Antoine-Laurent Lavoisier et Marie-Anne Lavoisier
Auteur : DAVID Jacques Louis
Lieu de conservation : The Metropolitan Museum of Art (New York)
site web
Date de création : 1788-1789
H. : 259,7 cm
L. : 194,6 cm
Huile sur toile.
Domaine : Peintures
Domaine Public © CC0 The Metropolitan Museum of Art
1977.10
Lavoisier et sa femme
Date de publication : Janvier 2021
Auteur : Stéphane BLOND
Élève et mécène de David
Au début des années 1780, Jacques Louis David (1748-1825) est un peintre à la mode au sein de la bourgeoisie parisienne. Passé par l’Académie de France à Rome, ses toiles représentent des sujets à l’antique qui font de lui le maître du néoclassicisme, tout en étant le portraitiste de la haute société.
À partir de 1786, Marie-Anne Pierrette Paulze (1758-1836), épouse du fermier général Antoine-Laurent Lavoisier (1743-1794), suit les cours particuliers de l’artiste. Deux ans plus tard, elle lui commande un tableau de son couple pour la somme considérable de 7 000 livres tournois.
Considéré comme le père de la chimie moderne, Antoine-Laurent Lavoisier investit sa fortune dans la recherche fondamentale. Ancien élève du collège des Quatre-Nations, il fait des études de droit, mais ne plaide pas. En 1770, il acquiert une charge de fermier général pour la collecte des impôts royaux et devient régisseur des Poudres. Dès lors, il réside dans l’hôtel du Grand Arsenal où il possède un laboratoire qui sert probablement de cadre au tableau de David. L’année suivante, il épouse Marie-Anne Paulze, elle-même fille d’un fermier général.
Achevé en 1789, mais non présenté au Salon, ce monumental double portrait est conservé par les héritiers Lavoisier jusqu’en 1924, date de sa vente au galeriste marchand d’art français Georges Wildenstein. Acheté par John Davison Rockefeller Junior, le tableau est revendu en 1977 pour 4 millions de dollars aux époux Wrightsman. Ils en font don au Metropolitan Museum of Art de New York.
La science expérimentale à l’honneur
David prend le parti de donner la vedette à sa généreuse commanditaire. Vêtue d’une longue robe de mousseline blanche et d’une perruque, elle est placée, debout, au centre de la toile. Le regard tourné vers le peintre et le spectateur, elle s’appuie sur l’épaule de son mari, assis devant sa table de travail, comme pour garder un œil attentif sur son activité. Les jeux de lumière orientent également le regard vers la protagoniste, à la manière de son époux qui n’a d’yeux que pour elle.
Antoine-Laurent Lavoisier porte un bel habit bourgeois, avec un costume noir et une chemise blanche à dentelle.
Un portefeuille de plans est posé sur le fauteuil situé à l’arrière. Un baromètre, un gazomètre et une cuve à eau sont représentés sur la table, alors qu’un ballon de verre à robinet d’arrêt est placé au sol.
La gloire d’un couple de chimistes
Scientifique de renom, Lavoisier est continuellement assisté par son épouse. En 1788, ils travaillent ensemble à la publication du Traité élémentaire de chimie dont l’époux corrige manifestement ici les épreuves. Publié l’année suivante chez le libraire parisien Cuchet, l’ouvrage se donne comme objectif de « réformer et de perfectionner la nomenclature de la chimie » grâce à l’étude de la composition de l’air et de la transformation des éléments. Ce traité est complété par treize planches gravées, avec des dessins réalisés par son épouse. Jacques Louis David fait référence à ces derniers par le portefeuille de plans, ainsi qu’en montrant certains des instruments scientifiques qu’elle a représentés.
Si les époux Lavoisier travaillent de concert, c’est le mari qui recueille les honneurs. Au moment où David réalise ce tableau, il est membre de nombreuses institutions françaises et étrangères : Académie royale des sciences, Société royale de médecine, Sociétés d’agriculture de Paris et d’Orléans, Royal Society de Londres, Institut de Bologne, Société helvétique de Bâle, Sociétés de Philadelphie, Harlem, Manchester, Padoue, etc. Néanmoins, David entend rendre hommage à l’action éclairée de madame Lavoisier dans le domaine de la science.
L’historienne japonaise Keiko Kawashima considère qu’avec madame Du Châtelet pour les mathématiques, Marie-Anne Lavoisier illustre le lien entre la science et le genre au siècle des Lumières. En effet, celle-ci s’intéresse à de nombreuses disciplines scientifiques, mais se passionne véritablement pour la chimie dont elle traduit de nombreux travaux européens. Elle tient salon, participe aux expérimentations, prend des notes, réalise des croquis et des dessins. Pourtant, sa posture contemplative sur la toile de David contraste avec celle de son époux, laborieuse.
