Deux Génies assyriens
Taureau androcéphale ailé
Deux Génies assyriens
Auteur : BOTTA Paul-Emilie
Lieu de conservation : bibliothèque de l’Institut de France (Paris)
site web
Domaine : Dessins
© Photo RMN - Grand Palais (Institut de France) - Gérard Blot
MS 2995-4
Les fouilles de Khorsabad
Date de publication : mai 2011
Auteur : Béatrice MÉON-VINGTRINIER
Paul-Émile Botta, l’inventeur de l’assyriologie
En 1842, lorsque Louis-Philippe ouvre une nouvelle agence consulaire à Mossoul, le poste de consul est confié à Paul-Émile Botta (1802-1870), un énergique Italien dont la famille s’est installée en France au moment de l’annexion du Piémont par Napoléon.
Médecin de formation, mais également naturaliste et passionné par les langues, Paul-Émile Botta a débuté sa carrière de diplomate à Alexandrie en 1833, et c’est sans doute en Égypte qu’il commence à s’intéresser aux recherches archéologiques. Ce n’est donc pas un néophyte qui s’installe sur les bords du Tigre : l’agent consulaire a une bonne connaissance du monde oriental et il sait que sous le sable dorment les ruines de la ville antique de Ninive. La civilisation assyrienne n’est alors connue que par les récits bibliques et par certains textes classiques, tandis que les écritures cunéiformes ne sont pas encore déchiffrées.
Les premières fouilles de Botta portent sur l’un des deux tells (tertres constitués de ruines) situés en face de Mossoul, de l’autre côté du fleuve. Elles se révèlent infructueuses, même si l’archéologue anglais Henry Layard prouvera plus tard que les restes de Ninive se trouvaient bel et bien là.
Au printemps 1843, Botta déplace ses ouvriers à seize kilomètres au nord-est sur le site de Khorsabad. En quelques semaines, ils dégagent les vestiges de plusieurs salles et cours appartenant à un vaste édifice. Les bases des murs en brique crue sont protégées par des dalles en albâtre gypseux sculptées en bas relief et portant des inscriptions cunéiformes. Pensant avoir découvert Ninive, il vient de mettre au jour le palais que le roi assyrien Sargon II (721-705) a édifié dans sa nouvelle capitale de Dour Sharroukin, dont le nom signifie « forteresse de Sargon ».
Au fur et à mesure de leur exhumation, les dalles d’albâtre gypseux se délitent au contact de l’air, et Botta voit s’anéantir le fruit de ses patientes recherches. Afin de conserver un témoignage des vestiges, il tente de dessiner les bas-reliefs dès que les ouvriers les sortent de terre.
Ne pouvant seul mener à bien l’enregistrement des découvertes et craignant leur dégradation rapide, il obtient de l’Académie des inscriptions et belles-lettres qu’un dessinateur lui soit adjoint. Le peintre orientaliste Eugène Flandin (1809-1876), qui revient à peine d’une mission de plus de deux ans et demi en Perse, repart aussitôt pour la Mésopotamie. Arrivé à Mossoul en mai 1844, il dresse le plan topographique des ruines et exécute le relevé complet des reliefs subsistants. Botta se réserve l’estampage et la copie de toutes les inscriptions cunéiformes. Cette immense moisson de textes permettra d’accélérer le déchiffrement du cunéiforme en Mésopotamie.
Eugène Flandin, un artiste au secours de l’archéologue
Si Botta a conscience de la nécessité d’effectuer des relevés afin de ne rien perdre du contexte archéologique de ses découvertes, l’absence de formation au dessin l’empêche de produire rapidement des relevés pouvant servir à des fins scientifiques. Il s’épuise à des dessins maladroits et approximatifs. Ici, par exemple, il évite soigneusement de représenter les visages des génies, et l’on sent une certaine gaucherie dans l’articulation des bras aux corps ou dans le traitement des genoux. En revanche, il s’attarde sur les détails ornementaux, telles les plumes des ailes du génie de gauche ou les passementeries du vêtement de celui de droite. Ces dessins n’en restent pas moins le témoignage émouvant de la ténacité de Botta.
Flandin, qui a reçu la Légion d’honneur en 1842 pour les relevés iconographiques effectués lors de sa mission en Perse pour le compte de l’Institut, maîtrise parfaitement les croquis archéologiques : son trait est net et sûr, précis et élégant.
Sa compétence artistique apparaît largement dans ses œuvres, en particulier dans les figures indépendantes comme ce taureau androcéphale ailé. Il conserve la rigueur scientifique indispensable aux relevés archéologiques (accidents du support, justesse des proportions), sait aller à l’essentiel sans pour autant sacrifier les nombreux détails décoratifs auxquels il porte une attention méticuleuse et, dans le même temps, parvient néanmoins à traduire la puissance et la grandeur de cette sculpture monumentale par une habile distribution de l’ombre et de la lumière.
