Sphinx de Gizeh avec le drapeau français
Le Grand sphinx, de face et les excavations
Coupe du sphinx de Ghizeh
Sphinx de Gizeh avec le drapeau français
Lieu de conservation : bibliothèque de l’Institut de France (Paris)
site web
Date de création : Décembre 1853
Date représentée : Décembre 1853
Photographe : attribution à John Beasley Greene (1832-1856)
Fouilles d'Auguste Mariette.
Fonds Maspero : Auguste Mariette, Plans, coupes et élévations du Grand sphinx, folio 50.
Domaine : Photographies
© RMN-Grand Palais (Institut de France) / Gérard Blot
Ms 40623 Fol50 - 03-014387
Auguste Mariette et le grand sphinx de Gizeh
Date de publication : Janvier 2010
Auteur : Alain GALOIN
Situé en Basse-Égypte, en amont du delta du Nil et à l’ouest du Caire, le plateau de Gizeh abrite un site archéologique de l’Ancien Empire avec son grand sphinx et ses trois pyramides, dont celle de Khéops, ultime rescapée des Sept Merveilles du monde antique célébrées par les auteurs grecs des IVe et IIIe siècles av. J.-C. Curieusement, des auteurs grecs et romains comme Hérodote ou Strabon ne mentionnent pas le Sphinx, dont l’aspect monumental aurait pourtant dû frapper leur imagination. Seul Pline en décrit la tête qui émerge du sable. Très tôt en effet, le sable du désert est venu le recouvrir, ce qui explique qu’il soit passé inaperçu.
Soumis aux atteintes de l’érosion éolienne dès son édification, le Sphinx a nécessité, au cours des siècles, de nombreuses campagnes de dégagement et de restauration. La première a été réalisée par Thoutmosis IV, pharaon de la XVIIIe dynastie. Vers 1300 av. J.-C., Ramsès II entreprend de le désensabler. Pendant l’occupation romaine, les empereurs Marc Aurèle (161-181) et Septime Sévère (193-211) y font faire des fouilles et des restaurations salutaires. Il faudra ensuite attendre l’expédition d’Égypte de Napoléon Bonaparte pour que le Sphinx émerge à nouveau des sables accumulés par les vents. En 1816, la statue thérianthrope (mi-humaine, mi-animale) attire l’attention de l’égyptologue Giovanni Battista Caviglia (1770-1845) qui commence à en dégager la poitrine et découvre ainsi la stèle de Thoutmosis IV, l’uraeus – la tête de cobra qui ornait le front du Sphinx – et un fragment de sa barbe, deux objets archéologiques que se partagent aujourd’hui le musée du Caire et le British Museum. Par la suite, des campagnes de fouilles sont successivement menées par Karl Richard Lepsius (1810-1884), Auguste Mariette (1821-1881), Gaston Maspero (1846-1916), Émile Baraize (1874-1952) et l’Égyptien Selim Hassan (1893-1961), qui finissent par libérer complètement le corps du Sphinx de Gizeh.
Ces trois images sont contemporaines des fouilles effectuées par Auguste Mariette lors de son premier séjour en Égypte de 1850 à 1854.
La photographie représente le Sphinx pris de trois quarts et met en évidence sa fonction de gardien de la nécropole de Gizeh : à l’arrière-plan se dresse la pyramide de Khéphren, dont le sommet a conservé une partie de son revêtement extérieur. Planté sur la tête de la statue, le drapeau tricolore témoigne de la présence de la mission française sur le site. Seules la tête et la poitrine du Sphinx sont dégagées des amas de sable qui recouvrent le monument.
La très belle aquarelle peinte par Auguste Mariette montre l’état d’avancement des fouilles en 1853. Les pattes du Sphinx ne sont pas dégagées, mais dans l’excavation creusée à la base se dresse la stèle monolithique de granit rose du pharaon Thoutmosis IV, découverte par Giovanni Caviglia en 1818. Sculptée dans un piton de calcaire dur, la tête du Sphinx est coiffée du némès. À l’origine, elle était peinte de couleurs vives, du rouge pour les chairs et du jaune et du bleu pour la coiffure royale. Le visage est amputé de son nez. Cette mutilation est mentionnée dès le XIIIe siècle par l’historien Makrizi, qui l’attribue à un musulman fanatique au temps de la conquête arabe. Le personnage assis sur le soubassement du torse met en évidence le gigantisme du monument qui culmine à vingt mètres de hauteur.
