L'école d'Apelle
Auteur : BROC Jean
Lieu de conservation : musée du Louvre (Paris)
site web
H. : 375 cm
L. : 480 cm
Huile sur toile.
Domaine : Peintures
© GrandPalaisRmn (musée du Louvre) / Franck Raux
RF 27 - 06-529648
Jean Broc, L'École d'Apelle
Date de publication : Décembre 2008
Auteur : Saskia HANSELAAR
Le Salon de 1800 est le dernier du XVIIIe siècle et il est pourtant celui qui présente le plus de nouveautés artistiques. En 1800, après le coup d’État du 18 Brumaire, le général Napoléon Bonaparte réussit à s’imposer et devient Premier consul. Dès cette époque, il commence à se servir de l’art pour légitimer un pouvoir qu’il a pris de force. De jeunes peintres, tels qu’Antoine-Jean Gros, deviennent les chantres de l’histoire contemporaine. Toutefois, cette peinture n’est pas la seule à être présente sur les cimaises des Salons. Si les héros antiques inspirent toujours les artistes, de nouveaux thèmes apparaissent tels les poèmes d’Ossian, évocation sentimentale et fantastique d’un deuil de la génération postrévolutionnaire. Deux primitifs montrent ce que devrait être la peinture moderne. Paulin Duqueylar a peint un Ossian chantant (musée Granet, Aix-en-Provence) qui rebute les critiques par la crudité de ses couleurs et la nouveauté du sujet. Jean Broc, élève de David et camarade d’atelier de Duqueylar, révèle L’École d’Apelle à ce Salon et reçoit un prix d’encouragement. Pourtant, malgré l’enthousiasme du public face à ce tableau de grand format, il reste incompris. Les critiques contemporains ne saisissent pas la signification de l’œuvre de Broc.
Dans une architecture qui s’inspire des modèles antiques et de la Renaissance, mais également de son maître (les trois arcades font implicitement référence à celles du Serment des Horaces), Broc met en scène Apelle, le peintre le plus talentueux d’Alexandre le Grand, et ses élèves. Contrairement à ses contemporains, qui utilisent des couleurs chaudes, le peintre cherche à retrouver la fraîcheur des teintes antiques et des fresques du XVe siècle, en accord avec le sujet présenté. Montrant son talent à réaliser des académies, il donne vie à de nombreux jeunes gens, dispersés par groupes ou seuls. Chaque personnage est une étude en elle-même. Ces différentes attitudes se réfèrent au Beau idéal. Dans une culture classique où l’Antiquité est érigée en modèle absolu, l’école d’Apelle devient un exemple pour les jeunes peintres.
Broc marque également un net changement par rapport à son maître par le fort clair-obscur du premier plan. Il dépeint Apelle qui montre à ses élèves un dessin, la Calomnie d’Apelle, alors attribué à Raphaël. Ce dessin représente un épisode où un peintre, jaloux du talent de son rival, Apelle, l’accuse de trahison. Pour se défendre de ses détracteurs, Apelle exécute un tableau où un innocent est traîné par la Calomnie, l’Envie et le Repentir. Cet exemple emblématique de la Calomnie, représenté par Sandro Botticelli ou Albrecht Dürer, est repris par Broc, à travers Raphaël. L’artiste de 1800 ne cherche pas à figurer la calomnie en elle-même, de prime abord, mais se sert du lieu d’apprentissage, l’atelier, pour la porter au vu de tous. Broc réussit une mise en abyme anachronique, qui dépeint un artiste antique expliquant un dessin de Raphaël, artiste de la Renaissance.
Ce tableau dans un tableau n’a pas été appréhendé à sa juste mesure par la critique, sans doute à cause de son mauvais emplacement au Salon. Le choix de ce sujet par Broc peut s’expliquer d’une part par les goûts des Primitifs en matière d’art et, d’autre part, par les critiques que David faisait à Broc. Le maître trouvait que Broc était un coloriste qui ne se préoccupait pas assez du dessin. Et surtout il déclarait qu’il ne devait pas « [se] mettre dans l’esprit qu’il est un Raphaël ». Le tableau se comprend comme un manifeste pictural du groupe des Primitifs, qui illustre à la fois une césure avec le classicisme de David et la volonté de ne pas être vu comme dissident : il s’agit d’une rébellion ouverte et personnelle face à son maître d’un groupe qui se veut légitime.
