Le Tubage
Auteur : CHICOTOT Georges
Lieu de conservation : musée de l’Assistance publique – Hôpitaux de Paris (Paris)
site web
Date de création : 1904
Date représentée : 1904
Huile sur toile
Domaine : Peintures
© Cliché Archives, Assistance publique, Paris.
Progrès de la médecine infantile
Date de publication : Septembre 2004
Auteur : Anne NARDIN
A l’aube du XXe siècle, la médecine des enfants semble entrer dans une ère nouvelle, qui va enfin permettre le recul de la mortalité infantile, longtemps vécue comme une fatalité. Jusqu’alors, les maladies infectieuses (scarlatine, rougeole, diphtérie, coqueluche, tuberculose) constituent le fléau le plus redoutable, qui décime les jeunes enfants, spécialement ceux des quartiers défavorisés. Et l’hôpital, dont la vocation à cette époque est d’accueillir les populations démunies, reste longtemps en échec devant les conséquences de la concentration des petits malades : dans le dernier tiers du XIXe siècle, jusqu’à 20 % des enfants hospitalisés meurent en ayant contracté une infection mortelle.
Mais le tournant semble pris : à partir des années 1880-1890, les règles d’hygiène et d’antisepsie du pastorisme s’imposent entre les murs de l’hôpital et en bouleversent l’environnement et le fonctionnement. En 1901 à Paris, trois nouveaux hôpitaux pédiatriques (hôpital Trousseau, hôpital Bretonneau, hôpital Hérold) se veulent les emblèmes de la nouvelle organisation : à chaque pathologie son bâtiment, doté d’un personnel spécifique. Autre conséquence de l’ère pastorienne, les médecins recourent désormais davantage aux examens de laboratoire, qui permettent un diagnostic rapide et sûr. Enfin, en 1894, le sérum antidiphtérique est mis au point par le Dr Roux.
La scène se passe à l’hôpital Bretonneau, dans le service du Dr Josias. Celui-ci pratique l’opération du tubage sur un jeune enfant atteint du croup. Cette maladie représentait la forme aiguë et mortelle de la diphtérie laryngée, qui menaçait l’enfant d’étouffement par le développement, dans le larynx, de fausses membranes pouvant envahir la trachée et les bronches. Jusqu’à la mise au point du sérum antidiphtérique, seuls deux gestes techniques visant à dégager les voies respiratoires pouvaient faire espérer la survie de ces enfants : la trachéotomie (à partir de 1818) et le tubage.
Au centre de la composition, le médecin, saisi dans l’exécution du geste salvateur. Derrière lui, le groupe des élèves externes et des étudiants, dont la succession des visages conduit le regard du spectateur vers l’action sûre du médecin. Du visage de l’enfant, le regard remonte enfin sur la figure penchée de l’interne, occupé à préparer l’injection du sérum antidiphtérique. C’est avec une précision documentaire que le peintre (également médecin) rend compte du pouvoir de la médecine de son temps. Dans l’urgence, le tubage garantit la survie immédiate d’un enfant menacé d’asphyxie ; c’est le premier geste, la première étape. Mais aussitôt après, l’injection du sérum lui ouvre les voies de la guérison ; son avenir se joue réellement dans cette deuxième étape. L’organisation de la scène résume en quelque sorte les trois séquences de ce grand mouvement de la jeune science médicale en marche : à gauche, l’attente : les observateurs retiennent leur souffle ; au centre, l’action au présent : maîtrise et détermination ; à droite, la promesse d’un avenir.
Les œuvres du peintre Georges Chicotot expriment aussi la conviction du médecin qu’il était, témoin de quelques-unes des grandes mutations de son temps. Son intention était de laisser des « documents pour l’avenir ». Rompu aux méthodes de l’observation clinique et à la discipline qu’exige l’usage des nouvelles techniques médicales, il laisse avec cette toile une vision objective mais lisse du progrès en marche. Car l’agitation, l’émotion et l’inquiétude inhérentes à cette situation sont évacuées : dans la réalité un enfant en état de détresse respiratoire pleure, se débat et ne perçoit pas la dimension salvatrice d’une technique qui l’agresse et l’effraie. Mais la volonté du peintre est de faire « œuvre de science et œuvre d’art ». Le réalisme de sa facture sert la grande cause dont il a aussi été l’acteur[1]. Et les statistiques vont confirmer son optimisme : vers 1920, la mortalité infantile a chuté à 11 % puis à 5,8 % en 1935. Un résultat qui doit autant à la diffusion des sérums et des vaccins qu’à l’amélioration générale du niveau de vie de la population française.
