Vue du château de Ham.
Portrait de Louis Napoléon Bonaparte.
Plan du Château de Ham avec le tracé du parcours effectué par L. N. Bonaparte lors de son évasion, le 25 mai 1846.
Evasion de Napoléon III.
Vue du château de Ham.
Lieu de conservation : archives départementales de la Somme (Amiens)
site web
Date de création : 1830
Date représentée : 1830
H. : 19,5 cm
L. : 28 cm
Lithographie en couleur Le texte de la lithographie est manquant mais connu par d'autres exemplaires [Vue du château de Ham où sont détenus les ministres de Charles X. Dédiée à la garde nationale.Lithographie de Gourdault. Rue des Petits-Augustins 1830. Asselineau delineavit].
Domaine : Peintures
© Archives Départementales de la Somme.
AD Somme DA 2901(ref.993)
Louis Napoléon Bonaparte s'évade du fort de Ham
Date de publication : Février 2005
Auteur : Luce-Marie ALBIGÈS
Louis Napoléon Bonaparte s'évade du fort de Ham
Louis Napoléon Bonaparte s'évade du fort de Ham
Fils de Louis Bonaparte, roi de Hollande et frère de Napoléon Ier, et d’Hortense de Beauharnais, fille de Joséphine, Louis Napoléon passe son enfance avec sa mère. Après la chute de l’Empire, Hortense, séparée de son mari, se fixe avec son fils au château d’Arenenberg, sur le lac de Constance en Suisse, et séjourne à Rome et en Angleterre.
Convaincu que son nom lui confère une aura d’exception dans la France de Louis-Philippe, Louis Napoléon tente, en 1836, de soulever la garnison de Strasbourg. L’aventure tourne à l’échec et il est discrètement exilé aux États-Unis. À la mort de sa mère, il hérite de ressources suffisantes pour s’installer à Londres et prépare un second coup de force pour rentrer en France et y prendre le pouvoir. Il n’aboutit, en 1840, qu’à un nouvel échec piteux sur la plage de Boulogne. Ridiculisé par la presse, rejeté par sa famille, abandonné de tous, le prince est jugé à Paris, condamné à la prison perpétuelle, le 6 octobre, et enfermé au fort de Ham.
Pour le gouvernement de Louis-Philippe, l’emprisonnement du neveu de l’ex-Empereur est délicat, en cette année 1840 où le roi tente de faire jouer la légende napoléonienne à son profit : son fils, le prince de Joinville, vogue alors vers Sainte-Hélène pour en ramener les restes de Napoléon. Cependant le contraste entre l’enthousiasme soulevé par la cérémonie du retour des cendres le 15 décembre 1840 et l’indifférence de l’opinion lors du procès semble condamner à tout jamais les chances du bonapartisme.
Le château de Ham en 1830
Cette lithographie, diffusée à partir de 1830, rend avec précision l’architecture du château de Ham, qui sera détruit en 1917. Ce chef-d’œuvre de l’architecture militaire de la fin du XVe siècle, alors visiblement en excellent état de conservation, servit de forteresse pour les prisonniers politiques sous Louis-Philippe.
Le système de fortifications édifié vers 1475 pour résister aux armes de gros calibre se composait de courtines et de tours représentatives des conceptions de défense de la fin du Moyen Âge. Les deux tours elliptiques en façade ont encore leur couverture originelle en pierre, et la tour maîtresse, aussi large que haute (33 mètres), à l’arrière-plan à gauche, est pourvue de parapets avec leurs embrasures typiques de l’âge du canon. La tour-porte rectangulaire au centre, précédée d’une barbacane, donnait accès à une grande cour intérieure où avaient été édifiés au début du XIXe siècle les pavillons des prisonniers : sur la lithographie, ces derniers dépassent nettement l’enceinte en hauteur.
Louis Napoléon occupe le plus confortable des pavillons, situé au fond de la cour, avec deux membres de la conspiration de Boulogne, le docteur Conneau et le général de Montholon, et y fait l’objet d’une étroite surveillance. La garnison est forte de 400 hommes et de 60 sentinelles réparties autour de l’enceinte. Le commandant du fort doit s’assurer quatre fois par jour de la présence de son prisonnier, qui ne peut sortir de son appartement sans être suivi par des gardiens. Un commissaire spécial de police envoie un rapport quotidien au ministre de l’Intérieur.