La coupe du Sphinx réalisée par Mariette donne elle aussi une idée des dimensions exceptionnelles du gardien de la nécropole. Avec ses pattes antérieures, qui ne sont toujours pas dégagées à cette époque, l’ensemble a une longueur de 73 mètres. La considérable dégradation de l’édifice est patente sur ce dessin.
À une époque où les moyens d’investigation et d’analyse des archéologues sont encore rudimentaires et limités le plus souvent à des relevés, plans et dessins entachés d’imprécision, la photographie, en plein essor, apporte une caution scientifique aux observations effectuées sur le terrain.
En 1850, lors de sa première mission en Égypte, Auguste Mariette installe son campement au cœur de la nécropole de Gizeh, au pied de la grande pyramide de Khéops. Il n’y entreprend pas immédiatement des fouilles mais procède au désensablement de quelques tombes civiles, les mastabas de Ptah-Baou-Nefer, de Snedjemib, de Khaef-Snefrou et de Khaefrêankh. En 1853, sur la demande et aux frais du duc de Luynes, il commence à dégager les pattes antérieures et le pourtour du Sphinx. Il s’agit de vérifier les affirmations de Pline selon lesquelles le monument ne serait pas monolithique, mais construit, et serait par ailleurs le tombeau du pharaon Armaïs. Il poursuit le désensablement en 1854 avec des fonds français et l’achève en 1858 grâce au financement alloué par le vice-roi d’Égypte, Saïd Pacha. C’est lors de la fouille de 1853 que Mariette découvre le temple d’accueil du complexe funéraire de Khéphren et, dans le premier vestibule de ce temple, la très belle statue en diorite de ce pharaon, assis avec un faucon lui entourant la nuque de ses ailes, un chef-d’œuvre de l’art égyptien de l’Ancien Empire.
En 1885-1886, Gaston Maspero continue les travaux de dégagement du Sphinx commencés par son illustre prédécesseur. De 1925 à 1936, Émile Baraize poursuit cette œuvre de longue haleine. Mais de nos jours, l’antique édifice est toujours menacé par l’érosion naturelle due aux vents de sable et il souffre de la pollution engendrée par la métropole du Caire toute proche. En 1986-1987, il a subi le contrecoup de restaurations hasardeuses dénoncées par Michel Wuttmann, membre de l’Institut français d’archéologie orientale du Caire : « Dès le Nouvel Empire [1580-1050 av. J.-C.], on a remplacé des parties du pavement. Ensuite, les Grecs et les Romains sont intervenus. Mais alors qu’on utilisait la pierre sous l’Antiquité – des matériaux assez proches de celui d’origine –, tout s’est gâté au XXe siècle. On s’est mis à recourir à des ciments ordinaires, beaucoup plus solides, certes, mais qui provoquent l’éclatement de la roche. » Réunis en 1992 sous l’égide de l’Unesco, les égyptologues ont interdit l’usage du ciment au profit d’un mortier naturel. Depuis 1997, le Sphinx a retrouvé sa splendeur d’antan, mais ce vieux malade est toujours en sursis.
Marc DESTI (dir.), catalogue de l’exposition Des dieux, des tombeaux, un savant. En Egypte sur les pas de Mariette Pacha, Boulogne-sur-Mer, 10 mai-30 août 2004, Paris, Somogy, 2004.
Gilles LAMBERT, Auguste Mariette, Paris, Éditions Jean-Claude Lattès, 1997.
Claudine LE TOURNEUR D’ISON, Mariette Pacha ou le Rêve égyptien, Paris, Plon, 1999.
Auguste MARIETTE, Voyage dans la Haute-Egypte : compris entre Le Caire et la première cataracte, Paris, rééd. Errance, 1999.
Jean VERCOUTTER, A la recherche de l’Egypte oubliée, Paris, Gallimard, coll. « Découvertes Gallimard » n° 1, 1998.
Alain GALOIN, « Auguste Mariette et le grand sphinx de Gizeh », Histoire par l'image [en ligne], consulté le 21/11/2024. URL : https://histoire-image.org/etudes/auguste-mariette-grand-sphinx-gizeh
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