
Henri Rochefort.
Auteur : RODIN Auguste
Lieu de conservation : musée d’Orsay (Paris)
site web
Date de création : 1884 - 1898
H. : 71,5 cm
L. : 41,4 cm
bronze. Fonte Alexis et Eugène Rudier
© RMN - Grand Palais (musée d'Orsay) / Hervé Lewandowski
LUX 162, RF 4067, S 1084 - 98-010673
Henri de Rochefort
Date de publication : Mars 2016
Auteur : Frédérique LESEUR
Portrait d’un rebelle
Lorsqu’il pose en 1884 pour Rodin, Henri Rochefort (1831-1913), aristocrate converti au socialisme, est célèbre pour son art de la polémique et ses écrits. Fondateur en 1868 de La Lanterne, périodique très irrévérencieux à l’égard du Second Empire, il connaît l’exil à Bruxelles, où l’accueille Victor Hugo, puis la prison sous le gouvernement d’Emile Ollivier, avant d’être nommé ministre du gouvernement de Défense nationale en 1870 et de participer à la Commune.
Condamné en 1871 à la déportation en Nouvelle-Calédonie, Rochefort parvient à s’évader en 1874 (événement que salue Manet dans L’Evasion de Rochefort, musée d’Orsay) pour mener une vie d’exil à Bruxelles. L’amnistie de 1880 lui permet de revenir à Paris et de fonder L’Intransigeant. Elu député en 1885, Rochefort devient l’un des principaux partisans du général Boulanger.
“ Le modelé, c’est le reflet de la vie ”
“ La physionomie réside presque entièrement dans le développement prodigieux du crâne et du front, et dans l’acuité du regard. […] Immédiatement, nous sommes dans l’action personnelle de l’écrivain. C’est lui qui a été représenté, sans que le sculpteur ait négligé aucune des curieuses discordances de ce visage aux joues creuses, au nez arrondi en bec d’oiseau, à la mâchoire sans signification, et au menton sans accent. Il les a notées, mais ne leur a donné qu’une place subordonnée. Peut-être le portrait a-t-il été trop vrai, et trop expressif, au gré de Rochefort. ” (Léon Maillard, Auguste Rodin statuaire, Paris, Floury, 1898, p. 110)
En 1882, Edmond Bazire, ancien communard, républicain ardent et rédacteur de L’Intransigeant, présente Rochefort à Rodin. Celui-ci pensait avoir dépassé la stricte étude anatomique, pourtant indispensable, pour accéder à “ un peu plus de grandeur, une sorte d’exagération ” dans ce buste. “ En sculpture, il faut accentuer la saillie des faisceaux musculaires, forcer les raccourcis, creuser les trous, ça donne de la vigueur et de l’ampleur […]. Le modelé, c’est le reflet de la vie, c’est la vie même, le public ne le comprend pas, il confond l’art avec la propreté. ” (Judith Cladel, Auguste Rodin, pris sur le vif, Paris, 1903, p. 39)
Rochefort ne perçut pas la force de cette œuvre et la remisa dans son grenier. Le sculpteur ne s’en étonna pas ; il savait que les portraits du polémiste par Courbet, Manet et d’autres avaient connu le même sort ou avaient été rapidement vendus.
“ Le chef-d’œuvre d’un artiste, la page d’un historien ! ”
Selon les mots de Gustave Geffroy, “ la pensée voltige sur ces traits mobiles, sur cette face courageuse du pamphlétaire. Extraordinaire portrait qui restera à la fois comme le chef-d’œuvre d’un artiste et comme la page d’un historien ! ” (in “ Rodin ”, La Justice, Paris, 11 juillet 1886), ajoutant : “ C’est M. Henri Rochefort, avec son beau crâne de César romain qu’avilit un ricanant toupet de clown. Toute l’histoire de l’illustre pamphlétaire est racontée en cet extraordinaire morceau de plâtre.”
Ce portrait ne fut pas seulement admiré par les critiques, qui voyaient en Rodin l’initiateur d’une statuaire nouvelle, mais aussi par des artistes comme Henri Matisse, qui en acheta un plâtre au marchand Ambroise Vollard en 1899.
Quelques années plus tard, le musée du Luxembourg en fit l’acquisition : “ Ce n’est pas pour moi que l’Etat achète mon buste, mais bien parce qu’il est de Rodin ! ”, déclara Rochefort à la presse. “ Ce que je crains le plus, c’est que mon buste […] ne soit détérioré au Luxembourg, non par des apaches[1], mais par l’un des sénateurs qui m’ont condamné avec le général Boulanger à la déportation et qui ne me le pardonnent pas. ” (in La Patrie, 5 novembre 1907).
Ruth BUTLER Rodin, la solitude du génie . Première édition Rodin. The Shape of Genius , Londres, Yale University Press, 1993. Trad. de l’anglais par Dennis CollinsParis, Gallimard-Musée Rodin, 1998.Henri ROCHEFORT Les Aventures de ma vie , éd. abrégée présentée par Jean Guichard-MeiliParis, Ramsay, 1980.
1. Synonyme de voyou ou de malfaiteur dans les années 1900.
Frédérique LESEUR, « Henri de Rochefort », Histoire par l'image [en ligne], consulté le 26/09/2023. URL : histoire-image.org/etudes/henri-rochefort
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