Le tableau de Jean Broc est le symbole d’un changement en art ; les idées utopiques de la Révolution ont été transmises à la génération de l’atelier de David à la fin des années 1790. La fraîcheur des couleurs et l’originalité de la touche de Broc font que son style est remarqué par plusieurs artistes, dont Jean Auguste Dominique Ingres, son ancien camarade d’atelier. En accord avec la nouveauté de la situation politique française, Broc, qui montre un personnage calomnié, ferait-il également référence à Napoléon et à son contestable pouvoir ? En tout cas, Broc s’inscrit à la toute fin du XVIIIe siècle dans un esprit de création, cherchant à rompre tout lien avec un passé récent et avec la volonté de s’affirmer comme moderne, par la nouveauté du sujet.
Étienne DELÉCLUZE, Louis David, son école et son temps, 1855, rééd. Paris, Macula, 1983.
George LEVITINE, L’École d’Apelle de Jean Broc : un « primitif » au Salon de l’An VIII in Gazette des Beaux-Arts, n° 80, novembre 1972.
George LEVITINE, The Dawn of Bohemianism : The Barbu Rebellion and Primitivism in Neoclassical France, University Park, Londres et Pennsylvanie, 1978.
Néoclassicisme : Mouvement artistique qui se développe du milieu du XVIIIe au milieu du XIXe siècle. Renouant avec le classicisme du XVIIe siècle, il entend revenir aux modèles hérités de l’Antiquité, redécouverts par l’archéologie naissante. Il se caractérise par une représentation idéalisée des formes mises en valeur par le dessin.
Saskia HANSELAAR, « Jean Broc, L'École d'Apelle », Histoire par l'image [en ligne], consulté le 21/11/2024. URL : https://histoire-image.org/etudes/jean-broc-ecole-apelle
Lien à été copié
Découvrez nos études
La Grande armée fidèle à l'Empereur
Symbole s’il en est de l’unanimité populaire, le serment, devenu sous la Révolution la proclamation inaliénable du corps souverain de la nation,…
Le Trésor des conquêtes impériales
Ouvert en 1793 par la Convention, le Muséum central des arts installé au Louvre présentait…
L'ancêtre des Expositions universelles
La première exposition des produits de l’industrie française eut lieu en 1798 à l’…
Jean Broc, L'École d'Apelle
Le Salon de 1800 est le dernier du XVIIIe siècle et il est pourtant celui qui présente le plus de nouveautés artistiques. En 1800,…
Le Premier crématorium de Paris
La construction de ce bâtiment, rêve de Bosphore sur la rive droite de la Seine, est le point final d’un…
Présence des chevaux de Venise à Paris, de 1798 à 1815
Les figures antiques doivent servir de règle et de modèle, énonçait le Dictionnaire portatif (1757) d'Antoine-Joseph…
Combat des écoles – L’Idéalisme et le Réalisme
Pour l’exposition universelle qu’il organise à Paris en 1855, le Second Empire entend se démarquer de l’édition…
La Mort de Léonard de Vinci
Invité par François Ier, Léonard de…
Portrait d'une femme noire
A la veille de la Révolution, Marie-Guilhelmine Leroux-Delaville (1768-1826) fait partie d’une petite élite de jeunes femmes peintres qui…
La Guerre d’Indépendance en Grèce
Sous l’emprise des idées de la Révolution française, la Grèce aspire à son indépendance au début du XIXe siècle. Elevés dans le culte…
Ajouter un commentaire
Mentions d’information prioritaires RGPD
Vos données sont sont destinées à la RmnGP, qui en est le responsable de traitement. Elles sont recueillies pour traiter votre demande. Les données obligatoires vous sont signalées sur le formulaire par astérisque. L’accès aux données est strictement limité aux collaborateurs de la RmnGP en charge du traitement de votre demande. Conformément au Règlement européen n°2016/679/UE du 27 avril 2016 sur la protection des données personnelles et à la loi « informatique et libertés » du 6 janvier 1978 modifiée, vous bénéficiez d’un droit d’accès, de rectification, d’effacement, de portabilité et de limitation du traitement des donnés vous concernant ainsi que du droit de communiquer des directives sur le sort de vos données après votre mort. Vous avez également la possibilité de vous opposer au traitement des données vous concernant. Vous pouvez, exercer vos droits en contactant notre Délégué à la protection des données (DPO) au moyen de notre formulaire en ligne ( https://www.grandpalais.fr/fr/form/rgpd) ou par e-mail à l’adresse suivante : dpo@rmngp.fr. Pour en savoir plus, nous vous invitons à consulter notre politique de protection des données disponible ici en copiant et en collant ce lien : https://www.grandpalais.fr/fr/politique-de-protection-des-donnees-caractere-personnel