Portrait de 1836
La Biographie des hommes du jour de Germain Sarrut et B. Saint-Edme, qui répertorie avec éclectisme « industriels, conseillers d’état, artistes, chambellans, députés, prêtres, militaires, écrivains, rois… », donne de Louis Napoléon, alors âgé de 28 ans, un portrait peu connu. Son uniforme de capitaine d’artillerie suisse, orné d’une simple fourragère, rappelle que le prince a publié le Manuel d’artillerie pour la Suisse, ouvrage assez sommaire mais qui lui permet d’entrer en relation avec les officiers de l’armée française.
Bénéficiant pendant son internement à Ham d’un appartement de plusieurs pièces et de conditions de détention assez confortables, Louis Napoléon correspond avec l’extérieur, reçoit des visites et des livres. Il met à profit cette captivité, qui durera cinq ans et demi, pour se consacrer à l’étude et faire avancer sa cause dans l’opinion par l’écriture de brochures et d’articles dans les revues locales. Il qualifiera ces années d’étude et de réflexion d’« Université de Ham ». Menant de pair projets sociaux et travaux scientifiques, il publie pendant son incarcération L’Extinction du paupérisme, La Question des sucres, les Études sur le passé et l’avenir de l’artillerie, qui contribuent à le créditer dans l’opinion de vues sociales et économiques.
Des témoignages de l’intérêt de la population pour Louis Napoléon se multiplient, au grand mécontentement de l’administration. « En plusieurs circonstances déjà, j’ai eu l’honneur de vous rendre compte, combien de jour en jour le PRINCE Louis Bonaparte s’acquiert la sympathie de la population de ce pays », écrit le préfet au ministre de l’Intérieur.
Après avoir cherché sans succès à négocier sa sortie de la forteresse, Louis Napoléon se met à préparer minutieusement sa fuite avec la complicité du docteur Conneau. Le 25 mai 1846, profitant des allées et venues d’ouvriers qui travaillent dans son pavillon, le prince, vêtu en maçon, coiffé d’une perruque, la moustache rasée, charge une planche de sa bibliothèque sur son épaule pour dissimuler son visage, gagne la sortie et franchit la grille. Avant que sa fuite soit découverte, il est en Belgique et, le lendemain, en Angleterre.
Plan de l’évasion
Le plan du château et du parcours effectué par l’évadé sera dessiné par l’officier du génie Nicolas Flajollot en 1854. Il restitue fidèlement les dispositions du château médiéval, les talus destinés à le protéger des tentatives d’escalade et les pavillons des prisonniers.
Avec une folle témérité bien dans son caractère, Louis Napoléon est descendu du premier étage au rez-de-chaussée puis a traversé la cour du château, jusqu’au poste de garde, où son accoutrement a fait ouvrir la grille sans éveiller les soupçons !
Carte postale
Une carte postale d’un dessin populaire en couleur, éditée à Ham, contribue à colporter cette évasion audacieuse et rocambolesque. Louis Napoléon, habillé en maçon, traverse la cour, suivi d’un « tambour » intrigué et prêt à donner l’alarme ; au fond, le pavillon B où il logeait. On ne sait s’il était vêtu d’un déguisement ou d’une tenue de travail empruntée, au dernier moment, à un ouvrier nommé Pinguet. Les caricaturistes du Second Empire transformeront le nom de celui-ci en Badinguet, qui évoque un plaisantin, pour en affubler l’empereur en rappelant son passé de conspirateur.
Deux tendances se font jour dans l’opinion après 1840 : si la haute société considère l’affaire de Boulogne comme un échec piteux, les couches populaires le perçoivent comme un acte de courage s’inscrivant dans le fil des complots libéraux de la monarchie de Juillet. Peu à peu, dans l’opinion, l’image du conspirateur ridicule s’estompe, supplantée par celle du condamné politique à la prison à vie. Dans le contexte d’attente d’un pouvoir stable et fort, elle se concilie avec le phénomène bonapartiste, personnification de la politique dont bénéficie Louis Napoléon.
Dès la chute de Louis-Philippe, il revient à Paris, et les électeurs se prononcent bientôt massivement pour ce personnage presque inconnu sous son nom célèbre, mélange de césarisme, d’audace individuelle et de légende napoléonienne.
Adrien DANSETTELouis-Napoléon à la conquête du pouvoirParis, Hachette, 1973.
Jean MESQUI, Châteaux et enceintes de la France médiévale. De la défense à la résidence. I. Les Organes de défense.Paris, Picard, 1991.
Pierre MILZA, Napoléon III, Paris, Perrin, 2004.
Luce-Marie ALBIGÈS, « Louis Napoléon Bonaparte s'évade du fort de Ham », Histoire par l'image [en ligne], consulté le 21/11/2024. URL : https://histoire-image.org/etudes/louis-napoleon-bonaparte-s-evade-fort-ham
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