Mannequin d'enfant emmailloté (Avignon).
Mannequin d'enfant emmailloté (Creuse).
Mannequin d'enfant emmailloté (Ardennes).
Mannequin d'enfant emmailloté (Avignon).
Lieu de conservation : musée des Civilisations de l’Europe et de la Méditerranée (Mucem, Marseille)
site web
H. : 58,7 cm
L. : 29,1 cm
Laine, toile.
Domaine : Objets
© MuCEM, Dist RMN - Grand Palais / Jean-Gilles Berizzi
08-522088 / 1936-2312-1-8
L'emmaillotement
Date de publication : Novembre 2008
Auteur : Valérie RANSON-ENGUIALE
L’action de l’assistance publique
La France de la fin du XIXe siècle est marquée par une grande fragilité de la petite enfance, une mortalité très élevée, des maladies, des épidémies et des malformations qui vont de pair avec des pratiques aux vertus censément prophylactiques. Le corps vulnérable d’un nouveau-né, source d’attentions et d’inquiétudes, est au centre de pratiques religieuses, de rites symboliques et de sacrements religieux. Lors de l’Exposition universelle de 1889, madame A. Landrin, inspectrice générale des Services de l’enfance au ministère de l’Intérieur, a organisé une exposition qui, outre de nombreux instruments de puériculture, présentait trente-huit mannequins de poupons emmaillotés. Réalisée dans un souci à la fois ethnographique et sanitaire, cette collection illustrait les divers types d’emmaillotement observés dans les hôpitaux de l’Assistance publique, où étaient recueillis de nombreux enfants. Elle montre de curieux spécimens : des bébés emmaillotés dans une peau de mouton ou enveloppés dans des édredons. Ces pratiques ont longtemps persisté dans les campagnes.
Au même titre que la nutrition ou la toilette, la manière de vêtir un bébé se fait dans un souci de protection tant physique que symbolique, et son emmaillotement, usage très répandu depuis l’Antiquité, matérialise cette préoccupation. Comme dans un cocon, le bébé est protégé du froid, et l’immobilité dans laquelle il est ainsi maintenu facilite sa surveillance. Son corps est pris du cou aux chevilles. Une longue et étroite bande d’étoffe nommée « maillot » maintient les bras le long du corps et les jambes tendues dans le prolongement du tronc. Il est ordinairement entendu que la crasse protège, que les croûtes de lait ne doivent pas être touchées et que deux ou trois bonnets superposés assurent à la tête du bébé une bonne défense, en dépit de la présence de nombreux poux.
Bébé en camisole
Si elle présente des variations, la layette du nourrisson se compose toujours des mêmes éléments : un ou plusieurs bonnets, portés jusqu’à un âge avancé, protègent sa tête. Il est habillé d’une chemise, d’une brassière, d’une couche et d’un lange, puis emmailloté dans diverses étoffes. Son cou est ceint d’un mouchoir. Son bonnet de baptême est une pièce du costume particulièrement investie de symboles de providence. Il porte aussi de nombreuses amulettes : médailles cousues au bonnet, peau de taupe contre les convulsions, collier de grains d’ambre, de coquillages, de dents de loup…
Le premier exemple vient du Vaucluse. Le poupon porte un bonnet en tissu molletonné blanc, une brassière et une couche en toile blanche, une brassière en tissu imprimé. Autour du cou, il a un collier, à peine visible, de dix-huit perles d’os ou d’ivoire. Il porte une pointe en tissu imprimé à fond bleu et à motifs rouges, un carré de laine marron servant de lange et une bande en toile grise entourant le corps du bas jusqu’au buste. Fait remarquable, ses bras sont libres.
Le deuxième mannequin vient de la Creuse et porte un bonnet blanc à pois bleus, une chemise en toile blanche, une brassière en tissu brun à pois jaunes et bleus doublé d’un tissu gris, un autre tissu en toile blanche, un carré en laine marron bordé d’un galon bleu, tissu servant de lange et une bande noire pour tenir le lange. La bande noire assure également l’immobilisation des bras et des jambes.
Enfin, le troisième exemple de poupon vient des Ardennes avec trois bonnets superposés : un en flanelle blanche, un deuxième en tissu molletonné blanc à bordure noire et un troisième en fine toile blanche. Il porte un tissu en toile blanche fine, une couche en grosse toile blanche, une bande de tissu molletonné pour tenir l’ensemble et un carré en lainage kaki. Tout son corps est maintenu prisonnier.
Coutumes versus médecins
Aux yeux des mères, l’emmaillotement est garant de chaleur, de protection, et assure une pression rassurante pour le bébé. Il a d’autres fins : ainsi entravé, le bébé est facile à garder pour peu qu’il soit accroché à un clou, comme cela se pratiquait dans certaines régions du Poitou, ou encore suspendu dans un sac au Pays basque. Le corps médical s’insurge contre cette coutume qu’il juge aberrante, barbare et malsaine. Elle est contraire au bon développement musculaire, et l’immobilisation des jambes, dès la naissance et des heures durant, aggrave les luxations congénitales des hanches. Malgré les recommandations des médecins, l’emmaillotement perdure. Cette pratique se trouve au sein d’un paradoxe très prégnant dans la société française du XIXe siècle, qui à la fois encense les mœurs et coutumes locales, et les vilipende au nom du nécessaire progrès national.
Françoise LOUX, Le Jeune Enfant et son corps dans la médecine traditionnelle, Paris, Flammarion, 1978.Nourrice ou crèche - Histoire de l’enfant gardé au XIXe siècle, catalogue de l’exposition du musée du château Saint-Jean, 4 juillet-12 octobre 1998, Nogent-le-Rotrou, 1998.Rapports du jury international - Exposition universelle internationale de 1889 à Paris, présentés par Alfred Picard, ministère du Commerce, de l’Industrie et des Colonies – Rapport de la classe 64 de A.Proust, Paris, Imprimerie nationale, 1892.
Valérie RANSON-ENGUIALE, « L'emmaillotement », Histoire par l'image [en ligne], consulté le 12/12/2024. URL : https://histoire-image.org/etudes/emmaillotement
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