Alain CONTREPOISL’Invention des maladies infectieuses : naissance de la bactériologie clinique et de la pathologie infectieuse en France Paris, Editions des archives contemporaines, 2001 Françoise SALAUNHôpital BretonneauParis, Ed.Assistance publique-Hôpitaux de Paris, coll. « Histoire des hôpitaux », 2001Bruno LATOURLes Microbes, guerre et paixParis, Métailié, 1984Gustave LANCRYDe la contagion de la diphtérie et de la prophylaxie des maladies contagieuses dans les hôpitaux d’enfants de ParisParis, Steinheil, 1886 Jacques GRANCHERRapport sur la prophylaxie de la diphtérie, transport et isolement des diphtériques dans les hôpitauxParis, Ministère de l’Intérieur-Comité consultatif d’hygiène publique de France, 1890
1. Le Dr Chicotot s'est spécialisé dans la radiologie. Cf. l'étude sur la naissance de la radiothérapie - See more at:
Anne NARDIN, « Progrès de la médecine infantile », Histoire par l'image [en ligne], consulté le 03/12/2024. URL : https://histoire-image.org/etudes/progres-medecine-infantile
Lien à été copié
Découvrez nos études
Le renouveau religieux du milieu du XIXe siècle
Le milieu du XIXe siècle est marqué, dans les pays catholiques occidentaux, et notamment en France, par un nouvel élan religieux qui…
L'enfance maltraitée
Comme Hector Malot, Eugène Sue ou Alphonse Daudet, Victor Hugo s’est beaucoup préoccupé, dans ses romans qui se fondent souvent sur des faits-…
Le Déjeuner
Avec Le Déjeuner, François Boucher produit une œuvre qui s’inscrit dans le registre des scènes de genre, un domaine qu’il…
Le rétablissement de l'esclavage en Guyane (1802)
L’abolition de l’esclavage, votée par la Convention en 1794 n’a pas touché toutes…
La mort chez l’enfant au XIXe siècle
Pendant longtemps, une grande partie des nouveau-nés a été promise à la mort. Sous l’Ancien Régime, les maladies comme la variole et la diphtérie…
Un marchand d'images
Au milieu du XIXe siècle la population française est déjà assez largement alphabétisée, cependant de grandes disparités existent d’une…
Les métiers de rue des enfants pauvres
La loi du 22 mars 1841 réglementant le travail juvénile ne concerne que les établissements employant plus de vingt salariés. De fait, au moins…
Le conte : entre oralité et écriture
L’engouement pour le conte, au XVIIe siècle, correspond à l’intérêt porté à la culture…
L'emmaillotement
La France de la fin du XIXe siècle est marquée par une grande fragilité de la petite enfance, une…
La construction des écoles dans la Somme au XIXe siècle
La situation globale de l’enseignement primaire en France apparaît médiocre à la chute de l’Empire (…
Ajouter un commentaire
Mentions d’information prioritaires RGPD
Vos données sont sont destinées à la RmnGP, qui en est le responsable de traitement. Elles sont recueillies pour traiter votre demande. Les données obligatoires vous sont signalées sur le formulaire par astérisque. L’accès aux données est strictement limité aux collaborateurs de la RmnGP en charge du traitement de votre demande. Conformément au Règlement européen n°2016/679/UE du 27 avril 2016 sur la protection des données personnelles et à la loi « informatique et libertés » du 6 janvier 1978 modifiée, vous bénéficiez d’un droit d’accès, de rectification, d’effacement, de portabilité et de limitation du traitement des donnés vous concernant ainsi que du droit de communiquer des directives sur le sort de vos données après votre mort. Vous avez également la possibilité de vous opposer au traitement des données vous concernant. Vous pouvez, exercer vos droits en contactant notre Délégué à la protection des données (DPO) au moyen de notre formulaire en ligne ( https://www.grandpalais.fr/fr/form/rgpd) ou par e-mail à l’adresse suivante : dpo@rmngp.fr. Pour en savoir plus, nous vous invitons à consulter notre politique de protection des données disponible ici en copiant et en collant ce lien : https://www.grandpalais.fr/fr/politique-de-protection-des-donnees-caractere-personnel