Les dessins de Flandin ont été gravés pour illustrer la publication de Botta, Monument de Ninive (1849-1850), immense ouvrage en cinq volumes que l’on peut considérer comme le premier rapport de fouilles rédigé avec une grande objectivité et une parfaite rigueur scientifique.
Le temps des consuls archéologues
En octobre 1844, il faut fermer le chantier de Khorsabad à cause de l’épuisement des crédits. Botta fait alors un choix parmi les sculptures les plus remarquables et les mieux conservées et les expédie en France, où elles arrivent trois ans plus tard, après maintes péripéties. Ces premières fouilles en Mésopotamie ont de grandes répercussions : les Anglais envoient Layard et Rawlinson à Nimrud puis à Ninive, et, en 1851, la France charge Victor Place afin de rouvrir le consulat de Mossoul et de reprendre le chantier de Khorsabad.
Botta inaugure l’épopée des consuls archéologues, français ou britanniques, qui, nommés à Mossoul, Bagdad et Bassora au milieu du XIXe siècle, ont joué un rôle de pionniers dans la recherche archéologique.
Élisabeth FONTAN (dir.) avec la collaboration de Nicole Chevalier, De Khorsabad à Paris, la découverte des Assyriens, catalogue de l’exposition du musée du Louvre, département des Antiquités orientales, novembre 1993-février 1994, Paris, R.M.N., 1994.
Jean BOTTERO et Marie-Joseph STEVE, Il était une fois la Mésopotamie, Paris, Gallimard, coll. « Découvertes », 1993.
Béatrice MÉON-VINGTRINIER, « Les fouilles de Khorsabad », Histoire par l'image [en ligne], consulté le 11/10/2024. URL : https://histoire-image.org/etudes/fouilles-khorsabad
Lien à été copié
Albums liés
Découvrez nos études
Papety, un artiste français en Grèce vers 1846
Prix de Rome en 1836, Papety séjourne en Italie de 1836 à 1841 où sa production est fortement marquée par Ingres…
Auguste Mariette et le grand sphinx de Gizeh
Situé en Basse-Égypte, en amont du delta du Nil et à l’ouest du Caire, le plateau de Gizeh abrite un site archéologique de l’Ancien Empire avec…
La Seconde mission française à Khorsabad
En 1851, l’Assemblée nationale vote un crédit pour la poursuite des fouilles menées en 1843-1844 par…
Mariette Pacha : un Français pour créer le Service des antiquités de l’Égypte
En 1857, l’égyptologue français Auguste Mariette (1821-1881), conservateur adjoint au musée…
Les fouilles de Khorsabad
En 1842, lorsque Louis-Philippe ouvre une nouvelle agence consulaire à Mossoul, le poste de…
Les découvertes de Saqqarah
Située sur un plateau à l’ouest de Memphis, la nécropole de Saqqarah est non seulement la plus vaste d’Égypte mais aussi la plus ancienne. Ses…
Napoléon Bonaparte et l'Égypte
En avril et juillet 1795, les traités de Bâle mettent fin à la première coalition des puissances européennes dressées contre la France…
"Tanagra" par Jean-Léon Gérôme
A la fin des années 1860, les habitants de plusieurs villages de Béotie proches de l’antique cité…
Auguste Mariette
Riche de trois millénaires d’histoire, l’Égypte voit son antique culture s’effacer peu à peu à la suite des conquêtes grecque et romaine. Le…
La Croisière jaune entre science et marketing
La France de l’entre-deux-guerres se passionne pour son empire, dont hommes et ressources ont contribué à sa…
Fr
Le CUM à Nice possède sur la grande peinture de son amphithéâtre une représentation de Khorsabad par J.JH. Bouchon
Ajouter un commentaire
Mentions d’information prioritaires RGPD
Vos données sont sont destinées à la RmnGP, qui en est le responsable de traitement. Elles sont recueillies pour traiter votre demande. Les données obligatoires vous sont signalées sur le formulaire par astérisque. L’accès aux données est strictement limité aux collaborateurs de la RmnGP en charge du traitement de votre demande. Conformément au Règlement européen n°2016/679/UE du 27 avril 2016 sur la protection des données personnelles et à la loi « informatique et libertés » du 6 janvier 1978 modifiée, vous bénéficiez d’un droit d’accès, de rectification, d’effacement, de portabilité et de limitation du traitement des donnés vous concernant ainsi que du droit de communiquer des directives sur le sort de vos données après votre mort. Vous avez également la possibilité de vous opposer au traitement des données vous concernant. Vous pouvez, exercer vos droits en contactant notre Délégué à la protection des données (DPO) au moyen de notre formulaire en ligne ( https://www.grandpalais.fr/fr/form/rgpd) ou par e-mail à l’adresse suivante : dpo@rmngp.fr. Pour en savoir plus, nous vous invitons à consulter notre politique de protection des données disponible ici en copiant et en collant ce lien : https://www.grandpalais.fr/fr/politique-de-protection-des-donnees-caractere-personnel