La Séparation de l'Église et de l'État
Auteur : ANONYME
Lieu de conservation : musée Jean-Jaurès (Castres)
site web
Date de création : 1904
Date représentée : 1905
H. : 37 cm
L. : 53 cm
Lithographie
Domaine : Estampes-Gravures
© Musée Jean Jaurès
La séparation des Églises et de l'État
Date de publication : Février 2007
Auteur : Alain BOSCUS
L’imminence de la Séparation
À l’orée du siècle, les relations de la France avec le Saint-Siège s’enveniment du fait de la politique anticléricale menée par Émile Combes et de l’intransigeance du nouveau pape Pie X. Le 29 juillet 1904, le gouvernement décide de rompre les relations diplomatiques avec le Vatican. Dès lors, la voie est ouverte à la séparation de l’Église et de l’État.
Il s’agit en fait d’une revendication ancienne (et essentielle) des républicains dont l’anticléricalisme s’apparentait à une « foi laïque », rationaliste et positiviste, en partie issue des Lumières. Le progrès, la science, l’éducation devaient faire reculer l’ignorance, l’obscurantisme et la superstition. Le pouvoir civil devait soumettre le pouvoir religieux et l’exclure de la vie politique et de la société.
Une allégorie riche en symboles
Émile Combes est déjà en action. Sa francisque s’apprête à trancher le nœud gordien (central) aux robustes entrelacs forgés par des siècles d’histoire. Fort réjoui, Voltaire lui donne la force nécessaire. Nouveau « Dieu » dont la pureté laïque et franc-maçonne ne saurait être mise en doute, le philosophe des Lumières envoie ses rayons bénéfiques à l’exécuteur. La République est consentante. Figurée en « Marianne de petite vertu », elle s’efforce de tendre la corde et s’attend à la séparation tout en continuant à s’interroger et en hésitant à la regarder vraiment en face. L’Église, représentée par le pape, continue d’être surveillée de près par Émile Combes. Fort mécontente de l’opération, elle subit, incapable d’apprécier la situation à sa juste valeur. Au premier plan, à terre, tranchant avec la surface bien dégagée sur laquelle se déroule l’action, un moine grassouillet au nez rouge (un chartreux ?) cuve son vin, une bouteille pleine dans les bras, une croix dans la main (croix sur laquelle un verre est gravé…).
Une fois le nœud tranché, la République ne reconnaîtra, ne salariera, ne subventionnera plus aucun culte. Mais elle assurera la liberté de conscience et garantira le « libre exercice des cultes », comme le mentionneront les deux premiers articles de la loi promulguée le 9 décembre 1905.
Le thème de la séparation de l’Église et de l’État a maintes fois été traité de cette façon-là par les caricaturistes, mais avec des tonalités partisanes plus ou moins républicaines et plus ou moins anticléricales. L’anticléricalisme de cette lithographie riche en symboles est par exemple très accentué. Le moine à terre en est une preuve, tout comme les détails de la tenue du pape, qui relèvent de la moquerie pure et simple, tout en insistant sur l’opulence de l’Église, son étrangeté et son extériorité par rapport à la société civile.
La Séparation, œuvre du « combisme »
Cette lithographie, jamais reproduite jusqu’à ces dernières années, évoque une date essentielle de l’histoire de France. Si son côté partisan ne nous aide pas à comprendre que la loi de séparation fut finalement une loi de liberté et de conciliation (en dépit de son côté radical, net et bien tranché…), l’œuvre nous permet de saisir les passions extrêmes qui opposèrent, au tournant du siècle, cléricaux et anticléricaux (y compris les appels à la résistance, les menaces et condamnations lancées par Pie X après le vote de la loi et, en 1906, au moment des Inventaires).
Donnant une place centrale à Émile Combes alors que la loi, fruit d’un travail collectif, fut promulguée après la chute de son gouvernement, cette allégorie correspond bien aux deux idées principales que chacun se fait encore aujourd’hui de cet épisode historique. D’une part le « petit père Combes », ancien séminariste devenu anticlérical, est bien à l’origine de la Séparation en dépit de ses penchants concordataires. D’autre part, le « combisme » mis en œuvre par le bloc des Gauches fut bien une politique de combat menée sans fard et soutenue activement par une partie non négligeable de la population, afin qu’advienne cette République laïque tant désirée mais maintes fois ajournée.
Gérard CHOLVY, Yves-Marie HILAIRE, Histoire religieuse de la France contemporaine, t. 2, Toulouse, Éditions Privat, 1984-1986.
Madeleine REBÉRIOUX, La République radicale (1898-1914), Le Seuil, coll. « Points Histoire », 1975.
Jean-Marie MAYEUR, La Séparation de l’Église et de l’État, Paris, Julliard, coll. « Archives », 1966.
Alain BOSCUS, « La séparation des Églises et de l'État », Histoire par l'image [en ligne], consulté le 24/11/2024. URL : https://histoire-image.org/etudes/separation-eglises-etat
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Une relecture ne s'imposerait-elle pas devant ce paradoxe:
Date de création 1904
Date représentée 1905
En réponse à Bos par Anonyme (non vérifié)
Non
Non je pense que c'est correct. En effet, cette lithographie a été réalisée en 1904 représentant la séparation de l'Eglise et de l'Etat n'ayant pas encore eu lieu. Cette séparation ayant eu lieu en 1905, la date représentée est donc 1905. La séparation était imminente a cette époque, l'auteur a simplement représenté un évènement qui allait bientôt se produire. Bonne continuation.
Fichet
A moins que cette oeuvre ne témoigne des difficultés d'accéder à cette loi de 1905 et des tensions au sein de la société avant sa publication.
Jean-Frederic || J'approuve
Je suis tout à fait d'accord avec cet article. Bonne continuation.
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