal, connaît une ascension fulgurante durant la décennie 1660 et construit un réseau de familiers aux ramifications étendues dans les administrations de la monarchie. Malgré l’existence d’autres grands commis de l’État en 1666 (Le Tellier et Lionne surtout), Colbert apparaît comme le premier d’entre eux, dans la réalité de ses fonctions aussi bien que sur cette « sorte de portrait officiel du ministre » (T. Bajou).
Comme les portraits de Colbert peints par Philippe de Champaigne et par Pierre Mignard, le Colbert de Lefebvre constitue un modèle et une source d’inspiration pour d’autres artistes au XVIIe et au XVIIIe siècle.
BAJOU Thierry, La peinture à Versailles (XVIIe siècle), Paris, Réunion des musées nationaux / Buchet-Chastel, 1998.
DORIVAL Bernard, « Recherches sur l’iconographie de Colbert : Colbert tel qu’il fut et tel qu’il voulut apparaître », dans MOUSNIER Roland (dir.), Un nouveau Colbert, actes de colloque (Paris, 1983), Paris, Société d’édition d’enseignement supérieur, 1985, p. 45-67.
MÉROT Alain, La peinture française au XVIIe siècle, Paris, Gallimard/Electa, 1994.
MEYER Jean, Colbert, Paris, Hachette, coll. « Littérature générale », 1981.
MINISTÈRE DE LA CULTURE, Colbert (1619-1683), cat. exp. (Paris, 1983), Paris, ministère de la Culture, 1983.
Académie : L’Institut de France est créé par la loi du 25 octobre 1795 sur l’organisation de l’instruction publique. Au sein du palais de l’Institut de France, travaillent cinq académies : l’Académie française (fondée en 1635), l’Académie des inscriptions et belles-lettres (fondée en 1663), l’Académie des sciences (fondée en 1666), l’Académie des beaux-arts (créée en 1816 par la réunion de l’Académie royale de peinture et de sculpture, fondée en 1648, de l’Académie de musique, fondée en 1669, et de l’Académie d’architecture, fondée en 1671) et l’Académie des sciences morales et politiques (fondée en 1795, supprimée en 1803 et rétablie en 1832). (Source : https://www.institutdefrance.fr/les-cinq-academies/.)
Jean HUBAC, « Colbert », Histoire par l'image [en ligne], consulté le 21/11/2024. URL : https://histoire-image.org/etudes/colbert
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