Malgré ses apports substantiels à la chimie moderne et son approche réformatrice en tant que député de la noblesse aux états généraux de 1789, Antoine-Laurent Lavoisier représente aussi les intérêts financiers de la monarchie. Arrêté pendant la Terreur, il est guillotiné le 8 mai 1794. Sa veuve récupère ses instruments, dont certains sont encore conservés au musée des Arts et Métiers à Paris. En 1804, elle épouse en secondes noces le physicien américain Benjamin Thompson (1753-1814). Ensemble, ils réalisent notamment des travaux sur la chaleur.
HOUGHTON James R., Philippe de Montebello and the Metropolitan Museum of Art (1977-2008), cat. exp. (New York, 2008), New York, The Metropolitan Museum of Art / New Haven, Yale University Press, 2009.
KAWASHIMA Keiko, Émilie Du Châtelet et Marie-Anne Lavoisier : science et genre au XVIIIe siècle, Paris, Honoré Champion, coll. « Essais » (no 21), 2013.
MONNERET Sophie, David et le néoclassicisme, Paris, Terrail, 1998.
POIRIER Jean-Pierre, Antoine-Laurent de Lavoisier (1743-1794), Paris, Pygmalion Gérard Watelet, 1993.
POIRIER Jean-Pierre, La science et l’amour : madame Lavoisier, Paris, Pygmalion, 2004.
Néoclassicisme : Mouvement artistique qui se développe du milieu du XVIIIe au milieu du XIXe siècle. Renouant avec le classicisme du XVIIe siècle, il entend revenir aux modèles hérités de l’Antiquité, redécouverts par l’archéologie naissante. Il se caractérise par une représentation idéalisée des formes mises en valeur par le dessin.
Stéphane BLOND, « Lavoisier et sa femme », Histoire par l'image [en ligne], consulté le 14/12/2024. URL : https://histoire-image.org/etudes/lavoisier-sa-femme
Lien à été copié
Découvrez nos études
Louis XIII et Poussin
Initialement commandée en 1828 pour le musée Charles-X, qui accueillait les antiquités égyptiennes et gréco-romaines…
Lavoisier et sa femme
Au début des années 1780, Jacques Louis David (1748-1825) est un peintre à la mode au sein de la bourgeoisie parisienne…
Agar chassée par Abraham
Vernet exerçait en 1833 les fonctions de directeur de l’Académie de France à Rome lorsqu’il découvrit l’Algérie, dont la France amorçait la…
L'Académie de France à Rome : la villa Médicis
La Révolution fut une longue période de transition pour l’Académie de France à Rome. Dix années séparent l’abandon de son siège historique du…
Louis XIV protecteur des Arts et des Sciences
Roi de guerre, roi-soleil, Louis XIV se veut aussi le protecteur des arts et des sciences. D’autant que le jeune monarque, né en 1638, de l’union…
L'Académie de France à Rome : le palais Mancini
Fondée par Colbert en 1666 sur les conseils des peintres Charles Le Brun et Charles Errard, l’Académie de France à Rome occupe une place à part…
Le concours du Prix de Rome
Institué en 1663 afin de sélectionner les artistes qui seraient admis à séjourner à l’Académie de France à…
L'assassinat de Bassville à Rome
Les événements qui aboutissent à la proclamation de la république le 21 septembre 1792 ont entraîné une détérioration rapide des relations entre…
Le compositeur Cherubini et la Muse de la poésie lyrique
Compositeur italien né en 1760, Cherubini s’établit à Paris en 1788 et se fait naturaliser français. Il traverse les gouvernements : porte-parole…
Ajouter un commentaire
Mentions d’information prioritaires RGPD
Vos données sont sont destinées à la RmnGP, qui en est le responsable de traitement. Elles sont recueillies pour traiter votre demande. Les données obligatoires vous sont signalées sur le formulaire par astérisque. L’accès aux données est strictement limité aux collaborateurs de la RmnGP en charge du traitement de votre demande. Conformément au Règlement européen n°2016/679/UE du 27 avril 2016 sur la protection des données personnelles et à la loi « informatique et libertés » du 6 janvier 1978 modifiée, vous bénéficiez d’un droit d’accès, de rectification, d’effacement, de portabilité et de limitation du traitement des donnés vous concernant ainsi que du droit de communiquer des directives sur le sort de vos données après votre mort. Vous avez également la possibilité de vous opposer au traitement des données vous concernant. Vous pouvez, exercer vos droits en contactant notre Délégué à la protection des données (DPO) au moyen de notre formulaire en ligne ( https://www.grandpalais.fr/fr/form/rgpd) ou par e-mail à l’adresse suivante : dpo@rmngp.fr. Pour en savoir plus, nous vous invitons à consulter notre politique de protection des données disponible ici en copiant et en collant ce lien : https://www.grandpalais.fr/fr/politique-de-protection-des-donnees-caractere-personnel